Lorsque l’on entre dans la vaste maison ocre de Léopold Sédar Senghor près de la Corniche Ouest, à Hann, on a l’impression que le temps s’est arrêté. En effet, depuis que son illustre occupant s’en est allé, rien n’a changé ou presque.
Senghor occupa cette maison après son départ du pouvoir, de 1980 à 1992. Dessinée par l’architecte français Ferdinand Bonamy, elle a été construite entre 1975 et 1978 sur une parcelle de près de 8000 m2 et décorée par Jean-Pierre Brossard. Pour des raisons de santé, à partir de 1992, Senghor ne pouvait plus prendre l’avion et resta avec sa femme Colette en Normandie jusqu’à sa mort en 2001.
La maison de Senghor a été rachetée par l’Etat sénégalais en 2010 et laissée plusieurs années à l’abandon. C’est Macky Sall qui décida d’en faire un musée. Celui-ci a été inauguré le 30 novembre 2014 lors du XVe sommet de la Francophonie, en présence de François Hollande et Macky Sall. Eiffage Sénéfal a financé sa réhabilitation (toiture, façades, jardin, etc.).
La visite est effectuée par Barthélémy Sarr, un ancien gendarme, qui a bien connu Senghor puisqu’il est entré à son service au palais présidentiel en 1973 et qu’il avait les clés de la maison lorsque l’ancien président partait plusieurs mois par an à Paris remplir ses fonctions d’académicien.
Les pièces d’habitations spacieuses et hautes de plafond s’ouvrent à travers de grandes baies vitrées sur de larges terrasses asymétriques. Le plan de la maison déstructuré, selon le principe du parallélisme asymétrique, est une alliance des influences africaine (notamment malienne) et occidentale. Certaines façades sont constituées de grands panneaux verticaux aux lignes aiguisées en forme de triangles. D’où le surnom « Les dents de la mer » donné à la maison, en référence au film de Steven Spielberg sorti en 1975.
On découvre au fil de la visite la salle de manger officielle où Senghor recevait notamment les personnes de sa Fondation, le petit salon d’attente, le salon rose, le salon blanc, le bureau du rez-de-chaussée où il recevait ses invités. Puis la partie plus privée de cette résidence avec une pièce où il déjeunait avec sa femme ou prenait le thé, deux chambres d’amis, et à l’étage, sa chambre, modeste, celle de sa femme, Colette, toute verte (cela lui rappelait la verdure de sa Normandie natale), et enfin celle de son 3ème fils, Philippe, toute bleue. On aperçoit un vaste jardin agrémenté d’une piscine où Senghor faisait volontiers quelques longueurs.
On devine l’homme de lettres et le poète à travers de nombreuses bibliothèques où aucun livre n’a bougé : littérature africaine, française, russe, philosophes antiques, etc. sans oublier les poèmes d’Apollinaire en collection La Pléiade, un exemplaire du Coran et de la Bible, un dictionnaire Le Robert posé sur son bureau à l’étage où il travaillait le matin et prenait plaisir à nourrir les oiseaux de quelques graines de mil sur la terrasse.
On devine également l’homme d’Etat à travers différents cadeaux reçus lors de ses nombreux voyages, venant de Chine, de Corée, d’Egypte, d’Iran ou des Etats-Unis.
On découvre également l’homme privé, le père et le mari, à travers de nombreuses photographies dont celles de ses trois fils, Francis Arfang, Guy Waly et Philippe Maguilène. Il eut les deux premiers avec Ginette Eboué, fille de l’ancien gouverneur général de l’Afrique Equatoriale française Félix-Eboué. Guy, professeur de philosophie, est mort tragiquement à 35 ans à la suite d'une chute du cinquième étage de son appartement de Paris et le plus jeune, Philippe, est décédé lors d’un accident de voiture avec sa petite amie allemande à Dakar alors qu’il était âgé de 23 ans. Francis, âgé de 71 ans, vit à Paris. La chambre de Philippe a été scrupuleusement gardée en l’état par sa mère.
On devine enfin son goût pour l’art à travers des tableaux, des bibelots, des statues africaines ou encore une tapisserie de la Manufacture des arts décoratifs de Thiès
Le Musée Senghor accueille parfois des scolaires ou quelques particuliers, mais le reste du temps, ce sanctuaire figé dans le temps semble bien silencieux.
Informations pratiques :
Musée Senghor, 6 rue Leo Frobenius, Dakar – Fann
Ouvert du lundi au samedi, de 10h à 12h et de 15h à 17h.
Tarifs : 2000 Fcfa pour les adultes, 1000 Fcfa pour les étudiants et hommes de tenue et 500 Fcfa pour les enfants de – de 10 ans.