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Covid: Comment la communauté française de Chennai vit le confinement ?

confinement Chennaiconfinement Chennai
Chennai vu du ciel : vide et confiné.
Écrit par lepetitjournal.com de Chennai
Publié le 13 avril 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Mis en place depuis le 24 mars 2020, le confinement impose à l’ensemble des habitants de l’Inde de rester chez eux. Parmi eux, la communauté française et francophone de Chennai : Lepetitjournal.com a recueilli des témoignages pour mieux comprendre ce qu’ils peuvent vivre et ressentir ici.

 

Garder le rythme

Les écoles sont fermées oui, mais pas question de se laisser aller à la « glande ». Chaque début de semaine, les familles se réveillent avec le programme scolaire de la semaine sur la boîte mail : librairie, art, musique ou sport, à chaque jour son activité. Sarah et Alice, deux mamans expatriées se motivent chaque jour pour encadrer leur enfant, Manon et Hugo, tous les deux en 1ère année de maternelle à l’Ecole Américaine. En plus de ce programme, le défi est de se connecter tous les matins à une visioconférence pour toute la classe. « Un bordel pas possible » nous avoue Sarah, « très bruyant en effet, ajoute Alice, mais Hugo doit s’y connecter deux fois par semaine et il faut envoyer une photo de notre enfant en train de travailler pour ne pas être inscrit comme « absent » ». Du côté de l’école française EFIS, la continuité scolaire est assurée depuis le 17 mars. Anne-Loïse, maman de jumeaux de 7 ans nous explique l’organisation : « Chaque jour nous recevons le matin les exercices de la journée accompagnés de vidéos et liens vers les applications ainsi que les corrections des exercices de la veille. Il y a également un projet commun aux élèves de CP/CE avec leurs correspondants français : Chaque enfant a du écrire une poésie sur le confinement, l’a apprise et a été filmé. On attend le résultat pour bientôt. La maîtresse est joignable autant que nécessaire. Mon Mari enseigne une heure d’anglais par jour aux enfants entre deux réunions téléphoniques et moi je m’occupe du reste du programme. On essaie de faire une petite récré dans la matinée. ». Elle ne cache pas que les premiers jours ont été compliqués mais que maintenant le rythme de croisière est pris et tout le monde l’a accepté. Bravo !

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Du côté des expatriés en poste, le télétravail s’organise tant bien que mal. Les connexions des maisons obligent parfois à se mettre dans une pièce bien précise de la maison pour bien capter et parfois cette même pièce est le lieu favori…des enfants. Armés de casques et d’ordinateurs plus ou moins capricieux, les businessmen et women gardent le contact à coup de réunions, emails et échanges de messageries instantanées. Certains s’enferment, loin du bruit, d’autres jonglent entre les enfants et le boulot. Pas simple n’est-ce pas ! Damien confie que la charge de travail est toujours aussi soutenue et qu’il faut réussir à rester concentré. L’avantage évidemment est que, lorsque l’ordinateur s’éteint, il peut profiter de ses enfants et évite les 3h quotidiennes de transport, de trafic et de klaxons…

 

Vivre des moments en famille

A défaut de voyager et organiser ses prochaines vacances, les expatriés écoulent leurs trésors culinaires rapportés de France et se font par exemple des soirées raclette avec bon film ou des apéros- jeux de société. Amélie, quant à elle, profite de ces moments pour revoir les albums photos ou les films des voyages passés. Virginie multiplie les gâteaux et les sorbets avec ses fils, « ils adorent cuisiner avec moi ! ». Géraldine, maman de 2 jeunes filles, profite de ces instants familiaux pour « apprendre à jouer à la belote, mais aussi jouer au jeu des 7 familles avec les Dieux de l’Inde ou encore faire du Pilate via youtube ; tant qu’à faire, autant en profiter ! Le climat est plutôt serein à Chennai et nous sommes privilégiés avec un jardin et une piscine. » Alice s’est lancée avec son fils dans la conception d’une voiture à partir d’un carton de son emménagement : « découpage, collage, peinture, on y a passé 2 jours et Hugo est très fier ». De son côté, Emilie nous raconte que ses filles adolescentes vivent plutôt bien le confinement même si ce n’est pas toujours évident d’avoir des relations virtuelles avec les ami(e)s…

Il y a aussi des moments forts dont les familles se souviendront sans doute, comme ce dimanche 5 avril à 21h, où des centaines et des centaines de bougies ont été allumées aux fenêtres pour afficher la "volonté collective" du pays de vaincre le coronavirus et montrer leur solidarité. Joël a pris quelques photos qu’il nous partage ici.

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Maîtriser l’art de se ravitailler

Les whatsapp tournent à plein régime : « Qui est allé faire ses courses ce matin ? Est-ce bien achalandé ? Avez-vous trouvé tous les produits ? Où aller pour trouver ceci ou cela ? Quels sont les horaires d’ouvertures ? (…). » Oui, on le sent bien, la préoccupation quotidienne tourne autour du ravitaillement : Comment faire ses courses ? Comment s’approvisionner en eau potable régulièrement ? Comment remettre de l’essence dans le générateur qui prend le relais quand l’électricité saute ? Capucine, jeune maman nous confie que « chaque jour est un casse-tête mais nous nous organisons du mieux possible. Je constate d’ailleurs une très grande solidarité entre la communauté des français et francophones de Chennai. Les expatriés s’échangent et se partagent des produits (comme du chlore pour les piscines). Des livraisons à domicile redeviennent doucement possibles et nous faisons attention au quotidien. Deux fois par semaine, un service de livraison de pain (et de cookies) passe chez moi, ça fait du bien au moral ! ». Ainsi, des chauffeurs sont appelés ponctuellement (rappelons que la majorité de la communauté expatriée n’est pas autorisée à conduire en Inde et a recours habituellement à des chauffeurs, qui ne travaillent plus pendant le confinement ndlr) pour faire des « expéditions courses ». Certains expatriés sortent leur rickshaw qu’ils ont acheté et retapé chez eux, et pour d’autres, ce sera un tour en Royal Enfield. Il y a du monde devant les magasins, sous forme d’une queue éparse et pas plus d’une poignée de personnes à l’intérieur à la fois. L’idéal est de se pointer tôt ! Globalement, on ne manque de rien mais Emilie, qui vit dans un quartier central de Chennai, a plus de mal à se ravitailler : « A Velachery, nous avons des ruptures de stock sur les œufs et le lait. On tient pour le moment avec des légumes, des fruits et des pâtes. ».

 

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file d'attente éparse devant une supérette sur ECR à Chennai 

 

Géraldine alerte sur la situation à long terme « les indiens les plus démunis vont commencer à avoir faim, ils ne peuvent plus gagner leur vie. Les aides du gouvernement sont insuffisantes, ça va être terrible pour eux, je suis tellement triste de cela… ». Effectivement, il y a des quartiers où la situation est très délicate, en témoigne Agathe, bénévole pour une ONG. Elle vit à Kaannagi Nagar, bidonville au sud de Chennai. Elle nous raconte que là-bas, les gens sont chauffeurs de rickshaw, femmes de ménage, vendeurs ambulants et subissent donc de plein fouet l’arrêt du pays et donc de leur salaire… Depuis quelques jours, le gouvernement réagit et verse 1000 roupies (environ 12€) aux personnes ayant des cartes de rationnement. Mais cela suffira-t-il ? Concernant les règles de confinement « ce n’est pas du tout respecté, les gens vivent dans 10m2, comment peuvent-ils rester chez eux… La police les laisse d’ailleurs tranquilles, consciente de la difficulté... Au quotidien, nous essayons d’apporter notre aide, même si ce n’est pas notre mission de base ».

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Kaannagi Nagar, bidonville à Chennai 

 

Avoir des inquiétudes

« Le confinement Indien national a été mis en place mardi 24 mars dernier. Le hasard a voulu que je donne naissance à mon 2nd fils la veille à l’hôpital. Je dois dire que je me sens relativement chanceuse de ne pas rester à l’hôpital trop longtemps et ne pas subir de plein fouet stress et potentielle contamination » raconte Capucine. Elle ajoute qu’elle hésite à retourner à l’hôpital en ce moment, ce qui est très frustrant car elle ne peut pas faire examiner son nouveau-né sereinement. De son côté, Géraldine était très inquiète il y a quelques jours pour sa fille. Elle a ainsi contacté SOS INTERNATIONAL, un service 24/24 d’assistance médicale proposé par l’entreprise de son mari « ils sont très pros, j’ai eu une consultation par téléphone et ils ont tout de suite détecté une angine blanche. J’ai eu tous les conseils et recommandations et ils ont même rappelé pour demander des nouvelles de ma fille. » Rassurée, Capucine va sans aucun doute les contacter à son tour pour une consultation pédiatrique.

Concernant la santé justement, les whatsapp fusent en ce moment sur le passage de représentants du gouvernement, faisant du porte à porte pour recenser la population et surveiller les malades potentiels. « Je ne leur ouvre pas la porte tant qu’ils ne nous montrent pas une carte officielle, et si c’était des imposteurs qui venaient faire du repérage ? » lance un expatrié sur le groupe whatsapp. Un autre lui répond qu’il est nécessaire de leur répondre, sans quoi la maison peut être mise en quarantaine avec une affiche placardée. « Est-ce que vous avez vu passer quelqu’un ce matin ? » « Oui, à Injambakkam. » « Non, rien à Akkarai ce matin en tout cas » « Ils ont mis la maison de mon voisin en quarantaine, il y a une affiche maintenant (…) » "Ma rue est barrée depuis ce matin, avec un policier devant..." Bref, les expats se tiennent au jus…

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ECR : Affiches de quarantaine placardées sur les maisons, accès à la plage barré, rues ou quartiers complètement confinés...

 

Un autre sujet largement abordé c’est…le rapatriement. Actuellement, le consulat est en pourparlers avec les autorités pour affréter des avions. Un 1er avion est déjà parti la semaine dernière, rapatriant les non-résidents (touristes et business trips) et les personnes vulnérables. L’heure n’est pas encore aux expatriés car il est très compliqué d’obtenir les autorisations, les frontières étant fermées. La communauté française attend des nouvelles, savoir si son sort sera le même que celui de la Chine à savoir un rapatriement par gros porteurs et par vagues. Elle a toutefois conscience que le pic épidémique est en cours en France et que rentrer maintenant ne serait pas propice. Néanmoins, nous ne pouvons nier que la situation Indienne s’aggrave de jour en jour avec de forts doutes quant à la gestion sanitaire, notamment dans les régions rurales reculées. Le consulat est très présent, la Consule Générale de Pondichéry et de Chennai, Catherine Suard, écrit régulièrement par email pour rassurer les français : « La France ne vous oublie pas. ».

 

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photos prises lors du 1er rapatriement de français non résidents et vulnérables fin mars 2020

 

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