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Le commerce illégal de bois prospère malgré la Covid-19

Bois de teck birman, en EuropeBois de teck birman, en Europe
Bois de teck birman, en Europe
Écrit par Julia Guinamard
Publié le 2 juin 2020

Si la crise du Sars-CoV-2 a mis à l’arrêt les importations et exportations de nombreux secteurs, il semble que les trafics en tout genre ont pu eux en profiter. Ainsi en est-il du commerce illégal de bois en Birmanie. Sur la période de janvier à mai, 1 500 tonnes de bois illégalement abattu ont ainsi été saisies dans la région de Mandalay, dont 250 tonnes de teck, une essence classée comme bois exotique et qui bénéficie à ce titre d’une plus grande protection légale. En seulement une semaine d’avril, la Direction des forêts de la région de Mandalay a déclaré avoir saisi 840 tonnes de bois illégal. Comme l’explique le patron de cette Direction, pendant la période de la Covid-19, il y a eu une baisse des contrôles, « nous n’avons pas mené d'arrestations spéciales. Le bois transporté illégalement à Mandalay est principalement en provenance de l'État de Shan et de la région de Sagaing ».

La région de Sagaing justement, où les saisies sont également nombreuses, plusieurs milliers de tonnes. « Nous pensions que l’abattage illégal diminuerait durant la pandémie parce que les trafiquants ne pouvaient pas écouler leurs marchandises, mais c’est l’inverse qui s’est produit », reconnaît un officiel de la région. Depuis le début de la pandémie, les autorités de la région de Sagaing ont en effet procédé à plus de 1 380 saisies, qui ont débouché sur 483 arrestations et 218 plaintes dont seulement 174 ont abouti à une action en justice, le problème étant officiellement qu’il est souvent difficile pour les enquêteurs de lier les troncs d’arbres confisqués à leurs « propriétaires ».

 

130 tonnes de bois abattus illégalement interceptées le 18 mai

Et le trafic passe même parfois par la mer. Le 18 mai, les autorités ont intercepté deux bateaux près de la ville de Maungdaw, dans le nord de l’État de l’Arakan, l’une des zones où l’armée régulière s’affronte avec les rebelles de l’Armée de l’Arakan. Entre les deux navires, ce sont pas moins de 130 tonnes de bois que les trafiquants essayaient de passer en contrebande vers le Bangladesh voisin. En tout, 11 personnes ont été arrêtées pour transport de bois illicite. Un des deux équipages, composé de cinq personnes, transportait du teck et leur motif d’inculpation s’est ainsi enrichi de celui de transport de bois exotique. En mars dernier, neuf trafiquants de bois exotiques ont été condamnés à 10 ans de prison. Mais en règle générale, les responsables sont difficiles à identifier.

Avec une demande en hausse, notamment dans le secteur de la construction où le bois représente une alternative « écologique » au béton, le commerce illégal du bois, avec ses prix souvent avantageux, ne peine pas à trouver des acheteurs. L’entrée en vigueur du Programme pour l'application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de l’Union européenne en 2013 n’a pas arrêté les importations illégales de bois exotiques, par exemple. Le 28 mai dernier, l’organisation non-gouvernementale Environmental Investigation Agency publiait un rapport accusateur intitulé La connexion croate mise à nue : Importation de teck illicite de Birmanie par la porte dérobée de l'Europe qui, en s’appuyant notamment sur des documents d’importation et d’exportation, prouve que 144 tonnes de teck birman sont entrées illégalement en Croatie et ont été vendues pour environ 900 000 euros, soit de l’ordre de 6 250 euros la tonne, un prix plus de quatre fois supérieur au cours officiel qui s’explique par les quotas imposés limitant l’accès légal à cette denrée rare. Le rapport prouve également que le bois a été utilisé pour construire ou décorer des yachts de luxe.

 

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