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À la rencontre des enfants des rues de Dakar avec le Samu Social

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Marie Jampy Baron
Écrit par Gaëlle Picut
Publié le 3 septembre 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

J’ai réappris à sourire et à m’amuser. Ici, on fait plein d’activités avec les animateurs et je me suis fait plein de copains

témoigne Idrissa, un enfant des rues accompagné par le Samu Social Sénégal.

Depuis 15 ans, cette association agit pour venir en aide aux jeunes les plus démunis de Dakar. À l’origine de sa création, une femme, Isabelle de Guillebon, qui décide en 2003 de changer radicalement de vie. Elle quitte la France, son métier dans les ressources humaines dont la dernière expérience lui a laissé un goût amer, pour s’installer à Dakar et s’engager sur le long terme dans le social. Une rencontre avec le docteur Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu Social qui cherche à s’implanter au Sénégal sera le bon déclic. Petit à petit, elle monte sur pied une équipe et développe le Samu Social à Dakar. L’objectif est d’aider les enfants des rues, principalement des garçons, à sortir de leur exclusion familiale, sanitaire, scolaire et sociale grâce à une prise en charge individualisée et professionnelle. Depuis 2010, ses bureaux et son centre d’hébergement sont situés à Ouakam.

L’exploitation économique est certes la plus visible, et n’est pas à négliger, mais cache des réalités souvent dramatiques de maltraitance physique, psychologique, sexuelle dont sont victimes les enfants et adolescents de la rue, que ce soit en famille ou auprès du tuteur

Si le phénomène de l’exclusion dans les zones urbaines est universel, il comporte des spécificités propres à chaque ville. Ainsi le Samu Social veille à répondre aux problématiques et au contexte de chaque pays, en liaison avec les instances institutionnelles. Au Sénégal, il répond principalement au problème des enfants des rues, souvent réduit à celle de la mendicité forcée des enfants communément appelés « talibés ». « L’exploitation économique est certes la plus visible, et n’est pas à négliger, mais cache des réalités souvent dramatiques de maltraitance physique, psychologique, sexuelle dont sont victimes les enfants et adolescents de la rue, que ce soit en famille ou auprès du tuteur » indique Isabelle Guillebon. Selon un rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) paru en juillet 2017, il y aurait plus de 50 000 enfants des rues dans le pays, en grande majorité d’origine sénégalaise, les autres venant de Guinée Bissau, Gambie, Mali, Mauritanie... Face à cet esclavagisme moderne, des initiatives sont régulièrement prises (cf. Plan de retrait des enfants des rues lancé en juin 2016 par le gouvernement sénégalais) mais elles sont insuffisantes. Les observateurs s’accordent à dire que ce phénomène nécessite une approche globale et des moyens humains et financiers beaucoup plus conséquents. Comme le souligne HRW, il faudrait notamment un renforcement des conditions d’ouverture et de contrôle des écoles coraniques dites « daaras » où vivent ces enfants talibés. Certaines, abusives, les font vivre dans des conditions de misère extrême et les soumettent à des abus physiques ou psychologiques.

 

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Photo H. de Kérimel

 

Le Samu Social Sénégal effectue des maraudes nuit et jour dans les rues de Dakar pour aller à la rencontre des enfants des rues et créer des liens avec eux. Ces équipes mobiles assurent une aide médicale d’urgence, un accompagnement psychosocial et cherchent à faire de la prévention concernant les risques d’exploitation sexuelle, la toxicomanie, etc. En cas d’urgence médico-sociale, le Samu social dispose d’un centre d’hébergement (avec une trentaine de lits), où les enfants peuvent se (re)poser quelques jours ou quelques semaines. Dans ce lieu sécurisant, les professionnels peuvent instaurer une relation de confiance et proposent aux jeunes différentes activités. « La vie en collectivité, outre la remise en fonction de leurs corps (sommeil, alimentation), apprend aux jeunes hébergés à vivre ensemble et donc à respecter les autres » indique Isabelle. Des activités culturelles et artistiques (cours d’alphabétisation, sport, jeux, promenades, peinture, chant) permettent aux jeunes de sortir de la logique de survie en rue et de faire appel à leur imaginaire et à leurs émotions.

 

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Photo Sam Phelps

 

Pour les jeunes qui en expriment le souhait, les équipes du Samu Social construisent un projet de sortie de rue. Quand cela est possible, un processus de renouement familial est mis en place, qui passe par différentes étapes et un accompagnement sur plusieurs mois, voire années. « Les recherches demandent souvent du temps et de la patience. Nous nous appuyons sur un vaste réseau national de personnes ressources et de structures relais en régions » explique Isabelle. Depuis sa création, le Samu Social a accompagné 1100 retours en famille, dont plus de 90% sont pérennes.

Ce qui me fait tenir, c’est que tout cela a du sens

Par ailleurs, le Samu social qui compte désormais 25 salariés travaille avec tout un réseau de partenaires et de soutien afin de pouvoir passer le relais à des acteurs spécialisés dans la réinsertion par la rescolarisation, la formation professionnelle et l’apprentissage. C’est ainsi qu’Hoctavy, un jeune d’origine congolaise, après des années dans la rue, a pu reprendre une formation en restauration et bénéficier d’un hébergement grâce à un centre partenaire. Il a effectué différents stages dans des restaurants de Dakar et ses perspectives d’avenir sont encourageantes.

Mais le Samu Social doit chaque année trouver des fonds publics ou privés pour assurer la continuité de ses missions et le professionnalisme de ses équipes. « C’est une tâche à plein temps et nerveusement compliquée, confie Isabelle. Ce qui me fait tenir, c’est que tout cela a du sens ».

Pour en savoir plus ou faire un don : http://samusocialsenegal.com/ ou la page Facebook.

(Cet article a été rédigé en septembre 2018).

Gaelle Picut
Publié le 3 septembre 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

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