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Qui sont les électeurs en Birmanie ?

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Écrit par Juliette Verlin
Publié le 23 juillet 2020, mis à jour le 24 juillet 2020

Qui peut voter en Birmanie ? Une question en apparence anodine mais qui dans la réalité représente un enjeu essentiel, notamment dans les régions où les partis classiques (Ligue Nationale pour la Démocratie (LND), Parti de l’Union pour la Solidarité et le Développement (PUSD)…) sont en difficultés. La Commission électorale nationale (CEN) a fait savoir qu’elle publiera en ligne les listes électorales entre le 25 juillet et le 7 août. Après avoir été vérifiées et corrigées, ces listes, qui recensent toutes les personnes en droit de voter, seront définitivement dévoilées le 14 octobre.

Parmi les quelque 37 millions d’habitants inscrits sur ces listes, environ 17,5 millions sont des hommes, et 19,5 millions sont des femmes, sans compter les personnels militaires. Les membres de la Tatmadaw (l'armée régulière birmane) et leurs familles représentaient près d’un million d’électeurs en 2015. En outre, environ cinq millions de citoyens voteront pour la première fois, ayant atteint 18 ans. Mais l’éducation au vote reste encore un enjeu dans le pays. L’accès à l’information est difficile dans certaines zones reculées où les habitants peuvent ignorer jusqu’à l’obligation de posséder une carte d’identité à l’âge adulte. Pour pouvoir voter, les citoyens doivent être majeurs, être de parents citoyens birmans, et posséder une carte d’identité et un livret de famille. Ne pourront pas voter les personnes appartenant à des ordres religieux, incarcérées, ou déclarées comme mentalement inaptes.

La Birmanie utilise un système de scrutin à majorité relative : sur un seul tour de vote, le candidat qui possède le plus grand nombre de voies dans une circonscription donnée l’emporte. Le Parlement de Birmanie est composé de l’Amyotha Hluttaw (la Chambre des Nationalités, ou la Chambre Haute) et du Pyithu Hluttaw (Chambre des Représentants, ou Chambre Basse). Ces deux Chambres forment le Pyidaungsu Hluttaw, le Parlement national et fédéral. La Constitution prévoit par ailleurs qu’un quart des parlementaires seront choisis directement par l’autorité militaire et non par les électeurs. Le Parlement national vote ensuite pour élire le Président du pays. Chaque état et région possède son propre Parlement, dont les membres doivent également être élus par la population. Le 8 novembre, les électeurs iront donc voter pour trois candidats : un pour chaque Chambre du Parlement national et un pour le Parlement régional.

 

Le vote anticipé, un véritable enjeu

Historiquement, l’électorat birman est essentiellement divisé en trois : une majorité des électeurs soutient la LND, le parti au pouvoir depuis 2015. Une autre grande partie de l’électorat favorise le Parti de l’Union de la Solidarité et du Développement (PUSD), créé par la junte pour la représenter aux élections de 2010 et notoirement géré par l’armée. Il est attendu qu’une plus petite fraction des électeurs, appartenant à des minorités ethniques, votent pour des représentants des partis ethniques de leur région.

Avant d’aller voter, pendant la période de publication des listes électorales, l’électeur devra vérifier que ses informations personnelles sont correctement enregistrées. L’enregistrement sur les listes s’effectue automatiquement dès qu’un citoyen déclare son adresse auprès de son chef de quartier. Afin d’aller voter, il est nécessaire d’apporter sa carte d’identité et son livret de famille, permettant d’identifier les membres du foyer. Et les électeurs qui ne pourront pas se rendre aux urnes le 8 novembre peuvent bénéficier d’un vote anticipé, d’après la section 45 de la loi électorale. Seuls les citoyens qui doivent travailler ce jour-là ou qui ne sont pas présents dans leur circonscription y ont accès.

Il existe deux catégories de vote anticipé, selon la situation géographique de l’électeur. Aura accès au vote anticipé l’électeur présent dans sa circonscription, mais trop âgé, malade ou trop près d’accoucher pour se rendre au bureau de vote. Sont également concernés les individus en garde à vue, et les militaires, les employés du service public et les fonctionnaires de police. Si la personne en fait la demande, une équipe de vote anticipé se rendra à son domicile et récoltera son vote.

Le vote anticipé sera également accordé à toute personne ne résidant pas dans sa circonscription au moment du vote, à condition que cette personne soit membre d’un service de défense (sa famille possède ce même droit), étudiante, détenue, ou sous traitement à l’hôpital. La sous-commission du quartier enverra alors des bulletins de vote en avance sur le lieu où réside actuellement la personne. Le responsable militaire de la zone ou la personne en charge de l’institution récoltera les bulletins, vérifiera que la personne est bien inscrite sur les listes électorales et renverra les bulletins à la sous-commission du quartier.

 

Les militaires devront voter hors de leurs casernes... et du contrôle de leurs supérieurs !

Aucune date n’a encore été émise concernant le vote des citoyens résidant à l’étranger. Les ambassades birmanes à travers le monde ont jusqu’au 5 août pour transmettre leur formulaire d’enregistrement sur les listes électorales. Il est estimé qu’environ quatre millions de migrants en situation légale vivent à l’étranger, principalement en Thaïlande et en Malaisie. En revanche, seuls 20 000 votes à distance ont été enregistrés pour les élections de 2015.

Le Parlement national a approuvé un amendement aux règles électorales en février qui oblige les militaires et leur famille à aller voter dans un bureau de vote en dehors de leur baraquement. Jusqu’ici, y compris pour les élections parlementaires de 2015, les membres de la Tatmadaw (l’armée birmane) devaient voter à l’intérieur de leur caserne, sous la surveillance de leurs supérieurs et sans supervision extérieure. La Commission Electorale est en train de se coordonner avec les autorités militaires de chaque région et quartier pour collecter les listes électorales. Le risque majeur de fraude aux élections réside dans la transparence et la justesse de ces listes électorales. Si la CEN ne peut pas assurer une vérification exhaustive, il sera plus compliqué pour les autorités de justifier les résultats auprès des électeurs.

La possession d’une carte d’identité étant un prérequis essentiel pour voter, la population qualifiée de rohingya, encore présente en Birmanie ou exilée, ne possède pas ce droit, leur citoyenneté birmane n’étant pas établie aux yeux de la loi. La « carte blanche », qui faisait office de document d’identité temporaire pour une majorité d’entre eux, leur a été retirée en février 2015, avant les élections de cette même année.

Les réfugiés internes (IDP), eux, devraient pouvoir voter auprès du bureau de vote de la circonscription où ils sont établis sous réserve d’avoir conservé leur carte d’identité. En revanche, la procédure d’inscription sur la liste électorale manque de clarté, et il semblerait que les autorités locales fassent du cas-par-cas.

Juliette Verlin
Publié le 23 juillet 2020, mis à jour le 24 juillet 2020

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