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Le casse-tête de la réouverture des usines

Dans une usine de fabrication textile de Yangon en BirmanieDans une usine de fabrication textile de Yangon en Birmanie
Dans une usine de fabrication textile de Yangon
Écrit par Rédaction lepetitjournal.com Birmanie
Publié le 21 avril 2020, mis à jour le 21 avril 2020

Avec la crise du coronavirus, les nombreuses tensions sociales latentes ou exprimées dans les usines et industries de Birmanie se trouvent exacerbées. D’un côté, des employeurs voulant absolument limiter leurs coûts fixes – dont les salaires – alors que souvent ils sont en manque de commandes ou en manque de matières premières lorsque les commandes existent. De l’autre côté, des employés inquiets de leurs conditions sanitaires de travail – notamment de la fameuse distance physique à respecter – et soucieux de percevoir leurs salaires ou des indemnités si les propriétaires décident de fermer temporairement. Entre les deux, le gouvernement de Yangon qui veut absolument éviter que les lieux de travail deviennent des lieux de contagion.

Problème : le code du travail est particulièrement flou sur toutes ces questions. Si un employeur a le droit de mettre un terme à un contrat parce que l’activité de son entreprise est en forte baisse du fait « de raisons imprévisibles », un salarié à lui le droit de prendre jusqu’à quatre semaines d’absence payées en cas de virus… Quant au gouvernement, il est à la fois un peu arbitre et un peu joueur car c’est vers lui que se tournent les partenaires sociaux dans ces cas de blocage fort mais c’est aussi lui qui a le pouvoir d’imposer une décision lorsqu’il le souhaite. Rappelons par ailleurs que le salaire minimum se monte à 4 800 kyats par jour (environ 3 euros) et qu’une hausse de ce tarif est actuellement en négociation, même si, avec la situation actuelle, ces négociations sont au point mort.

Pas de réouverture d’usine sans des conditions sanitaires satisfaisantes

Certains employeurs ont résolu le problème en mettant la clef sous la porte sans prévenir et en disparaissant avec tous les actifs dont ils disposaient. Un phénomène observé en début de crise dans des usines mal gérées où les conflits sociaux étaient déjà nombreux et les affaires peu florissantes. D’autres employeurs ont juste décidé qu’ils étaient les patrons et qu’à ce titre, ils faisaient juste ce qu’ils voulaient, et fi des conditions sanitaires. Car appliquer la distance physique est coûteux et de plus dans la plupart des usines les normes d’hygiène et de sécurité, concepts nouveaux en Birmanie, sont peu respectées, comme d’ailleurs un peu partout dans les pays pauvres dont la main d’œuvre est bon marché. L’une des causes majeures des conflits sociaux est l’ignorance du code du travail par de très nombreux employeurs, son non-respect par beaucoup même lorsqu’ils en ont connaissance et l’importante marge d’interprétation que les lois sur l’emploi laissent à chacun. Dans de nombreuses usines, les « pratiques managériales » relèvent de celles qui régnaient en France ou en Grande-Bretagne au 19ème siècle… 

Sans doute conscient de la délicatesse de la situation, et inquiet de voir se propager le Sars-nCov-2, le gouvernement fédéral a annoncé que toutes les usines du pays devront rester fermées entre le 20 et le 30 avril et se soumettre à une inspection et une désinfection afin de limiter les risques de contamination du Covid-19. Les services de vérification commenceront par les usines produisant des médicaments, de la nourriture ou encore employant plus de 1 000 personnes.

De son côté, le gouvernement régional de Yangon a fait savoir par la voix de sa ministre de l’Immigration et des Ressources Humaines, Daw Moe Moe Su Kyi, que « employeurs et employés ont l’obligation de trouver un accord sur les conditions de travail dans les usines, sans quoi celles-ci ne pourront pas rouvrir pour l’instant ». La ministre a insisté pour que « les négociations se fassent de bonne foi et que personne ne cherche à tirer avantage de la situation, qui est déjà suffisamment critique comme cela. Ce qui compte avant tout est la santé et la sécurité sanitaire de tous ». La région de Yangon compte 6 632 usines, pour plus de 680 000 salariés.

Des usines qui reprennent malgré tout

La présidente de la Fédération internationale des travailleurs en Birmanie, Daw Khine Zar Aung, a immédiatement abonde dans le même sens, estimant que pour éviter des déplacements dangereux et les dortoirs archipleins où s’entassent les ouvriers, ceux-ci devraient « percevoir des indemnités pour se loger et se nourrir. Les propriétaires ont de fortes marges de négociations s’ils le souhaitent ». Ce qui ne semble pas être l’avis de certains des dits propriétaires puisque dans quatre usines de fabrication de sacs, plus de 1 300 ouvriers refusent actuellement de reprendre le travail au vu des conditions sanitaires. Dans l’un des établissements, 323 salariés ont été licencié « pour une absence de plus de 10 jours qui a créé des difficultés dans l’organisation du travail ». Un argument assez étonnant puisque les congés de Thingyan couvraient plus ou moins dix jours et que la reprise des usines est interdite… Mais les faits sont têtus et malgré l’ordre de fermeture, entre 20 à 30 usines avait rouvert dès le 20 avril, peut-être parce qu’elles n’avaient pas encore reçu l’instruction de rester fermées.

La région de Bago, moins industrialisée mais qui cherchent justement à développer cet aspect de son économie, a, elle, coupé court à toute tergiversation : à part celles travaillant pour l’Etat sur des projets impératifs, les usines ne pourront rouvrir qu’après le 30 avril, et les salaires seront versés aux salariés mis ainsi au chômage technique, « suite à une négociation entre le gouvernement régional et les employeurs » a déclaré un représentant de la région.

 

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