La Rédaction a récemment eu le plaisir de rencontrer Victorien, un artiste au sourire contagieux, passionné par la vie. Voyageur, DJ, musicien, et convaincu des bienfaits de la méditation, Victorien met sa curiosité et son art au service du bien commun pour créer du lien et de l’unité. Découvrez l’interview rafraîchissante et inspirante de ce Mumbaikar d’adoption.
Victorien, un musicien français qui habite à Mumbai en Inde
Je m’appelle Victorien, je suis né en France. Je pense que je suis un artiste, j’aime bien créer, j’aime bien ramener les gens ensemble, célébrer la vie, j’aime bien faire des choses qui ont un but pour le bien-être de l’humanité en général. Quand je démarre un nouveau projet, je me demande toujours ce qu’il va apporter autour de moi, et j’essaie de faire des choses qui ne sont pas contradictoires avec la loi de la nature.
Je suis parti à New York pour la même raison qui m’a plus tard amené en Inde : l'amour. Et plus particulièrement, mon ancienne partenaire, mon ex-femme. Elle habitait à New York donc j’y ai déménagé.
Ce que je fais en Inde, je l’ai déjà fait aux États-Unis. Je suis parti quand j'avais environ 22-23 ans, je suis arrivé à New York et je ne pouvais pas travailler pendant quelques années. Donc en tant qu’artiste, j’ai toujours trouvé un moyen de partager ma musique sur place et aussi à l’étranger, car je voyage beaucoup.
Après notre divorce il y a 5 ans, je suis resté à New York et j’ai voyagé. Je suis resté bloqué à Bali un an pendant la pandémie. À mon retour aux États-Unis, j’ai passé beaucoup de temps à Los Angeles et c’est là où j’ai rencontré ma nouvelle partenaire Monica Dogra. C’est une célébrité en Inde : musique, films et plein de choses comme ça. Elle souhaitait rentrer en Inde pour y retravailler, et c’est comme ça que je suis arrivé ici à Mumbai.
L’Inde, un pays complexe qui inspire l’artiste Victorien
L’Inde me plaît beaucoup, mais il faut du temps pour s’y adapter. J’étais venu plusieurs fois avant d’y emménager, donc je connaissais déjà un peu, y compris le quartier de Bandra où j’habite actuellement.
J’avais déjà fait un petit tour en Inde en tant qu’artiste, et j’avais également fait beaucoup de shows au Pakistan, donc je connaissais un peu l’environnement dans lequel on allait évoluer.
Je ne parle pas le hindi, sauf peut-être la communication par le mouvement de la tête… :)
Mais dans l’ensemble, je dirais que le plus difficile pour moi en tant qu’artiste est le bruit et la pollution. J’aime bien être en pleine nature, j’adore la nature, alors ici c’est sûr que c’est un peu un challenge… Mais il y a tellement de belles choses ici, je pense que dans ce chaos il y a tellement de beauté. La vie est très… comment dit-on en français… « raw » ? Pure ! Enfin, il n’y a pas de filtre sur les expériences humaines.
Comme le disent tous les gens qui arrivent de l’étranger, l’Inde est incroyable à tous les niveaux. Tous les extrêmes sont présents ici.
Je pense que c’est un très bon challenge en tant que personne de l’Ouest de venir ici, et ça permet de sortir de notre zone de confort. Tous les jours il y a de petits tests, vraiment tous les jours, et c’est à nous de les surmonter. Je pense que ça nous permet de grandir.
Quand on est ici, on est également dans une situation où on est plus abondant, en particulier financièrement. Je pense que ça réveille l’idée de générosité, de compassion et le désir d’aider les autres.
J’en ai fait l’expérience quand j’étais à Bali pendant un an. On a mené des projets pour soutenir les locaux, parce qu’à Bali, pendant la pandémie, les Balinais ont perdu 80 % de leurs revenus. Sachant qu’ils dépensent 70 % de leurs revenus dans leurs rituels spirituels, ils n’avaient plus d’argent, parce qu’ils continuaient à exécuter leurs rituels religieux malgré tout.
Donc, avec une amie, on a organisé un festival de musique en ligne par le biais duquel on a récolté plus de 50 000 dollars au profit de ceux qui en avaient besoin. On a aidé les fermiers et toute une organisation pour envoyer des kits de jardinage pour que les gens dans les villes puissent avoir leur propre potager et se nourrir. Et après, on a aussi fait le tour de l’île de Lombok, qui est située à côté de Bali. On allait dans les écoles, on distribuait du matériel scolaire et on jouait de la musique avec les enfants. C’était une expérience incroyable !
Le chemin spirituel de Victorien, à travers la flûte et la méditation
Je fais encore ce que je faisais avant, c’est-à-dire mon activité de DJ. Mais je joue de la flûte en parallèle, et je fais des concerts de méditation. Je pense que c’est un chemin très personnel qui s’est dessiné au fil du temps avec les différentes expériences et réalisations de ma vie.
Je me rends compte que mes priorités ont changé, les recherches que j’ai menées, les expériences que j’ai pu vivre, comme une retraite Vipassana pendant laquelle j’ai passé 10 jours en silence, ont contribué à mon évolution.
Je suis un peu curieux. J’ai fait certaines choses que je pensais ne jamais faire, justement parce que j’avais dit que je ne les ferais jamais…
Maintenant je suis plutôt sur un chemin de méditation pur et simple.
Pour moi la musique sert à un but ultime : réveiller la joie intérieure, ramener les gens ensemble et créer une unité. Peu importe que ça soit sur un dancefloor ou lors d’un concert de méditation.
Je suis un producteur de musique, un DJ, mais je n’avais joué aucun instrument depuis des années. Mon instrument c’est l’ordinateur, je n’ai pas de connaissances musicales en tant que telles. J’avais toujours eu cette frustration de ne pas pouvoir jouer d'un instrument. Je pense qu’on est tous des musiciens, il faut juste qu’on trouve l’instrument qui nous convient, et quand j’ai trouvé la flûte j’étais impressionné. Je peux jouer de la flûte, non pas parce que j’ai étudié la flûte, mais juste parce que ça me parle naturellement.
Après mon divorce c’est un instrument qui a été très important pour moi. J’ai commencé à jouer avec un ami, deux amis, trois amis, des amis que je croisais à des dîners. Puis un jour, mes amis qui organisent des événements m’ont dit de venir jouer quelque part, j’y suis allé et il y avait 600 personnes. Je me suis mis à jouer de la flûte devant tous ces gens, et je me suis vraiment demandé ce qui se passait, mais c’est comme ça que ça a commencé. Je possède désormais des flûtes qui viennent des différents endroits où j’ai voyagé.
J’ai compris les bienfaits que la flûte avait sur moi et sur les autres. C’est un chemin qui est constamment en mouvement et qui avance avec moi.
Des projets d’avenir tournés vers la connaissance de soi et la création d’une communauté
Je vis ma vie sans essayer de trop contrôler ce qui se passe, j’essaye de ne pas trop planifier non plus. Mais je suis aussi dans une relation où nous construisons une famille, un futur, etc. Donc il faut être responsable et, étant artiste, c’est sûr que ce n’est pas toujours linéaire, qu’il peut y avoir des hauts et des bas. Il faut trouver un équilibre, ne pas trop contrôler le futur tout en en ayant une certaine vision.
Je ne me suis jamais dit que j’allais me retrouver en Inde, je ne me suis jamais dit que j’allais finir à New York : j’accepte, je suis ouvert et je reste enthousiaste. Il y a aussi eu ce réveil spirituel qui s’est passé, et qui va me suivre toute ma vie.
Avant j’étais uniquement DJ, je faisais la fête tout le temps, je buvais, je consommais de l’alcool, etc. Maintenant je ne fais plus rien de tout ça. Les choses ont changé pour moi. Mon intérêt pour la musique est toujours là, mais il n’est plus présent de la même manière. Le but de la musique a changé, il s’est transformé, il a évolué avec moi. Il m’arrive encore de temps en temps de mixer en club avec Monica, de faire la fête jusqu’au lever du soleil, mais ce n’est plus ma priorité.
Mes projets sont désormais plus en accord avec le nouveau chemin que je suis.
Nous sommes en train de réfléchir à la création de retraites spirituelles où on proposerait plusieurs activités pour aider les gens à se retrouver, en utilisant la musique comme un outil pour mieux se connaître intérieurement.
L’idée est donc de continuer ce que je fais actuellement, je mixe et je produis de la musique, tout en trouvant un équilibre et en développant des projets tournés vers “l’intérieur” et la spiritualité. J’aimerais réussir à créer une communauté de gens qui souhaitent passer du temps ensemble “consciemment”.
Le message de Victorien pour la communauté francophone installée à Bombay
Je pense que c’est un conseil que je me donne à moi même d’abord, il faut qu’on donne plus ! Je pense que ça vaut pour toute personne étrangère qui travaille ici et est privilégiée, il est vraiment important de donner plus aux locaux.
Il est très important de se rendre compte de nos privilèges, et de participer au maximum : faire du bénévolat à droite et à gauche, donner, s’organiser en groupes, rejoindre une organisation existante.
Il faut agir en conscience, bien comprendre les besoins des locaux pour faire des choses qui marchent et qui ont une réelle valeur ajoutée pour eux.
Au bout du compte, si on est privilégié, qu’on a du temps et de l’argent, c’est notre devoir de donner.
La Rédaction tient à remercier Victorien pour cette agréable interview.