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15e sommet des BRICS : ententes et rivalités entre l’Inde et la Chine

Du 22 au 24 août 2023 s’est tenu le 15e sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Johannesburg en Afrique du Sud. C’est le premier sommet en présentiel depuis la pandémie de COVID-19.

BRICS 2023BRICS 2023
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 29 août 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Absence remarquée de Vladimir Poutine au 15e sommet des BRICS

 

Le Président russe est le seul leader à ne pas s’être déplacé en Afrique du Sud pour le sommet. La raison ? Il fait face à un mandat d'arrêt de la Cour Pénale Internationale, la CPI, pour crime de guerre pour la déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie. L’Afrique du Sud, qui a signé le traité de création de la CPI, aurait été obligée d’arrêter Vladimir Poutine s’il s’y était rendu. Le Président sud africain a donc demandé au dirigeant russe de rester à l’écart.

 

Néanmoins, celui-ci s’est adressé au leader du sommet dans une vidéo pré-enregistrée, où il défend (encore) l’invasion de l’Ukraine et accuse l’Occident d'en être responsable : « Nos actions en Ukraine sont dictées par une seule chose : mettre fin à la guerre déclenchée par l’Occident et ses satellites contre les habitants du Donbass. ».

 

Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui a présenté un plan de paix pour l’Ukraine en juin, a déclaré que les membres des BRICS continueraient de soutenir les efforts de paix en Ukraine. Jusqu'à présent les pays membres des BRICS ont évité de condamner directement la Russie sur le conflit en Ukraine mais ils ont tout de même arrêté les opérations de la Nouvelle Banque de développement (NBD) à Moscou par crainte de sanctions imposées par l’Occident.

 

Les BRICS, un groupe concurrent du G7 ? 

 

À l’origine, BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) est un acronyme donné par Goldman Sachs au début des années 2000 pour promouvoir les investissements dans les pays émergents. Les 4 dirigeants, sous l’impulsion du Brésil, ont pris au mot ce concept et créé ce club informel dont le premier sommet a eu lieu en 2009. Informel, car contrairement à l'Union Européenne ou l’ONU, il n’y a pas d’institutions ou d’ensemble de lois régissant le groupe des BRIC qui ressemble donc plutôt au G7. En 2011, l’Afrique du Sud rejoint les BRIC qui deviennent BRICS. 

 

BRICS 2023

 

Les BRICS représentent aujourd’hui 40% de la population mondiale et près du quart du PIB. La Chine est la deuxième économie mondiale et l’Inde est en passe de devenir la troisième. Les BRICS pèsent donc un poids démographique et économique non négligeable, ce qui justifie pour eux l’union de leurs forces face à l'hégémonie de l’Occident (dont les pays du G7 font partie).

 

Cette vision de contrepoids des pays “riches” s’est développée avec le temps. Les désaccords entre l’Occident et les pays comme la Chine et la Russie se sont intensifiés, alors que l’Inde a créé de plus en plus de liens avec les États-Unis et l’Europe dans son expansion.

 

Pour l’Inde, les BRICS ne sont pas une organisation opposée à l’Occident, ou un contre pouvoir politique mais plutôt un groupe de nations qui peuvent coopérer pour travailler à la paix mondiale et au développement économique, un groupe qui permettrait un ordre international plus équitable. D’ailleurs le Premier ministre indien a déclaré, comme pour réfuter la vision de contre pouvoir, que l’Inde croit en la devise « Une Terre, une famille, un avenir ». Une devise qu’il a fait écrire partout sur le passage des différentes délégations qui sont venues en Inde cette année pour le G20 dont l’Inde est l’hôte jusqu’en septembre. 

 

Narendra Modi est l’un des Premiers ministres indiens à avoir effectué le plus de voyages à l'étranger, des déplacements dont le but est de développer et renforcer les relations entre l’Inde et le monde et d’installer l’Inde comme partenaire mondial. Il est conscient de l’importance stratégique de conserver des bonnes relations avec les grandes puissances mondiales. 

 

Les nouveaux membres des BRICS acceptés lors du 15ème sommet 

 

Selon le quotidien français Le Monde, les pays membres des BRICS ont négocié ferme jusqu’à mercredi soir pour trouver une position commune pour l’entrée dans le groupe d’autres pays et plus particulièrement sur la question des critères d’admission. La longueur des pourparlers s’explique “sans doute par les difficultés des BRICS à contourner leurs différences”. L’Inde a défendu l'idée de critères, standards et procédures strictes pour accepter de nouveaux membres plutôt que de simples critères d'affinité. De plus, la Chine est favorable à l’entrée du Pakistan dans les BRICS, ce à quoi l’Inde s’oppose fermement. Près de 22 candidatures ont été considérées. 

 

Finalement, 6 nouveaux membres vont intégrer les BRICS en janvier 2024 pour une première phase, ce qui laisse à penser que d’autres pays pourront rejoindre le groupe dans les années à venir. 

 

Les relations de l’Inde avec les nouveaux membres des BRICS

 

Le média indien en ligne the Wire a compilé la liste des candidatures et ce qu'elles pourraient apporter pour l’Inde. Voici ce qu’ils indiquent des nouveaux membres:


L’Égypte : Narendra Modi a visité l’Égypte fin juin 2023, une première pour l'Inde depuis 1997. Il est donc certain que cette candidature avait le soutien de l’Inde. C’est aussi un choix facile car l’Inde et l’Égypte ont également signé un partenariat stratégique plus tôt cette année.

Narendra Modi et le Président Egyptien
Source X Twitter @Narendramodi

 

L’Éthiopie :  L’Inde a toujours considéré l’Éthiopie comme l’un des principaux pays africains. Le pays a soutenu la position de l’Éthiopie à l’ONU sur des questions allant de la crise du Tigré à la controverse sur le grand barrage de la Renaissance éthiopienne. L’Inde plaidant pour une plus grande représentation de l’Union Africaine au sein du G20 et de l’ONU, la candidature de l’Éthiopie cochait donc toutes les cases, d’autant que le pays a également des liens importants avec la Chine.

Inde et Ethiopie
Source X Twitter @Narendramodi

 

L’Iran : Cette candidature est surtout portée par la Chine et la Russie qui la perçoivent “comme un coup de semonce pour l'Occident", comme cela a été le cas lorsque le pays a été admis à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Néanmoins, l'Inde a un partenariat stratégique avec l’Iran depuis 2011.

Inde et Iran
Source X Twitter @Narendramodi

 

L’Arabie Saoudite : la candidature de l’Arabie Saoudite fait sens, le pays a diversifié ses relations diplomatiques avec l’Occident et a rejoint l’OCS en tant que partenaire de dialogue. Par conséquent, sa demande d’adhésion aux BRICS est conforme à sa politique actuelle et lui donne également accès aux marchés émergents. L’Inde a signé un partenariat stratégique en 2010 et a créé un conseil de partenariat stratégique en 2019, ce qui témoigne de son effort pour séduire le royaume du Golfe.

Modi en Arabie saoudite
Source X Twitter @Narendramodi

 

Les Émirats arabes unis : L’Inde a un partenariat stratégique global avec les Émirats arabes unis. Ce partenariat est l’un des plus solides de l’Inde dans la région. Démontrant une politique étrangère pratique, les Émirats arabes unis ont doublé le volume des échanges avec la Chine par rapport aux États-Unis. Il existe des divergences politiques entre l’Inde, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, concernant le rôle de l’Iran et de la Chine, mais cela n’a pas entravé l’élargissement des liens.

Modi aux Émirats arabes unis
Source X Twitter @Narendramodi

 

L’Argentine : la candidature de l’Argentine est surtout soutenue par le Brésil, qui bénéficierait ainsi d’un allié régional solide. Pour l’Argentine, l’accès à la nouvelle banque de développement, également appelée Banque des BRICS, est particulièrement attrayant, car elle lutte contre l’épuisement des réserves de change, l’inflation élevée et le remboursement de la dette au Fonds monétaire international. L’Inde n’a développé de partenariat stratégique avec l’Argentine qu’en 2019, et pour The Wire c’est un baromètre de son intérêt pour le pays (Modi est Premier ministre depuis 2014).

Mode en Argentine
Source X Twitter @Narendramodi

 

Suite à leur adhésion, les nouveaux pays des BRICS auront désormais accès à la nouvelle banque de développement du groupe pour financer leurs projets.

 

La Banque des BRICS, une alternative au Fond Monétaire International ?

 

La nouvelle banque de développement (NBD) a été créée en 2014. Son objectif est de fournir des financements pour des projets d’infrastructures et de développement durable dans les pays membres des BRICS et d’autres économies émergentes. La NBD vise à soutenir des projets qui favorisent la croissance économique, le développement social et environnemental. La NBD inclut aussi des pays non membres actuellement des BRICS. Ainsi en 2021, la banque a commencé à élargir son adhésion avec l’entrée du Bangladesh, des Émirats arabes unis, de l’Uruguay et de l’Égypte, une étape remarquable vers une banque de développement multilatérale mondiale. Il est d’ailleurs intéressant de voir que certains des nouveaux membres des BRICS étaient déjà membres de la NBD.

 

La banque propose aussi une alternative au financement en dollar, sujet aux fluctuations des taux de change et taux d'intérêts en permettant d’emprunter dans les monnaies locales. Pour Dilma Rousseff, ancienne présidente du Brésil et actuelle présidente de la NBD, “ Les monnaies locales ne sont pas des alternatives au dollar. Ce sont des alternatives à un système. Jusqu’à présent, le système a été unipolaire [...] il sera remplacé par un système plus multipolaire.” Jusqu'à présent moins de 20% des investissements se font en monnaie locale mais la NBD, dans sa stratégie générale de 2022-2026, stipule que 30 % de l’ensemble des financements devront utiliser des devises des pays membres.

 

Banque des BRICS
Source Wikimedia Commons

 

La banque des Brics a également essayé de se distinguer de la Banque mondiale et du FMI en ne dressant pas de liste de conditions politiques sur les prêts. “Nous répudions toute forme de conditionnalité “, a déclaré Mme. Rousseff. “Souvent, au FMI un prêt est accordé à la condition que certaines politiques soient appliquées. Nous ne faisons pas cela. Nous respectons les politiques de chaque pays.” 

 

Avec l'agrandissement des BRICS, et le développement des investissements en alternative au dollar et au FMI, les BRICS vont désormais représenter 46 % de la population mondiale et près du tiers (29%) du PIB global, une vraie alternative au modèle du G7 (27 % du PIB global pour moins de 10 % de la population mondiale), plus équilibrée et intégrant tous les Suds.

lepetitjournal.com bombay
Publié le 29 août 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

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