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Comprendre les subtilités du modèle danois, pour mieux les exporter !

Il cumule jusqu’à 100 000 vues sur les réseaux sociaux lorsqu’il explique comment sont pensés et organisés les trottoirs de Copenhague. Anecdotique ? Pas vraiment. Jean-Louis Rocheron est fort d’une vraie communauté à travers l’Europe qui l’encourage à décoder toujours plus le modèle danois, par simple curiosité ou par besoin réel. Ses publications, instructives et contributives, sont devenues virales. On décrypte avec lui.

Jean-Louis ROCHERON_consultant international CopenhagueJean-Louis ROCHERON_consultant international Copenhague
Écrit par Séverine Martin
Publié le 23 mai 2024, mis à jour le 24 mai 2024

Présentez-vous à ceux qui ne vous connaissant pas encore !

Jean-Louis Rocheron : Je suis consultant international indépendant spécialisé en gouvernance des politiques publiques, installé au Danemark depuis quasiment trois ans. Alors que j’étais fonctionnaire titulaire avant cela, je me suis mis en disponibilité afin de suivre mon épouse, danoise, qui a eu l’opportunité de venir exercer à Copenhague en qualité de médecin chercheur spécialisée en cardiologie. J’ai travaillé environ quinze ans dans la fonction publique, en France et à l’étranger, menant à cette occasion des projets dans plusieurs pays en Afrique et au Moyen-Orient, visant à améliorer le fonctionnement d’administrations locales ou nationales.

En quoi consiste concrètement votre activité aujourd’hui ?

J-L. R. : Pour mes activités en lien avec le Danemark, il s’agit d’épauler les acteurs publics francophones qui cherchent des idées de politiques publiques innovantes et durables inspirées des recettes scandinaves. Cela me conduit à les recevoir ici dans le cadre de visites de terrain, à enseigner ponctuellement sur des modules thématiques à travers l’Europe, et à participer à des conférences et des webinaires sur ces sujets. Une autre partie de mes activités est en lien avec la coopération internationale française dans des pays d’Afrique, du Moyen-Orient et en Europe de l’Est. J’y mobilise mon expérience française, et de plus en plus mes observations scandinaves.

Qu’est-ce qui vous a décidé à initier cette activité avec le Danemark ?

J-L. R. :  Énormément de raisons mais sans doute, en premier lieu, cette fameuse qualité de vie qui intrigue à travers le monde ! En arrivant à Copenhague, j’ai souhaité utiliser mon expertise à l’international pour en faire mon activité principale, en sollicitant des clients partenaires comme l’ENA, l’INSP ou le CNFPT, pour collaborer. Et mon aventure entrepreneuriale a débuté. Depuis que j’ai lancé cette activité de coopération internationale, j’enchaîne les contrats dans différents pays, et m’y rends régulièrement. Le fait que je vive au Danemark est un atout car ce pays suscite un vif intérêt, chez les administrateurs territoriaux notamment, curieux de découvrir la réalité d’un modèle qui inspire à plusieurs niveaux.

 

trottoirs de Copenhague au Danemark
Les mystères des trottoirs de Copenhague @Jean-Louis Rocheron

 

Justement, ce modèle danois tant loué est-il facilement transférable ailleurs ?

J-L. R. :  C’est une vraie question ! Déjà il faut savoir que la ville de Copenhague reçoit en moyenne 400 demandes de visites annuelles émanant de collectivités du monde entier désireuses de découvrir son organisation. Or, il demeure complexe d’obtenir un accord s’il ne s’agit pas d’une collectivité de grande taille. Cette sollicitation à grand échelle s’explique par le fait que la commune est passionnante à étudier et à comprendre. D’ailleurs on l’assimile fréquemment à une sorte d’utopie-réaliste. Mais ce qui est encore plus intéressant est d’essayer d’aller au-delà des apparences, et de creuser certains sujets.

À ce titre, vous être très présent sur le réseau social LinkedIn où vous publiez énormément.

J-L. R. :  En effet, je poste régulièrement de petites vidéos contributives dans lesquelles je décrypte le modèle scandinave, principalement sur des sujets territoriaux, comme l’urbanisme ou l’aménagement, en toute objectivité et avec ma vision de français. Cela peut aider, apporter des éléments de réflexion aux acteurs publics et politiques, avec un regard juste. Je mets un point d’honneur à fouiller les dimensions historiques et les particularités des codes culturels. Cela me permet aussi d’entretenir ma stature d’expert et de communiquer plus largement.

Récemment vous abordiez le sujet de la théorie du nudge. Pouvez-vous nous expliquer ?

J-L. R. :  Le nudge correspond à la façon d'organiser l'environnement des individus, en se fondant sur la psychologie humaine. Son utilisation est très fréquente à Copenhague, correspondant bien au modèle éducatif danois dans sa globalité. Au moment où nous échangeons, ici face au métro de Frederiksberg, nous pouvons apercevoir des pavés sur la route. Leur présence n’est pas un hasard. Nous sommes dans un espace où il y a énormément de piétons, et il est nécessaire que les vélos ralentissent mais puissent continuer à circuler. Donc un compromis est nécessaire. Sur les extrémités de la voie, on observe que ces pavés ont été rabotés, et qu’on est naturellement orientés vers eux pour mieux rouler. Il s’agit de suggérer sans imposer, car ce qui est trop directif est culturellement peu acceptable au Danemark.

 

Intelligence mobilier urbain Danemark_Copenhague
Intelligence du mobilier urbain danois @Jean-Louis Rocheron

Quelles sont, selon vous, les principales leçons à tirer du modèle danois ?

J-L. R. :  Tout d’abord, je dirais le rapport au travail et au temps. C’est un pays de plein emploi avec un taux de chômage inférieur à 7% depuis plus de 25 ans et un syndicalisme puissant, ça joue forcément. D’autres sujets comme la sécurité, la mobilité, la décentralisation des services publics, la lutte contre la corruption sont très avancés ici, et ça inspire. Cependant, il faut parvenir à expliquer les distorsions comme les réalités, avec transparence et objectivité.

Vous affirmez que le célèbre hygge est un exemple parfait d’illustration de fantasme du modèle danois. Pourquoi ?

J-L. R. :  C’est un concept de bien-être et de confort, or en France il y a aussi ce fameux art de vivre qui est tout aussi hygge ! La différence est simplement qu’ici la météo est un peu plus hostile en hiver et les jours plus courts, donc on prend logiquement soin de son intérieur pour se réconforter, rien de plus…

Idem pour le sujet de l’empathie ?

J-L. R. :  Je dirais que c’est davantage l’idée de cours d’empathie, qui n’existent pas du tout ici contrairement à ce qui est véhiculé. Il y a une incompréhension majeure autour de ça. Au Danemark, l’empathie est une posture naturelle, un comportement inhérent à la population, dans une société très horizontale, alimentée par une histoire religieuse spécifique. Très tôt on est considéré comme faisant partie d’un collectif, la place de l’enfant est mieux valorisée, on « l’encapacite » dès son plus jeune âge, et ça joue considérablement.

Plus généralement, le sujet de l’éducation intéresse ?

J-L. R. :  Une délégation de la Fédération française des centres sociaux m’a récemment sollicité, curieuse de s’immerger dans le modèle d’éducation populaire, axé sur le développement de l’individu plus que sur la course au diplôme, à qui on laisse davantage de temps pour se découvrir, ce qui limite grandement les frustrations et les échecs.

 

@Jean-Louis Rocheron
@Jean-Louis Rocheron

 

Quels territoires français se sont déjà adressés à vous ?

J-L. R. :  J’ai accompagné des élus de Toulouse Métropole, Rennes Métropole, du département du Lot, et je suis régulièrement associé à des visites de délégations comme cela s’est produit pour la ville de Dunkerque ou pour un groupe de sénateurs. Récemment, j’ai même été convié à la Cité du design de Saint-Etienne pour parler de l’usage du vélo à Copenhague.

Une référence accessible à tous pour comprendre la genèse de ce modèle danois ?

J-L. R. :  Sans hésiter l’incroyable film sorti en 2012, Royal Affair avec Mads Mikkelsen. Il relate le rôle du très influent Struensee, médecin du roi, qui a changé durablement le destin de la nation.

Dernière chose, vous avez créé il y a un an l’AEPIFD, association des entrepreneurs et professionnels indépendants français au Danemark, dites-nous en plus.

J-L. R. :  On peut parfois avoir le sentiment que développer son activité en tant qu’indépendant dans ce pays n’est pas chose aisée. J’ai donc estimé pertinent de resserrer un peu les rangs, en partant du principe que s’entraider, s’accompagner, partager nos compétences et croiser nos idées serait déjà un bon point de départ ! Nous sommes désormais plus d’une centaine, et il y a une véritable émulation, très encourageante.

Pour suivre Jean-Louis Rocheron : https://www.linkedin.com/in/jean-louis-rocheron-514a9918/

Merci à Jean-Louis Rocheron pour cet échange très riche !

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