Lundi 2 août, plusieurs dizaines de militants politiques et de fonctionnaires ont été libérés de prison. Ils étaient emprisonnés pour avoir pris part à des manifestations contre le coup de force militaire du 1er février 2021 ou pour avoir suivi le mouvement de désobéissance civile (CDM). Les critiques du gouvernement issu de ce coup de force voient dans cette amnistie une tentative du régime d'apaiser les critiques internationales à son égard. La grâce de lundi est en effet intervenue un jour après que le chef d’état-major Min Aung Hlaing s'est proclamé Premier ministre d'un gouvernement civil intérimaire qui sera au pouvoir jusqu'en 2023... et qui n’est pas prévu dans la constitution. Le retour à un gouvernement institutionnel civil, même s’il reste sous la coupe des militaires, est interprété par beaucoup comme une manœuvre pour obtenir une reconnaissance officielle lors de l'assemblée générale des Nations unies en septembre prochain. Min Aung Hlaing a d’ailleurs annoncé qu'il libérerait tous les détenus politiques qui n'avaient pas joué un rôle de premier plan dans le mouvement de désobéissance civile. Ce qui suppose bien sûr de s’entendre sur la définition de « détenu politique » et de « rôle de premier plan ».
Parmi les personnes libérées lundi figurent d'éminents détracteurs des généraux ou figures de proue de la désobéissance civile, dont l'abbé du monastère de Mingyi de Myawaddy, le Ven. Ariyabiwuntha ou les médecins Pyae Pyo Naing, de l'hôpital de Mezaligone, dans la région d'Ayeyarwady, Than Min Htut, chef de l'hôpital de Pathein, toujours dans l'Ayeyarwady.
« Ces personnes n'auraient pas dû être arrêtées en premier lieu »
L’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP), devenue célèbre pour son décompte quotidien des victimes de la Tatmadaw depuis le 1er février, a rappelé sur Radio Free Asia que même si ces libérations ne pouvaient que faire plaisir, « il n'y avait aucune raison d'être reconnaissant car ces personnes n'auraient pas dû être arrêtées en premier lieu et elles n'auraient pas dû être en prison du tout ».
Depuis leur arrivée au pouvoir, les généraux ont procédé à plusieurs amnisties de masse. Voilà un peu plus d’un mois, près de 2 300 détenus ont pu quitter leurs geôles, fin juillet, ce sont plus de 6 000 et auparavant, pour le traditionnel pardon de Nouvel an birman, plusieurs dizaines de milliers… En six mois, les militaires ont graciée pas loin de 50 000 personnes. L'AAPP considère cependant que des milliers d’individus sont toujours en détention pour des motifs politiques, à commencer par la conseillère d'État destituée Aung San Suu Kyi, le président Win Myint, les Premiers ministres de diverses régions et des militants politiques de premier plan.
Le 3 août, le Bureau du commandant en chef des services de défense a cependant annoncé que les personnes actuellement en fuite car recherchées et accusées de délits mineurs comme la participation à des manifestations, des commentaires « diffamants » ou autres « activités séditieuses » pouvaient désormais reprendre leur vie normale et bénéficier d’un abandon des poursuites conformément à la loi. Pour cela, il leur faut se rendre au poste de police le plus proche ou au bureau de l’administrateur de circonscription ou de district pour prendre contact de manière confidentielle. Pas certain que la confiance de la population soit suffisante pour que la mesure soit efficace.