José Alberto Gutierrez combat l'ignorance par la littérature. Ce Colombien de 55 ans s'est donné pour mission d'éradiquer l'analphabétisme dans le pays. Sa maison est une librairie, où sont stockés près de 50 000 ouvrages. Ici, c’est la fondation « La force des mots ». L’unique objectif : offrir le maximum de livres.
On l'appelle « El senor de los libros ». Dans le quartier populaire de la Nueva Gloria*, il est très connu. Demandez à n'importe quel habitant, tous sauront vous pointer du doigt la maison blanche de José. En regardant par la fenêtre, ce sont des milliers de livres qui sont empilés les uns sur les autres. A l'intérieur, le Colombien fait son travail. Il trie les ouvrages en attendant que quelqu'un vienne les récupérer...gratuitement.
Car à « La fuerza de las palabras » [La force des mots, ndlr], le but est de partager connaissances et littérature. « C'est une mission qui, selon moi, représente un certain espoir pour la Colombie », explique-t-il, en nous montrant l'album-photo de son association. De l'espoir il en faut : « Le gouvernement ne fait rien pour les gens pauvres de ce pays. »
Depuis février dernier, cet homme est au chômage. Ancien éboueur, c'est en ramassant les poubelles qu'il constate la quantité astronomique de livres jetés par la fenêtre. Au fur et à mesure, José les récupère. Ensuite, il les donne aux enfants défavorisés de son quartier. 20 ans qu'il fait ça, et il n'est pas prêt de s'arrêter. Sa famille l'aide au quotidien. Son épouse, ses trois enfants, ses cousins.. tous sont là pour lui prêter main-forte. « La fuerza de las palabras », c'est une affaire de famille.
Dans un pays où l'accès à l'éducation n’est pas garanti pour tous, les parents sont ravis d'apprendre que la maison de José est comme une deuxième école. Chaque jour, des dizaines d'élèves viennent assister aux cours de ce quinquagénaire. Au total, ils sont près de 90 à en profiter. « C'est très fatigant de courir après tous ces gamins », plaisante-il, en marchant sur des magazines. Ici, dans la cave de la maison, on apprend à lire, à écrire, à jouer de la musique, et même à dessiner. Solène, une jeune française, s'est aussi portée volontaire pour enseigner le français.
Une odeur de poussière règne dans la pièce. José écarte les vêtements qui sèche dans sa penderie pour nous montrer ses ouvrages favoris. Son livre de chevet ? « Le père Serge », de Léon Tolstoï. L'idéologie du partage règne au sein de cette bibliothèque solidaire. Sa devise : « On ne repart jamais d'ici les mains vides ». Pour nous, ce sera « Colombia Viva » d’El Tiempo.
Volontaires ou donateurs, ils sont des centaines à participer à cette aventure : « On reçoit plus de livres que l'on en donne. » Preuve à l'appui : toutes les salles de la maison regorgent de romans, journaux, et autres magazines. Ils sont ensuite distribués dans près de 450 écoles, foyers, et autres bibliothèques. Pour y arriver, il utilise son seul moyen de locomotion, « la librairie mobile » [voir photo ci-dessus]. Mais José a un projet en tête : monter un immense centre culturel. En attente du permis de construire, il tente de récolter des fonds : « J'espère que les gens vont donner, si ça ne marche pas, je m'en remets à Dieu. »
*Pour plus d'informations sur la fondation de José
Venez le rencontrer chez lui, à la librairie :