A Mandalay, un tribunal a condamné 12 musulmans à trois mois de prison avec travaux forcés pour avoir violé les règles de lutte contre le Covid-19, à savoir l’interdiction de se réunir à plus de cinq personnes. Deux autres membres du groupe n’ont pour l’instant pas été jugés car ayant moins de 18 ans, ils relèvent du tribunal pour enfant. Les 12 hommes ont été reconnus coupables de non-respect de la loi sur la prévention et le contrôle des maladies contagieuses. La peine maximale qu’ils encourraient était de 12 mois avec travaux forces. Les accusés ont plaidé coupables.
Leur réunion s’est tenue le 10 avril dernier, dans le quartier de Chanmyatharzi. Le groupe s’est adonné à une prière collective et a manifestement été signalé à l’administrateur du quartier, qui s’est immédiatement rendu sur place, a verbalisé les contrevenants avant de les signaler à la police, qui les a incarcérés sur le champ. Leur mois de détention préventive sera d’ailleurs décompté de leur peine totale et il leur reste désormais deux mois de prison à effectuer. L’infraction ne s’est pas faite durant le mois du jeûne, le ramadan, qui a commencé le 23 avril, s’achèvera le 23 mai, et qui s’accompagne d’une tradition de prière collective le soir au moment où la lumière du soleil disparaît, avant une rupture du jeûne qui se fait en théorie dans la joie et en groupe.
Pas certain que les juges de Yangon soient aussi rigoureux que ceux de Mandalay, mais c’est un pasteur chrétien et non pas un prêcheur musulman qui va bientôt comparaître devant la justice de la plus grande ville de Birmanie. Le mois dernier, en pleine crise du Covid-19 et en violation de la loi, le pasteur David Lah, très proche de certains cercles du pouvoir, s’était permis un office religieux réunissant plusieurs dizaines de fidèles et retransmis en direct sur Facebook. Quelques jours auparavant, il avait affirmé dans un prêche « qu’il pouvait garantir que ceux qui suivait le chemin de la vérité avec uniquement le Christ au cœur n’attraperaient jamais le Covid-19 ». Cette réunion est à l’origine de plus de 70 cas positifs de contamination au Sars-Cov-2, soit environ la moitié des cas aujourd’hui répertorié dans l’agglomération de Yangon, le pasteur lui-même ayant contracté la maladie et ayant été mis à l’isolement dans l’hôpital de Waibargyi.
Le gouvernement régional a donc décidé de sévir et d’assigner le pasteur et un de ses collègues devant la justice. L’infraction a eu lieu le 7 avril dernier et il a fallu un certain temps aux dirigeants locaux pour se décider, temps durant lequel le pasteur Lah n’a pas eu à subir les affres de la prison à l’instar de ses collègues prêcheurs de Mandalay… En revanche, les charges qui pèsent contre lui sont plus lourdes et il encourt une peine maximum de trois ans de prison ferme avec travaux forcés. Reste à savoir si le procès se tiendra bien – le pasteur bénéficie de soutien importants – et quand, car l’homme est aujourd’hui tranquillement installé dans un hôtel en observation de 14 jours de quarantaine après avoir été diagnostiqué « guéri » par les médecins.
Sans doute soucieux de ne pas laisser le terrain de l’incivisme aux seules autres religions, des bouddhistes se ont aussi mis de la partie, à la même époque de début avril mais eux dans le Tanintharyi, histoire sans doute de respecter aussi la diversité géographique… Un rassemblement de plus de 200 personnes a ainsi accompagné les funérailles d’un moine bouddhiste de 83 ans dans la circonscription de Yebyu, un peu au nord de Dawei. Mais dans ce cas, aucune décision n’a encore été prise par les autorités, et surtout pas celle d’une incarcération immédiate comme pour les 12 musulmans de Mandalay. Le gouvernement déclare consulter pour l’instant des juristes pour savoir quoi faire. C’est qu’un bouddhiste n’est pas un chrétien ou encore moins un musulman dans ce pays officiellement laïque mais où le bouddhisme régit la vie quotidienne. En outre, des élections générales arrivent bientôt, en théorie en novembre 2020, et autant mettre en prison des musulmans à Mandalay – une ville connue pour ses extrémistes bouddhistes – ne peut qu’être populaire, autant sanctionner des bouddhistes dans une région où aucun cas de contamination n’a encore été rapporté semble beaucoup plus sensible. Sans l’hebdomadaire Dawei Watch qui a récemment rendu publique l’infraction, il est fort probable que les autorités auraient juste continué à fermer les yeux comme elles avaient commencé à le faire.