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Tentative de lynchage d’un médecin pour des commentaires anti-moines

Une image tirée d'une des vidéos de la tentative de lynchage circulant sur FacebookUne image tirée d'une des vidéos de la tentative de lynchage circulant sur Facebook
Une image tirée d'une des vidéos de la tentative de lynchage circulant sur Facebook

Si des lois et des mesures toujours plus oppressives empêchent souvent les médias ou les organisations de la société civile de faire leur travail d’information et de sensibilisation, il ne fait pas bon non plus s’en prendre aux moines dans un pays pourtant officiellement laïque mais dont une frange importante de bouddhistes porte l’extrémisme au firmament. Ce dont Kyaw Win Thant, un jeune médecin de 31 ans, vient de faire les frais.

Il faut dire que le garçon n’a pas froid aux yeux… Ce week-end, rappelant que d’après les données officielles, environ 50 000 adolescentes se retrouvent enceinte chaque année en Birmanie, il s’en est pris à ceux qui rejettent l’introduction de cours d’éducation sexuelle au niveau du Grade 11 - l’équivalent de la terminale des français – parce que cela serait « contraire au bouddhisme et à la culture birmane ». Parmi les plus en vue des protestataires, des moines appartenant au monastère Koenawin de Meiktila, une ville de 250 000 habitants de la région de Mandalay très connue pour son conservatisme religieux. En 2013, cette cité avait été la proie d’émeutes antimusulmans qui avaient abouti à la destruction d’une mosquée, de boutiques et de maisons appartenant à des musulmans… sans qu’aucunes mesures de protections des victimes ou de sanctions n’aient alors ou depuis été prises.

Les moines, le porno et le bordel

« Les chauves ne connaissent rien à l’éducation sexuelle, on ne leur a jamais appris », Kyaw Win Thant a écrit ce dimanche sur sa page Facebook. L’expression « les chauves » est le terme péjoratif classique employé contre les moines par ceux qui ne sont pas religieux, les moines devant normalement se raser le crâne. Et d’ajouter : « En revanche, ils ne se gênent pas pour se gaver de films pornos, aller au bordel et parier sur des matches de football. Ce sont les plus vicieux de tous ». Meiktila est aussi une ville de garnison qui a la réputation d’abriter des maisons closes même si la prostitution est illégale en Birmanie, mais néanmoins répandue. Et il se trouve que Kyaw Win Thant est originaire de Meiktila, où ses parents résident toujours. Cerise sur le gâteau, le médecin conclut avec un « ces foutus moines sont comme ces foutus militaires, ils ne servent à rien, n’apportent rien à la société, ne paient pas d’impôts. Ils profitent juste de l’argent que nous devons gagner avec tant de difficultés ! ».

On se doute que la frange religieuse et conservatrice du pays – loin d’être une minorité… - n’a pas pris ces messages et ses affirmations à la légère. Des copies d’écrans de ces posts Facebook ont circulé très rapidement, accompagnées d’insultes, de menaces de mort, et d’appel à la vengeance. Tant et si bien que Kyaw Win Thant s’est retrouvé forcé de se rendre mardi au monastère afin de faire des excuses officielles. Et entre-temps, son compte Facebook n’est plus accessible, alors que les très nombreux appels à la haine raciale et religieuse perpétrés contre les musulmans et la minorité musulmane de l’Arakan ont pu circuler durant des mois sans aucunes sanctions…

« Si nous n’avons pas d’excuses sincères, nous ferons ce que nous devons faire… »

Comment l’information de ces excuses a-t-elle circulé ? Ce n’est pas clair… Mais ce qui l’est sont les centaines de militants qui se sont bousculés devant le monastère afin d’essayer d’attraper et de lyncher le médecin repentent, alors que les mesures contre la contagion interdisent les rassemblements de plus de cinq personnes et que dans cette même région de Mandalay début avril dernier 12 musulmans ont été envoyés manu-militari en prison pour ne pas voir respecté cette injonction … ce que des bouddhistes avaient commenté comme juste « car tout le monde doit respecter la loi ».

A l’extérieur du monastère, la foule a rapidement pris à parti les forces de police, avec de violents échanges verbaux, quelques personnes armées de gourdin apostrophant les policiers en arme en hurlant : « Si nous n’avons pas d’excuses sincères, nous ferons ce que nous devons faire… Vous voulez nous arrêter ou nous tirer dessus ? » Les images qui circulent sur internet sont impressionnantes, des individus cherchant à arracher le masque du médecin pour photographier son visage, le molestant, le frappant alors que, sous protection, il cherche à rejoindre une camionnette de police, et celle-ci bombardée de pierres lorsqu’elle quitte les lieux.

Tout cela sans aucune arrestation, sauf peut-être celle de Kyaw Win Thant. L’homme est en effet actuellement en détention provisoire, sans que la police ait explique si cela était pour sa protection personnelle ou parce qu’il était en état d’arrestation. De nombreux commentaires circulants sur Facebook appellent à « respecter la loi », mais manifestement pas celles, nombreuses, qui ont été largement violées par la foule…

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