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Journée des femmes : un film féministe en français à Carthagène

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Écrit par Alexandre Octave BEDDOCK
Publié le 8 mars 2018, mis à jour le 9 mars 2018

A l’occasion de la Journée Internationales des Droits des Femmes, Le Petit Journal de Bogota a rencontré la réalisatrice féministe Julia Maura, 25 ans, française d’origine espagnole installée à Paris. Julia, scénariste et réalisatrice du film Galatée à l’infini, a présenté cette semaine son court-métrage au Festival International de Cinéma de Carthagène des Indes (FICCI) avec Fatima Flores Rojas, une des co-réalisatrices.

 

 

 

Bonjour Julia, qu’a été ton parcours jusqu’à maintenant ?

 

J’ai fais des études de Communication et de Sciences Politiques à Paris, j’ai beaucoup voyagé et j’ai travaillé dans des secteurs différents (monde associatif, médias, enseignement linguistique). J’ai un profil davantage tourné vers les Sciences Sociales et Galatée à l’infini est mon premier projet audiovisuel.

 

J’ai toujours été attirée par les questions féministes et de genre plus particulièrement, mais aussi par les questions liées au corps, à la manière dont on cherche à le faire taire ou à la mettre en scène.

 

Toutes les réalisatrices de Galatée à l’infini viennent de pays différents, comment vous êtes vous rencontrées ?

 

On s’est rencontrées toutes les cinq : Mariangela Pluchino (Italo-Venezuelienne), Ambra Reijnen (Holando-Italienne), Maria Chatzi (Grecque), Fatima Flores (Péruvienne) dans le cadre de notre Master en Film Documentaire de Création à la Universidad Autonoma de Barcelona, Galatée est à l’origine un film de fin d’études.



Peux tu nous raconter l’histoire de Galatée à l’infini ?

 

A l’origine du projet Mariangela était venue avec l’idée de développer une critique féministe de la gynécologie à travers différents collectifs qui proposent des alternatives à la gynécologie traditionnelle. On a longtemps bossé toutes les cinq sur ce concept et on a fait beaucoup de recherches et de lectures dans ce sens. Puis le film a pris une tournure plus narrative quand j’ai commencé à développer le concept de Galatée, qui est une métaphore de la construction du corps de la femme à travers les yeux de l’homme et selon ses propres besoins.


Le film est une pièce expérimentale qui cherche à établir une critique de l’idéal féminin en s’inspirant du mythe de la création de Galatée par Pygmalion. Le sculpteur rejette le corps de la femme dans sa complexité et, afin de le comprendre et de le maîtriser, le moule à sa convenance et par là même le mutile.

 

Qu’est ce que vous avez voulu montrer avec ce court-métrage?

 

L’idée était de montrer l’artificialité du concept de femme et de féminité à travers son processus de construction pour déconstruire ce mécanisme. Pygmalion décide de rester aveugle au corps dit de “la femme” et à ses manifestations et décide de le recréer à sa convenance afin de le comprendre, mais aussi de le dominer.

L’idée était aussi, à travers ce concept, de parler d'hygiénisme et de rationalisme qu’on retrouve beaucoup dans nos sociétés occidentales, où il existe une peur du corps et de ses manifestations naturelles. On voyage de mythes en mythes, entre ceux qui développent un caractère répulsifs du corps féminin (vagin denté, mythe de la méduse), et ceux qui le représentent de manière idéalisé (éternel féminin). Un mythe pour contrer les mythes, pourrait-on dire.

 

 

 

 

Où a t-il été projeté et comment est-il reçu par le public ?
 

Il a déjà été projeté dans plusieurs festivals en Espagne : au Bibliocurts à Barcelone, au Festival International de courts-métrages de Verin en Galice, et à deux reprises à Bilbao, au festival Zinegoak qui s’intéresse aux thématiques LGBTQI ainsi qu’ au Festival International de Zinebi où il a reçu le prix du Meilleur Film Documentaire et du Meilleur Film Espagnol. Il a aussi été inclus dans un cycle audiovisuel au Musée d’Arts-Modernes Reina Sofia à Madrid.

 

Nous avons reçu de très bonnes critiques du film, autant de la part du public dit “féminin” que “masculin”. L’appareil génital féminin et ces cycles restent majoritairement tabous au sein de nos sociétés patriarcales, alors que le phallus continue à bénéficie d’une visibilité maximale.


Comment se sont passées vos différentes projections au FICCI ?

 

La projection au FICCI était notre première internationale, c’était très émouvant de pouvoir diffuser le film dans un festival de cette qualité et de cette ampleur.

 

Le public a été très enthousiaste, nombreux sont venus nous voir à la suite des projections. Les spectateurs apprécient en général l’argumentaire, qui cherche à établir une critique systémique tout en évitant de tomber dans le “manifeste”, mais aussi la forme, qui présente une certaine originalité, en mélangeant de nombreuses techniques (collage, animation, found footage, expérimentations).

 

Aujourd’hui, c’est la Journée Internationale des Droits des Femmes, quelle est l’importance de montrer ce film ici en Colombie ?

 

La Colombie est une société patriarcale, comme la société française, et le corps de la femme y est grandement objectivé et sexualisé, il est donc important de se réapproprier la parole pour proposer d’autres points de vues, rendre visible ce qui a été invisibilisé.

 

Quel a été le processus de création du film ?

 

Il y a eu différentes étapes, le temps de recherche collective a été très long, presque six mois pendant lesquelles on a fait beaucoup d’interviews et de montages différents, qui n’ont finalement pas été inclus dans le film. Après cette longue période de recherches et d’expérimentations, on a passé quelques mois à développer chacune nos propres séquences. De mon côté, j’ai commencé à travailler le scénario, le texte et le montage autour du mythe de Galatée et Pygmalion, puis les filles m’ont rejoint..


Ambra, Maria et Fatima ont fait un très beau travail au niveau du son et on a aussi bénéficié de l’aide précieuse de deux colombiens au niveau du montage : le réalisateur Jorge Caballero Ramos, qui était aussi jury de la compétition “Films Documentaires” au FICCI, et Julien Mérienne, vidéaste franco-colombien installé à Barcelone. Pour la post-production on a été soutenues par Alejandra Molina (son) et Carles Munoz (image).

 

 

Où et quand pourra-t-on revoir votre film ?

 

On a quelques projections dans des festivals importants en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Espagne dans les mois qui viennent, on ne peut pas encore vous donner les dates, mais vous les verrez bientôt apparaître sur notre page facebook ! De mon côté je vais projeter ma première version du film dans des espaces informels à Paris, la première projection étant prévue le 30 dans le 18ème arrondissement. D'autres suivront, vous pourrez aussi les voir sur Facebook. Evidemment, ce serait un plaisir de projeter le film en Colombie à nouveau.

 

 

Après Galatée à l’infini avez vous d’autres projets à venir ?

En ce moment chacune travaille de son côté, Mariangela développe des projets audiovisuels en Finlande où elle s’est installée récemment, Ambra et Maria sont toujours à Barcelone où elles poursuivent leurs trajectoires de cinéastes, et Fatima est rentrée au Pérou où elle travaille sur un projet de film documentaire.


De mon côté je travaille sur plusieurs projets dont un court-métrage qui fait écho à Galatée sur le fond et la forme, et s’intéresse à ce qui découle de la construction du corps féminin, son maintien. En espérant le proposer au FICCI l’année prochaine !

Retrouver Galatée à l’infini sur Facebook.

Propos recueilli par Alexandre Octave Beddock.

*Notre série d'articles sur le FICCI est réalisée en partenariat avec l'Hotel Avienida Buenos Aires à Carthagène.

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Publié le 8 mars 2018, mis à jour le 9 mars 2018

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