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Les jeunes et Milei : quelle relation aujourd’hui ?

Dimanche dernier, le 18 mai, Buenos Aires a organisé ses élections législatives anticipées, pour renouveler 30 sièges du Parlement de la capitale. Une liste est en tête, avec 30% : La Libertad Avanzada. Il s’agit du parti du président Javier Milei, soucieux d’appuyer son projet libertaire dans la capitale. Mais quelle est réellement l’opinion de la jeunesse sur le chef d’Etat argentin ? Témoignage de trois jeunes qui ont voté le 18 mai.

Affiche militante jeunes contre MileiAffiche militante jeunes contre Milei
"Milei et son gouvernement doivent s'en aller" Affiche militante des étudiants de la UBA. @Clara Monteiro
Écrit par Clara Monteiro
Publié le 26 mai 2025

 

Si les élections de dimanche dernier avaient pour but de renouveler la moitié du Parlement local de Buenos Aires, ce sont les élections législatives nationales d’octobre qui représentent le véritable enjeu pour le chef d’État argentin. Et pour y parvenir, Milei compte sur son électorat jeune. 

 

Les pro-Milei : une majorité ? 

56% : c’est la proportion des jeunes (-30 ans) dans l’électorat de Javier Milei. Pourtant, difficile de trouver des voix militantes libertaires dans cette tranche d’âge. Matias Vera, dit “Mati”, a 20 ans. Il travaille dans le magasin de ses parents dans le quartier de Caballito. Dimanche dernier, il a voté pour la liste du président Milei aux élections législatives. “Milei est un président économiste. Il incarne quelque chose de nouveau, un regard frais sur les problèmes d’inflation. Il est spécialiste. Et il est convaincant : les jeunes pro-Milei sont aujourd’hui une majorité. Les votes le montrent." En effet, selon une étude de Isasi/Burdman Consultores Politicos, en 2024, 50% des jeunes entre 16 et 35 ans déclarent voter pour des candidats qui soutiennent Milei. Pourtant, même si son candidat favori a été élu, Matias ne se sent pas en majorité parmi ses pairs. “La grande partie des jeunes ne seront pas d’accord avec moi sur ce point” dit-il, “Mais je pense que la jeunesse ici fait preuve d’une certaine violence, d’un certain négativisme. Dès qu’il s’agit de politique, ici, les jeunes veulent se battre et non débattre.” Ce qui expliquerait selon lui pourquoi les voix de gauche sont plus audibles. “Pour moi, ceux-là ne sont pas le futur du pays : ils ne sont pas nationalistes." Les jeunes actifs, comme Mati, travaillent à plein temps et ne peuvent donc s’organiser dans un militantisme. Ce qui pourrait expliquer ce manque de visibilité, c’est aussi les Ni-nis : en Argentine, 25 à 30% des jeunes n’ont ni emploi, ni études. Ils se trouvent dans une déconnexion sociale totale, essayant avant tout de survivre dans un pays en crise profonde. 

 

Un électorat masculiniste

Pour Sol Montero, 21 ans, l’explication est ailleurs : “Les militants de Milei sont principalement en ligne. On ne les voit pas dans la rue." Sol est péroniste, un mouvement purement argentin fondé autour de la politique de Juan Peron. Si elle ne se considère pas de gauche, elle est tout de même opposée à Milei. “Si je devais résumer le gouvernement de Milei en un mot, ce serait la cruauté. Sa politique se caractérise par de la brutalité envers les populations les plus faibles.” Elle évoque les “Miércoles de jubilados”, les “Mercredis des retraités” : toutes les semaines, les personnes âgées se réunissent devant le Congrès d’Argentine. Elles font face à une baisse de leur pouvoir d’achat face à l’inflation agressive, ne pouvant plus payer leurs charges ni leurs soins médicaux. “Voir des personnes âgées se faire frapper par des policiers, ça vous donne une idée du régime sous lequel on vit. Et bien sûr, il mène une guerre contre le secteur public  : hôpital, éducation… Contre les femmes également.”. Ce mardi 20 mai, Milei avait une nouvelle fois critiqué l’avortement, responsable selon lui “d’une baisse de la natalité en Argentine”. Sol est étudiante en communication sociale. Pour elle, la popularité du président parmi les jeunes, qui se définit lui même comme “anarcho-capitaliste”, n’est pas surprenante. “ Son électorat est composé d’hommes de 18 à 30 ans. Cela suit une tendance mondiale : aux Etats Unis on observe aussi une réaction conservatrice face aux féministes, LGBT…” Elle évoque aussi une autre théorie : "Les anciens gouvernements, qui se revendiquaient progressistes, n’ont pas su répondre aux besoins primaires du peuple. Sous Alberto Fernandez (Ndlr : Président de l’Argentine de 2019 à 2023), certes, l’avortement a été légalisé, mais le nombre d’Argentins sous le seuil de pauvreté a augmenté. Les jeunes ont perdu en qualité de vie, et rejettent la faute sur les femmes, les LGBT….en disant que l’argent qui a été utilisé pour eux aurait pu être investi dans d’autres domaines."

 

Un retour du militantisme de gauche ? 

Araceli Viveros, 22 ans, est venue du Chili pour étudier les sciences politiques à Buenos Aires, dans une université publique. Elle a voté contre Milei le weekend dernier. “Cette semaine, Milei a annoncé vouloir rendre l’éducation payante pour les étudiants étrangers. Beaucoup d’étrangers viennent en Argentine pour étudier car l’université est gratuite. Cela nous affecte directement.” Concernant les jeunes, elle a une vision plus optimiste : “Une grande partie d’entre nous tend vers une égalité et le bien-être social. Javier Milei a certes un noyau dur de jeunes autour de lui ; mais minoritaire, masculinisé… qui conçoivent le féminisme comme une confiscation de leurs privilèges.” Pour Sol Montero, rien de surprenant : “Nous ne sommes pas dans un essor de la jeunesse militante, même si elle a pu se réactiver un peu après l’élection de Milei. Pour nous, cela a été comme un électrochoc, nous devons faire quelque chose. Mais la majorité reste passive et dépolitisée. Évidemment, un profil “choc” comme Milei les attire”. En Argentine, le vote est facultatif pour les 16-18 ans et obligatoire après 18 ans.

 

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