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Un jeu de mots vulgaire secoue la twittosphère birmane

James Palmer tweet karen BirmanieJames Palmer tweet karen Birmanie
James Palmer

Sans doute que si son tweet avait condamné l’armée et sa prise de pouvoir par la force du 1er février 2021, celui aurait valu éloges, reprises et de nombreux commentaires favorables chez les anti-coups. Son pedigree est en effet de choix : James Palmer, rédacteur en chef adjoint de Foreign Policy, un magazine étasunien de référence sur la géopolitique. Mais les apparences peuvent tromper car son tweet récent le plus repris a avant tout suscité la colère de la communauté Karen et montré à quel point tant de « spécialistes » extérieurs de la Birmanie parlent au mieux dans le vide, au pire en blessant des individus déjà touchés. Le 30 juin, James Palmer a tweeté « On pourrait penser que le problème des femmes demandant à parler au directeur est grave aux États-Unis, mais sachez que la Birmanie a une Armée de libération nationale karen ».

 

Ce tweet a immédiatement suscité de vives réactions dans la communauté karen, avec des qualificatifs de « raciste, inapproprié et sexiste ». L'Organisation des femmes karen (KWO) a publiquement exigé des excuses de la part de Palmer mais ne les a pour l’instant pas obtenues publiquement. « Nous ne trouvons pas ces commentaires drôles, surtout dans le contexte actuel où plus de 70 000 Karens fuient les attaques de l'armée birmane. KWO et la Ligue des femmes de Birmanie se battent pour un avenir où une telle pensée ignorante et patriarcale n'existera plus », a écrit le KWO sur Twitter.

 

Karen est un prénom commun dans le monde anglo-saxon, et au Danemark, et par métonymie il est devenu un terme désignant « des femmes blanches ayant des droits et pas de devoir », l’équivalent du français « la blonde » ou « sa blonde » souvent entendu dans le milieu de l’expatriation. Inutile d’ajouter que le terme est péjoratif et sexiste… Mais James Palmer, dans une tentative d’être encore plus « drôle », et montrant ainsi les limites de son « humour » va encore plus loin en ajoutant qu’« il y a un réel danger qu'ils [l’Armée de libération nationale karen] qu’il racole le Front de libération islamique Moro [connu en anglais sous le sigle de Milf et engagé depuis des années dans une guerre civile sanglante] des Philippines pour créer ainsi un front unifié du MILF et des Karens ». MILF, en étasunien, est aussi le sigle de « Mother I'd Like to Fuck » (« Une mère que j'aimerais baiser »), et la référence au racolage constitue la cerise sur le gâteau de ce tweet sexiste et vulgaire qui ressemble beaucoup plus à une idée surgie après une conversation entre « mecs » dans un bar qu’à la communication d’un soi-disant expert de l’Asie dans une revue de réputation mondiale.

 

Le site Coconuts Yangon mentionnent les réactions outrées de la twittosphère, où l’un rappelle par exemple « les décennies d'oppression systématique de la minorité ethnique karen sous le régime militaire de Birmanie et les politiques de birmanisation » (Du point de vue des mouvements d’indépendance karens, qui n’ont pas été associés aux négociations de décolonisation avec Londres – « l’indépendance » de 1948 n’en ai pas une, juste un changement de maître colonial, le Birman remplaçant le Britannique). Le directeur-adjoint de Human Right Watch pour l'Asie, Phil Robertson, a qualifié les tweets de Palmer de « puérils, insensibles et ignorants ». Une militante birmane a aussi relevé le grand nombre de personnes qui n'ont pas trouvé le tweet offensant mais drôle, se disant « déconcertée » par cette forme de passivité. Une passivité qui mesure en fait l’insensibilisation progressive des individus face à l’enlisement politique de la Birmanie. Une insensibilisation qui est le lot des Karens depuis 1948… et dont manifestement ils souffrent encore aujourd’hui.

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