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La spéculation pointe son nez au temps du Covid-19

Le riz, aliment de base des Birmans et sujet à spéculation depuis le début de la crise du coronavirus en BirmanieLe riz, aliment de base des Birmans et sujet à spéculation depuis le début de la crise du coronavirus en Birmanie
Le riz, aliment de base des Birmans et sujet à spéculation depuis le début de la crise du coronavirus

« Jouer le marché, c’est violer la loi » : sous ce titre peu libéral au sens économique du terme, le quotidien d’état The Global New Light of Myanmar publiait son « Opinion » du 1er avril 2020. Poisson d’avril ou pas, violer la loi n’a jamais était une crainte des spéculateurs, que ce soient les grandes banques comme HSBC – si souvent condamnée pour blanchir de l’argent sale – ou le marchant de rue birman qui pour une fois à l’occasion de mieux gagner sa vie… même si c’est au détriment d’un autre. Le marché… Car n’en déplaise à l’éditorialiste de The Global New Light of Myanmar, la loi de l’offre et de la demande s’applique aussi en Birmanie, aussi partielle et partiale soit-elle.

C’est ainsi que ces derniers jours, des aliments courants pour les Birmans, comme le poulet et les œufs, ont vu leurs prix augmenter sensiblement, d’environ 20% dans certains endroits, avec une demande de plus en plus forte, liée à l’inquiétude de manquer en cas de décision de confinement général dans le pays. Malgré les dénégations régulières des autorités qu’un tel confinement se fera, la population demeure dubitative et préfère prévoir. « Il est difficile d’estimer ce qui relève de l’augmentation normale des produits du fait des surcoûts dus à la logistique plus difficile et à la plus forte demande, du surcoût abusif que certains imposent. Donc il nous est difficile d’intervenir sans une plainte claire que nous pouvons vérifier », reconnaît le patron de la Direction de la consommation (DC) U Swe Tint Kyuu.

Une association assure des ventes à prix presque coûtant

C’est pourquoi le directeur de la DC encourage-t-il ses concitoyens à dénoncer les abus auprès de n’importe lequel des 48 centres d’information et de doléances des consommateurs à travers le pays. « Nous enquêterons sur chaque plainte, et les contrevenants seront punis selon la loi, c’est-à-dire d’une peine de prison allant de six mois à trois ans de prison fermes et à une amende ne pouvant excéder 500 000 kyats (de l’ordre de 335 euros) », affirme-t-il. D’ailleurs, le ministère du Commerce a pris les devants, rappelant que la loi sur les biens essentiels incluait dans ceux-ci « les équipements médicaux, les médicaments, la nourriture ». Selon U Swe Tint Kyuu, « deux plaintes ont déjà été déposées à Nay Pyi Taw et nous sommes en train de prendre les mesures nécessaires dans ces deux cas ». Une ménagère birmane confie cependant que « on peut encore trouver du poulet à prix correct mais plusieurs petits marchés locaux ont fermé alors bien sûr cela fait monter le prix. Le plus dur, c’est la nourriture peu périssable, comme le riz, les oignons, les œufs. Les gens se précipitent pour acheter et les prix montent. J'ai même vu des gens se battre pour acheter ».

Malheureusement, la population la plus vulnérable à cette spéculation, à savoir les plus pauvres, vivants à la périphérie des grandes villes ou aux fins fonds des campagnes, n’est pas familière des structures administratives et ignorent en général vers qui se tourner légalement pour se défendre. Le réflexe est donc d’aller soit au poste de police – où le plaignant rencontre en règle générale la même ignorance, la plupart des policiers ne maîtrisant pas non plus les arcanes administratifs -, soit auprès du chef de district, dont les fonctionnaires connaissent mieux les principes du service public mais qui sont en général peu populaires, leurs concitoyens en ayant peur et pensant que la plupart d’entre eux sont corrompus, sans que cela soit objectivement prouvé mais la perception est suffisante pour ôter l’envie au plus grand nombre de se plaindre auprès d’eux. Dans certains villages du nord de Yangon, le prix des produits a ainsi doublé en deux jours. Dans des pharmacies, les médicaments comme l’alcool ou des gants de caoutchouc sont devenus prohibitifs. Dans certaines franchises de « Convenience store » de Yangon, des masques faciaux ont été vendus à 9 000 kyats le masque (environ 6 euros) dans un pays dont le salaire minimum journalier, pas toujours respecté loin de là, se monte à 4 800 kyats. De quoi susciter un déferlement de colère sur Facebook contre les profiteurs, photo du masque avec prix à l’appui !

La plupart des grandes enseignes jouent elles le jeu, comme la chaîne de supermarchés City Mart où les prix sont restés inchangés et qui se contente de limiter les emplettes de ses clients lorsque les quantités misent dans le caddy deviennent vraiment considérables. D’autres préfèrent s’organiser de manière associative… C’est ainsi que le mouvement « Nous aimons Okkalapa Sud » a procédé dans ce quartier de Yangon à des ventes de produits de première nécessité (riz, œufs, huile…) à prix presque coûtant afin de tuer dans l’œuf toutes velléités de spéculation chez les marchands locaux. C’est la quatrième fois que ce groupe prend cette initiative depuis le début de la crise du coronavirus.

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