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Un journaliste arrêté en vertu de la loi contre le terrorisme

U Nay Myo Lin, le rédacteur en chef de Voice of Myanmar au moment de sa mise en accusationU Nay Myo Lin, le rédacteur en chef de Voice of Myanmar au moment de sa mise en accusation
U Nay Myo Lin, le rédacteur en chef de Voice of Myanmar au moment de sa mise en accusation

Lundi 30 mars vers 21h30, U Nay Myo Lin, rédacteur en chef du média indépendant « Voice of Myanmar » a été arrêté à son domicile de Mandalay par des officiels en civil des forces spéciales de la police. Le 31 mars, le juge U Kyaw Swa Lin, du tribunal de Chan Mya Tharzi, à côté de Mandalay, l’a inculpé pour infraction à la loi contre le terrorisme et le journaliste a été incarcéré sans possibilité de caution. Il lui est reproché d’avoir diffusé le vendredi 27 mars 2020 une interview du porte-parole du mouvement combattant rebelle l’Armée de l’Arakan (AA) après que celui-ci a été déclaré comme mouvement terroriste le 23 mars dernier par le gouvernement birman.

Dans son article, intitulé « Le processus de paix est à l’arrêt », U Nay Myo Lin a interrogé Khaing Thu Kha sur les négociations possibles entre l’AA et le gouvernement. Rien dans ses questions ne peut être compris comme un encouragement ou une sympathie pour les thèses ou actions de l’AA. Mais la loi contre le terrorisme stipule que « ni les organisations, ni les individus n’ont le droit d’entrer en contact avec des membres d’organisations terroristes ». Du point de vue de la justice, c’est ce que U Nay Myo Lin a fait ; du point de vue des associations birmanes de journalistes comme du Press council (l’organe paritaire de régulation des médias en Birmanie), l’accusé n’a fait que son travail d’information en rapportant objectivement les propos de l’un des antagonistes dans une guerre civile qui ravage le nord de l’Arakan et le sud du Chin.

De fait, les violents combats entre l’AA et l’armée régulière (la Tatmadaw) ont déjà faits des dizaines de morts au moins et des dizaines de milliers de déplacés, sans que les chiffres soient clairs puisque la Tatmadaw a décrété une interdiction de se déplacer sur les lieux afin de collecter des informations et elle a aussi imposé une coupure des télécommunications classiques (internet, téléphones portables) dans les zones de conflits. Le fait que le rédacteur en chef de Voice of Myanmar soit parvenu à obtenir malgré tout des informations constitue d’ailleurs probablement une raison supplémentaire à l’ire des officiels.

Selon l’acte d’accusation, qui se réfère aux articles 50 (a) et 52 (a) de la loi contre le terrorisme, l’accusé risque jusqu’à la prison à vie. Le journaliste, un ancien de la BBC en birman – une garantie d’un certain professionnalisme – a répondu alors qu’il était amené vers sa cellule qu’il n’avait fait « que son travail de journaliste, dans le respect de la déontologie journalistique, qu’il n’avait brisé aucunes règles professionnelles et qu’il était en faveur de la paix ». Plusieurs journalistes ont réagi en rappelant l’importance dans un tel conflit, et de manière générale dans le travail de journaliste, de fournir des informations non-biaisées rapportant les opinions de toutes les parties impliquées, et que cela n’engageait en aucun cas les opinions du média ou du journaliste. Tous les professionnels des médias interrogés ont reconnu s’inquiéter de la répression qu’ils subissent lorsqu’ils veulent couvrir les conflits entre la Tatmadaw et des mouvements rebelles. Un représentant du Press council a rappelé que selon la loi, tout reproche professionnel fait à un journaliste doit en théorie d’abord être examiné par le Press council avant d’aller plus loin. Une disposition qui n’est que très rarement appliquée.

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