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Portrait de scientifique : Gaëlle Faivre, chercheur en océanographie

Portrait de scientifique : Gaëlle Faivre, chercheur en océanographie côtière à Gold CoastPortrait de scientifique : Gaëlle Faivre, chercheur en océanographie côtière à Gold Coast
Écrit par Fiona Berrocal
Publié le 7 avril 2019, mis à jour le 9 avril 2019

Alors que le Queensland a accueilli le Festival mondial de la Science durant tout le mois de mars, lepetitjournal.com est allé à la rencontre de scientifiques français exerçant leur métier dans cette région Australie.

Voici le quatrième portrait de la série, celui de Gaelle Faivre, chercheur en océanographie côtière sur la Gold Coast. Nous vous racontons son parcours et son travail dans les îles du Pacifique.

 

De Toulouse à l’Australie, un parcours atypique

Originaire de la région toulousaine, Gaëlle Faivre, 33 ans, a commencé ses études scientifiques à l’Université Paul Sabatier de Toulouse où elle a suivi une classe préparatoire aux écoles d’ingénieur. Ce cursus la prépare à différents concours d’accès aux écoles d’ingénieurs en France ainsi qu’aux écoles recrutant uniquement sur dossier.

C’est alors sur dossier qu’elle intégrera l’école d’ingénieur Matmeca à Bordeaux, une école qu’elle choisit pour son enseignement généraliste et sa localisation, proche de Toulouse.

« La première année était très technique, avec beaucoup de maths, ça ne m’a pas trop plu. Je trouvais ça trop théorique, mais avec le recul, je sais que ça m’a donné une bonne approche de la modélisation et permis de comprendre beaucoup de choses, une fois en stage et dans le monde du travail. » 

Voyageuse dans l’âme, Gaëlle veut partir à l’étranger. Elle effectue son stage ouvrier en Irlande en 1ere année, pour progresser en anglais. En seconde année, elle vise l’Australie, Hawai ou la Floride. Grâce à un ancien élève de son école, elle entre en contact avec un centre de recherche en océanographie situé à Tallahassee en Floride. Elle effectuera ainsi un stage de 4 mois au Center for Ocean-Atmospheric Prediction Studies (COAPS) où l’on travaille sur des modèles de prévision du comportement de l’océan. Elle découvre ainsi l’océanographie pour laquelle elle se passionne.

De retour en France, elle choisi d’effectuer son stage de fin d’étude à Paris, « pour avoir une expérience professionnelle en France ». Puis, une fois son diplôme d’ingénieur en poche, Gaëlle cherche du travail dans le secteur de l’environnement et si possible en océanographie. Elle s’interroge sur son avenir professionnel, (doit-elle faire une thèse de recherche?) et a toujours envie de voyager.

Mais, pour partir en voyage, elle a besoin d’argent. Elle décide alors de commencer à travailler en entreprise et trouve assez facilement du travail en tant qu’ingénieur, à Paris. Elle travaille dans plusieurs entreprises successives mais n’apprécie pas spécialement la vie de bureau ni son quotidien parisien.

« Un jour un collègue m’a dit : -Tu verras, tu t’y feras. J’ai décidé que non je ne m’y ferai pas ! et que je voulais avant tout faire un travail que j’aime. Quelque temps après, j’ai démissionné. » 

En 2011, elle s’envole pour l’Australie qui la faisait rêver depuis longtemps.

 

L’Australie : quelle aventure !

L’Australie est un des rares pays à offrir un visa permettant de voyager et travailler en même temps. Avec deux copines, et son Working Holiday Visa en poche pour un an, Gaëlle commence ainsi son aventure australienne : elle alterne les périodes de petits boulots et de vacances, et explore la côte Est de l’Australie. A Port Douglas, au Nord de Cairns, où elle fait escale un temps, elle rencontre le joueur de cricket Adam Gilchrist qui lui donne un contact sur Perth pour travailler dans son domaine.

Prochaine étape de voyage pour la toulousaine : explorer la côte Ouest. Elle trouve tout d’abord du travail pour quelques mois à Derby, une petite ville d’Australie Occidentale, et visite la région de Kimberley. Puis, direction Perth. Toujours décidée à trouver un travail qu’elle aime en lien avec la protection de l’environnement, elle regarde alors les opportunités de travailler en océanographie à Perth. Elle prend contact avec des professionnels du domaine qui la renvoie vers l’entreprise BMT WBM à Brisbane, une entreprise spécialisée en ingénierie et environnement. Retour sur la côte Est. En décembre, elle rejoint ses amies sur la Gold Coast où elle fêtera son premier Noël en Australie.

L’entreprise BMT WBM n’a malheureusement pas de poste à lui offrir. Il reste 4 mois à Gaëlle avant que son visa ne se termine. Elle a besoin de travailler 3 mois en ferme pour pouvoir le renouveler. Elle trouve une place dans une ferme de la ville de Stanthorpe dans le Queensland mais le propriétaire n’est pas ‘réglo’ (avis aux backpackers, ça arrive), elle quitte les lieux et trouvera un nouveau job un peu plus tard. Ses jours de ferme validés, elle rentre malgré tout en France.

 

Suivre sa passion

Le chapitre de l’Australie est a priori fini pour Gaëlle qui s’interroge toujours sur son avenir professionnel. De retour en France, elle se met à nouveau à chercher du travail. Elle passe des entretiens et une entreprise de prestataires lui propose assez rapidement une mission chez un de ses clients

« Au dernier moment, j’ai refusé le job. J’ai préféré dire non avant de me retrouver dans un poste qui ne me plaisait pas et me retrouver dans la situation que j’avais quitté une première fois. » 

« En revanche, ça m’a rassuré sur ma capacité à trouver du travail après un an d’interruption. Tout le monde te dit que c’est difficile, mais c’est faux. » 

Elle regarde alors les possibilités de reprendre une formation et de suivre un Mastère Spécialisé en environnement. Elle a alors le choix entre 4 formations à Paris, Toulouse, Montpellier et Alès, son dossier est accepté partout.

On est en avril 2012 et la rentrée n’est qu’en septembre. Gaëlle décide alors de retourner en Australie où elle a toujours de bons contacts et peut travailler quelques mois avant de commencer sa formation. Elle reprend contact avec BMT WBM à Brisbane avec qui elle reste en contact.

De retour en France, c’est finalement à Toulouse que Gaëlle a choisi de suivre son Mastère spécialisé en hydraulique pendant un an. A l’issue de la formation, grâce aux contacts qu’elle a gardé en Australie, elle obtient une proposition d’embauche pour 6 mois à Brisbane. L’entreprise BMT WBM la sponsorise, elle obtient le Visa 457 qui lui permet de travailler en Australie.

De fil en aiguilles et de relations en relations, elle décroche ensuite un contrat de 3 mois au Griffith Centre for Coastal Management à Gold Coast. Elle travaille sur des modèles pour prévoir les cyclones et les tempêtes, en collaboration avec le Bureau Of Meteorology australien.

Gaëlle collecte des données sur le terrain, la plupart du temps en bord de mer et le cadre de vie à Gold Coast est agréable. Ce qui ne devait durer que quelques mois s’est finalement prolongé et depuis, Gaëlle a obtenu un Visa permanent.

Si elle veut rentrer en France un jour, Gaëlle doit valider son expérience par une thèse de recherche. En 2017, l’Université de Griffith lui propose une bourse pour réaliser des travaux de recherche, l’opportunité est trop belle, Gaëlle accepte et commence à travailler sur un projet d’écoadaptation (adaptation au changement climatique) des îles du Pacifique.

Le rêve pour la toulousaine qui fait alors ce qu’elle aime le plus : travailler sur le terrain, voyager et protéger l’environnement.

 

Un projet pour protéger les îles du Vanuatu et les Samoa

Le projet sur lequel travaille Gaëlle consiste à comprendre le rôle du récif corallien pour pouvoir mieux gérer les risques côtiers et la qualité de l’eau dans les îles du Pacifique telles que les Vanuatu ou les Samoa.

« Il n’existe pas de systèmes de management des eaux dans ces îles, et il nous faut comprendre la circulation des eaux pour limiter le risque de contamination des eaux de baignade par exemple »

On modélise cette circulation de l’eau à partir de données qui peuvent être des données satellites ou des mesures faites sur le terrain. Sur place, on utilise des instruments de mesure de la marée, du courant et même de la qualité du sable (contamination aux métaux lourds, température, pH, nutriments…).

 

instrument mesure Vanuatu Samoa
Relevé de profil de plage

 

Aujourd’hui, Gaëlle travaille en lien étroit avec la Communauté du Pacifique qui est quasiment le seul organisme à avoir des données fiables dans cette zone. Elle travaille ainsi aussi avec l’University of South Pacific pour former des étudiants sur place et leur transmettre ses compétences.

Gaëlle nous explique l’importance d’impliquer la communauté sur place. Non seulement l’autorisation du gouvernement local, et même aussi du chef de tribu est nécessaire, et les habitants doivent être informés de ce qui se passe lorsque des instruments de mesure sont installés.

« Il nous est arrivé de perdre un instrument sur l’île de Tanna au Vanuatu car le chef de tribu l’avait jeté ne sachant pas de quoi il s’agissait ! » 

 

Être chercheuse en Australie

Comme la plupart des chercheurs, Gaëlle travaille une partie de son temps dans les bureaux de l’Université de Griffith à Gold Coast où elle développe des modèles numériques pour étudier les risques liés au phénomènes extrêmes comme des tempêtes, elle rédige des publications scientifiques et des papiers pour participer à des conférences. Elle participe également à des demandes de subventions ou des offres commerciales.

Le reste du temps, elle le passe sur le terrain où elle a appris à collecter des données, soit pour son projet de thèse, soit pour aider ses collègues sur des projets ayant lieu à Gold Coast même.

L’équipe du projet d’EcoAdaptation sur lequel elle travaille est pluridisciplinaire, ce qui est intéressant car elle travaille avec des personnes spécialisées en économie, dans le social ou encore la réglementation. Outre le travail en équipe, Gaëlle apprécie de pouvoir utiliser ses compétences d’ingénieur « pour le côté pratique et technique de l’utilisation des outils »  avec celles du chercheur « qui va aller plus loin dans un projet et faire plus de rencontres lors des conférences ».

Ce qui l’a étonné en Australie c’est l’âge des personnes qui, comme elle, se sont mis à faire une thèse après une première expérience professionnelle. « En Australie, il y a plus de gens qui font une thèse tard, par rapport à la France où l’on fait ça dans la continuité de ses études ».

Lorsque l’on l’interroge sur le fait d’être une femme dans la communauté scientifique, Gaëlle nous avoue qu’il lui arrive dans certaines situations d’avoir l’impression d’être moins prise au sérieux qu’un homme, notamment dans certaines communautés où elle se rend pour son projet.

Mais le plus dur finalement, « C’est le poids des instruments de mesure que je dois porter et installer toute seule. Un homme aurait sans doute plus de facilité à les manier que moi » s’amuse-t-elle.

Quand on lui demande si la science avance dans son domaine, Gaëlle nous confie que le domaine de recherche dans lequel elle évolue est très politique. « Tout dépend du financement ». Actuellement, les îles du Pacifique bénéficie de financement car il est nécessaire d’aider les communautés sur place à préparer le changement climatique (cyclones, montée des eaux, etc). « Ici, les gens sont sensibilisés à ce sujet car beaucoup vivent de la mer, notamment dans les îles ».

« La science avance mais pas assez vite comparé à l’urgence climatique. » 

Gaëlle reste alors plus que jamais engagée dans son projet de recherche et prépare un nouveau déplacement au Vanuatu dans quelques semaines. Sa thèse doit se terminer en 2020 mais elle espère pouvoir continuer à travailler dans ce domaine.

Comme elle le dit elle-même « La suite, ça dépendra des opportunités ». Et on ne doute pas que sa route est loin d’être toute tracée...

 

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