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Le Parlement, un lieu de pouvoir mais pas de débat

Bulletin de vote birman novembre 2020 election birmanieBulletin de vote birman novembre 2020 election birmanie
Écrit par Juliette Verlin
Publié le 13 août 2020

Un parlementaire Kachin a comparé la prise de parole au Parlement avec une plaidoirie à la cour : les concitoyens sont les clients, et le parlementaire est l’avocat chargé de défendre leurs droits contre des institutions puissantes et intrusives. Une vision qui ne fera peut-être pas l’unanimité mais qui dit quand même la place bien particulière du Parlement dans la vie politique birmane.

Le Parlement de l’Union (« Pyidaungsu Hluttaw »), aussi désigné comme fédéral ou national selon les sources, est un organe législatif bicaméral, c’est-à-dire composé de deux Chambres. La Chambre haute, Amyotha Hluttaw en birman, ou Chambre des Nationalités, compte 224 sièges. La Chambre basse, elle, Pyithu Hluttaw en birman, ou Chambre des Représentants, accueille 440 parlementaires. Le Parlement compte donc un total de 664 sièges. A noter que les qualificatifs de « haute » ou « basse » ne figurent pas dans la Constitution de 2008 à l’origine de la création du Parlement actuel mais ont été ajoutés en langue anglaise et sont aujourd’hui utilisés par beaucoup, y compris les parlementaires eux-mêmes.

Parmi ces 664 sièges, 75% sont élus – soit 330 sièges à la Chambre basse, représentant les 330 circonscriptions du pays, et 168 à la Chambre haute, soit 12 sièges pour chacun des 14 états ou régions du pays -, les 25% restants étant désignés directement par le chef d’état-major de l’armée (Tatmadaw). Cette répartition des sièges est inscrite dans la Constitution de 2008 et reste l’un des éléments les plus clivant entre la Tatmadaw et le parti au pouvoir, la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND). Les représentants de ce dernier ont tenté à plusieurs reprises d’amender la Constitution, en vain. La faute à une règle fondamentale de fonctionnement du système législatif birman : pour être promulgué, un amendement à la Constitution doit obtenir plus de 75% des votes au Parlement fédéral. Or, dans un Hluttaw constitué à 25% de parlementaires choisis par les militaires, l’écrasante majorité des projets de loi destinés à modifier la Constitution, et en général à réduire leur influence, n’est pas validée.

A noter que les parlementaires militaires peuvent être destitués et remplacés à n’importe quel moment pendant leur mandat par le Commandant en chef tandis que les parlementaires civils sont élus pour une durée fixe de cinq ans.

Le Parlement n’est pas à l’origine des projets de loi

Le Parlement fédéral loge actuellement dans un gigantesque complexe de 31 bâtiments à Nay Pyi Taw. Ces 31 bâtiments seraient censés représenter les 31 plans d’existence dans la cosmologie bouddhiste – et sont illustrés au dos du billet rose de 5 000 kyats. Depuis 2011, il est possible d’assister à une session parlementaire, en tant qu’observateur extérieur, étudiant, journaliste, expert…

Le Parlement émet des lois. Il les adopte, les modifie, se plonge dans les nombreuses législations existantes pour les corriger ou les annuler. Mais il n’est pas à l’origine des projets de loi. Pour devenir une loi, un projet doit passer par plusieurs étapes. Après sa formulation par les ministres concernés, le projet est étudié par le procureur général, qui vérifie sa bonne conformité au cadre législatif existant. Puis le Cabinet du gouvernement le reçoit à son tour, avant de le transmettre au porte-parole du Parlement national. A lui de décider, ensuite, laquelle des deux Chambres recevra le projet de loi en premier.

Ces deux Hluttaw possèdent des pouvoir équivalents, et sont indépendantes l’une de l’autre. Aucune ne peux opposer de veto au travail de sa voisine. Chaque chambre possède son propre porte-parole et son vice-porte-parole, choisis parmi les parlementaires élus le 8 novembre. A tour de rôle, après 30 mois, ces porte-paroles vont présider le Pyidaungsu Hluttaw. Leur rôle est essentiel. Ils décident des dates de réunion du Parlement, de l’ordre du jour, du rythme et du contenu des débats. Ils ont le pouvoir de choisir les membres d’une commission ou d’un comité parlementaire temporaire, ou le dissoudre. Ils peuvent également donner des tâches spécifiques à certains parlementaires, ou encore inviter le Président à venir s’exprimer devant le Parlement.

Le Président ne peut pas interdire la promulgation d'une loi

Après avoir débattu du projet de loi dans l’une des Chambres, et ajouté ou non des amendements, son porte-parole le soumet à la seconde Chambre. Si cette seconde Chambre n’est pas d’accord avec la première sur le projet de loi et ses éventuels amendements, alors leurs membres se réunissent pour former le Pyidaungsu Hluttaw. Dans ce cas, le plus grand nombre de parlementaires traditionnellement présents dans la Chambre basse (440 contre 224) peut lui donner plus de poids. Si les deux Chambres sont d’accord, le projet devient loi sans réunion du Pyidaungsu supplémentaire.

En cas de nécessité d’un débat urgent demandé par le gouvernement, comme lors des émeutes de Meiktila en 2013, le Président ou les porte-paroles de la Chambre haute ou basse peuvent organiser une session extraordinaire du Parlement, qui se réunira alors obligatoirement entièrement, Pyithu et Amyotha Hluttaw ensemble.

Il existe quatre exceptions à ce processus de vote d’une loi : le projet de loi sur le budget annuel, les projets de loi sur les taxes, les plans nationaux et les amendements à la Constitution doivent impérativement être introduits directement au Pyidaungsu Hluttaw, et non aux Chambres. Hormis pour les amendements à la Constitution qui nécessitent plus de 75% des voix, les autres projets de lois sont adoptés avec une simple majorité. Une fois la loi adoptée par le Parlement, le Président dispose de 14 jours pour objecter et proposer des révisions, mais il ne peut pas interdire sa promulgation. La loi sera donc renvoyée devant le Parlement pour étude des modifications demandées.

Les interventions des députés sont souvent confuses

Le vote du budget annuel reste l’une des responsabilités majeures du Parlement. Les parlementaires, individuellement, en comité, ou avec l’aide d’experts locaux et internationaux, doivent étudier toutes les dépenses faites et prévues par le gouvernement chaque année fiscale. Leur rapport, discuté et validé par chaque Chambre, est envoyé en Pyidaungsu Hluttaw pour validation finale. Contrairement à tout autre projet de loi, les parlementaires ne peuvent pas l’amender. Mais le gouvernement n’a aucune obligation de suivre les recommandations des parlementaires sur le budget, ce qui a laissé plus d’un parlementaire frustré chaque année.

Certains comités sont permanents. Il s’agit du Comité du Projet de Loi, qui comme son nom l’indique est chargé d’étudier les projets de loi soumis par le gouvernement ; le Comité des Comptes Publics, qui établit la pertinence des dépenses des fonds donnés par le gouvernement au Parlement ; le Comité des Garanties, des Engagements et des Gages du Gouvernement, qui vérifie la mise en place réelle des promesses faites par le pouvoir exécutif et enfin le Comité des Droits du Parlement, qui supervise le bon fonctionnement du Parlement et les rôles, privilèges et devoirs de ses membres. Il est possible pour un parlementaire de faire partie de plusieurs comités, qui doivent comporter jusqu’à 15 membres choisis par le porte-parole, dont un Président et un secrétaire. Chaque comité doit également compter dans ses rangs au moins une femme. Leurs discussions sont fermées au public, sauf invitation expresse.

Enfin, la Constitution précise que les branches législatives, exécutives et judiciaires sont séparées en Birmanie, et exercent l’une sur l’autre une forme de supervision et de vérification. Mais en pratique, peu de systèmes de contrôle existent, la plupart des demandes d’enquête ou des remarques étant faites par des parlementaires individuels pendant le temps de « questions de la salle » au Parlement. Or, ces demandes et remarques sont souvent mal organisées, ou fondées sur des arguments lacunaires. Les comités peuvent également faire remonter leurs questions au gouvernement, comme l’a fait en 2019 le Comité du Développement de l’énergie et de l’électricité. Sa question concernant la façon dont le ministère de l’Electricité et de l’Energie allait pouvoir faire face à la demande grandissante en énergie du pays a probablement été l’une des raisons de l’appel à projet énergétique d’urgence du gouvernement de la même année.

De plus, les quelques démarches pour étudier l’activité du Parlement sont faite rétrospectivement, ce qui limite leur impact réel. Le chemin vers une meilleure transparence et une plus grande responsabilisation reste donc encore long.  

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