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Quels sont les enjeux des élections municipales à Chiang Mai?

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Catherine Vanesse - Les affiches électorales sont présentes partout depuis plusieurs semaines
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 22 mars 2021, mis à jour le 24 mars 2021

Le 28 mars, les Thaïlandais sont invités à se rendre aux urnes pour élire les maires et les conseillers municipaux. À Chiang Mai, 7 candidats sont dans la course aux municipales. Des élections qui pourraient amener un souffle nouveau.

Après les élections du 20 décembre 2020 pour élire les membres de l'Organisation provinciale administrative (PAO), les Thaïlandais sont de nouveau invités à se rendre devant les urnes pour élire les maires et les conseillers municipaux dans tout le royaume. 

À Chiang Mai, sept candidats se présentent au poste de maire pour remplacer Tassanai Buranupakorn qui assurait ce rôle depuis 2009. Lors d’une interview avec Lepetitjournal.com en septembre 2020, ce dernier avait évoqué son souhait de prendre ses distances avec la politique après 11 ans en tant que maire de la municipalité de Chiang Mai. 

Ce sera donc le deuxième scrutin local à être organisé depuis le coup d'État de 2014 - les putschistes menés par l’actuel premier ministre Prayut Chan-O-Cha avaient suspendu toutes les élections locales au nom du maintien de la paix et de l’ordre. Les précédentes élections municipales s’étaient tenues en 2013. 

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En vertu de la législation, le maire a pour principales tâches de concevoir et administrer la politique municipale, il peut appointer et révoquer les maires adjoints, diriger les tâches désignées par le Parlement, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur, et élaborer des règlements. 

En parallèle, 109 candidats concourent pour faire partie du conseil municipal composé de 24 sièges. Le conseil municipal est l'organe législatif de la municipalité. Il a le pouvoir de publier des ordonnances par voie législative. 

“Les élections locales jouent un rôle important pour la population”, explique Krittiya Burarak, responsable des relations étrangères à la municipalité de Chiang Mai. “La population peut élire ses représentants pour gouverner et gérer la municipalité afin d’obtenir de meilleurs services publics et d’améliorer leur vie au quotidien”, ajoute la fonctionnaire. 

Une rupture avec la tradition

Outre l’aspect théorique, les élections sont importantes à d’autres niveaux avec d’une part un retour à une forme de démocratie locale et d'autre part avec des candidats plus jeunes, originaires d'autres villes, sans appui familial ou des représentants de la communauté LGBTQ. 

Agée de 26 ans, Chitsanupong "Best" Nithiwana est la plus jeune candidate à se présenter au conseil municipal à Chiang Mai. “Quand j’ai commencé à voir apparaître les noms des candidats des différents partis politiques, je me suis dit que nous repartions dans cette vieille tradition politique avec des gens qui ont toujours été d’une certaine façon à la tête de la ville. Du coup, je me suis dit qu’il fallait que je me présente, car malgré toute la diversité que l’on trouve à Chiang Mai, je suis la première femme transsexuelle!”, dit-elle. 

Le contexte politico-économique pourrait également influencer les résultats des élections avec d’une part la grogne des étudiants demandant une réforme de la Constitution, et d’autre part la crise économique due aux restrictions sanitaires contre le coronavirus. 

“Quand les gens ont faim, qu’ils n’ont plus beaucoup d’argent, ils attendent désespérément un changement", souligne Shinapat "Edward" Kitlertsirivatana, candidat pour le parti "ฮักกั๋นเจียงใหม่ - Chiang Mai, loving one another". 

Ce politicien originaire de Bangkok qui a fait de Chiang Mai sa ville d’adoption il y a 7 ans estime que les résultats des élections s'annoncent intéressants car le pays est en train d’opérer un changement graduel. “Nous n’avons pas eu d’élections locales depuis 8 ans, nous allons donc avoir de nombreux nouveaux jeunes électeurs. Un électorat vers lequel beaucoup de politiciens se tournent. Traditionnellement, les jeunes n’étaient pas pris au sérieux. Nous sommes dans une période de changements, grâce entre autres aux réseaux sociaux, à un accès plus important à l’information. Ceux qui sont au pouvoir doivent être un peu anxieux parce qu’ils ne savent pas ce qu’il va ressortir des urnes”, explique celui qui a vécu plusieurs années en Australie. 

La rédactrice en chef du magazine Chiang Mai Citylife, Pim Kemasingki, reste perplexe sur l’importance des élections et la possibilité d’un changement : “Je pense que pour la plupart des gens, l’élection du maire et du conseil municipal nous affecte peu. C’est une position qui dépend trop des communautés locales, des chefs de villages, des masses populaires. Ils ne prennent pas en compte les gens du milieu des affaires ou les investisseurs. Ce n’est pas une question de classes sociales, mais plutôt du poids électoral de certaines catégories de personnes”. 

Pour changer cela, Best met en avant l’importance d’aller vers les gens, de toucher d’autres communautés telles que les étudiants, les artistes, les amateurs de skate-board, mais surtout d’éduquer la population à l’importance de bien choisir ses représentants. 

Et Edward d'ajouter : “La politique locale est souvent vue à travers certaines personnalités, parce que vous connaissez personnellement le candidat et donc vous votez pour lui. Mais je pense que cela va changer avec le temps”.

Quel pouvoir de changement?

Lors de ses deux mandats, Tassanai Buranupakorn dit avoir mis au centre de ses priorités l’éducation et la santé ainsi que le développement des espaces verts et le développement des transports en commun. 

Si certains chantiers ont pu aboutir, d’autres sont restés en suspens ou n’ont connu qu’un faible développement comme les transports en commun, puisque le réseau de bus publics ne compte que trois lignes.

En septembre 2020, le maire expliquait que ses budgets dépendaient trop du gouvernement central de Bangkok. “Le système d’impôt en Thaïlande fait que 90% de ce qui est collecté va au gouvernement central de Bangkok et seulement 10% au niveau des institutions politiques locales. Pour les gros projets, nous dépendons du gouvernement central, je ne peux pas faire plus avec ce que j’ai. Avec la crise économique, le budget que nous aurons pour l’année prochaine sera inférieur à celui de l’année dernière.”

Une réalité que conteste Pim Kemasingki: “Il est vrai que la municipalité ne reçoit pas grand-chose de Bangkok, mais ils ont quand même un budget énorme dans lequel il y a beaucoup de zones d’ombre”.

Certains candidats pensent qu'il y a avant tout un jeu de ping-pong entre les autorités locales et Bangkok qui se renvoient sans cesse la balle. Il soulignent que les premiers, souvent frileux sur les budgets, ont tendance à se tourner vers Bangkok tandis que les seconds ne veulent pas prendre de décisions sur des compétences locales. “Si je suis élu, dans quatre ans, je pourrais vous donner une meilleure réponse, mais là maintenant de mon point de vue, je pense qu'il y a beaucoup de reproches qui sont faits pour ne pas avancer et ne pas prendre de responsabilité”, estime Edward. 

Au lieu de pointer les lacunes de Bangkok, Pim Kemasingki parle plutôt du manque de volonté des maires : “Ces 25 dernières années, j’ai rencontré tous les maires, ils ont tous de grandes idées quand ils entrent en fonction et quand je fais le suivi 6 mois plus tard, je constate que rien n’a avancé”.

De son côté, Best pointe un manque d’initiatives des autorités locales et une attente trop importante pour que Bangkok prenne des décisions : “Si on prend l’exemple de la pollution, il existe de nombreuses de solutions au niveau local avec des projets des universités, des initiatives privées qui sont trop souvent ignorées par la municipalité. Le gagnant des élections doit s’inscrire dans une vision progressive, il se doit d’agir”. 

Les premiers résultats non officiels devraient être connus le 28 mars vers 22 heures. L’annonce officielle du maire élu et des candidats qui siégeront au conseil municipal sera faite dans les 30 jours qui suivent les élections. 

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