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La situation se détériore encore dans le nord de l’Arakan

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Le camp de réfugiés de Yatchaung sous les eaux
Écrit par Rédaction lepetitjournal.com Birmanie
Publié le 14 juillet 2020, mis à jour le 15 juillet 2020

Bombardements, pillages, inondations, moustiques… Pas les douze plaies d’Egypte mais les multiples calamités d’Arakan, où des centaines de milliers d’individus survivent dans le drame quotidien.

Dans un rapport très détaillé et argumenté rendu public le 8 juillet, Amnesty International accuse l’armée régulière birmane, la Tatmadaw, d’avoir pratiqué des frappes aériennes « aveugles et sans discrimination » qui ont provoqué la mort de nombreux civils. L’ONG de défenses des droits humains parle de « crimes de guerre » et appelle à poursuivre l’armée birmane devant la justice internationale. La presse ethnique birmane est aussi ces derniers jours remplie de photographies de victimes de bombardements ou de tirs d’artillerie ainsi que de témoignages de la violence des attaques. Et ces deux dernières semaines plus de 26 000 personnes ont dû fuir leurs villages et leurs maisons suite à une annonce par le parlement arakanais que la Tatmadaw allait procéder à des opérations de « nettoyage » dans la région de Rathedaung, l’une des plus concernées par les affrontements entre les militaires birmans et le mouvement combattant Armée de l’Arakan (AA). L’armée régulière birmane a certes fait savoir qu’elle n’avait aucune intention de conduire de telles opérations de « nettoyage » - parlant de désinformation conduite par l’AA, merci pour le parlement arakanais élu par la population – mais les villageois n’ont pas tenu compte de ce démenti et ils ont continué à fuir.

Il faut bien reconnaître que les agissements des soldats n’incitent pas vraiment la population à la confiance. Une femme de 36 ans, grand-mère, a ainsi déposé plainte contre trois soldats au poste de police de Sittwe, la principale ville de la région, pour viol. Sa plainte et sa déposition ont été acceptées par la police. La femme raconte à Radio Free Asia (RFA) que le 30 juin, alors qu’elle et ses quatre enfants essayaient de s’abriter contre les obus qui tombaient sur son village, un détachement d’infanterie l’a arrêtée et amenée à un poste de contrôle, où elle a ensuite été violée à plusieurs reprises par trois soldats. Elle a vu les insignes sur les uniformes et a pu dire avec détail à quelle unité les soldats appartiennent. L’une de ses filles a échappé au même sort juste parce qu’elle avait donné naissance juste six jours plus tôt, a-t-elle expliqué. La Tatmadaw a fait savoir qu’elle avait mené une enquête sur ces affirmations et que les enquêteurs avaient trouvé des preuves que l’histoire était fausse. Preuves qu’elle n’a pas rendues publiques, il va falloir la croire sur parole…

Pillages et inondations

Dans le même temps, des pillages dans les villages abandonnés ont été rapportés. A Shay Yar Taw, par exemple, une trentaine de maisons ont été vidées de tout ce qui avait un peu de valeur. Une épicerie a ainsi été dévalisée par des soldats, selon les quelques personnes interrogées par les médias locaux, dont un témoin direct arrêté puis relâché par l’armée. Et ce qui n’a pas été emporté a été détruit, déplorent les victimes, qui se lamentent en reconnaissant qu’elles n’ont aucun recours et que de toute façon, comme le confesse l’une d’elle, « les officiers diront que tout est faux et cela n’ira pas plus loin ». Un député local, qui appartient au parti d’opposition Parti National Arakanais, fulmine : « Le gouvernement a le devoir de protéger les personnes et leurs biens. Il devrait faire quelque chose contre ces exactions. Mais rien ! »

Et comme si la détresse des réfugiés n’était pas encore assez grande, les pluies continues sont venues ajouter aux calamités du moment. Certains camps de déplacés sont désormais inondés et les gens y survivent les pieds dans l’eau. Au camp de Yatchaung, qui accueille environ 400 personnes, les plus fragiles ont été relocalisées dans des monastères ou des maisons privées des alentours. Un témoin raconte que « le riz et de nombreux aliments obtenus par des dons ont été emportés ou souillés. De toute manière, avec l’eau, il n’y a plus moyen de cuisiner dans le camp ».

Des élections sous très haute tension

Sans compter l’aléa supplémentaire des moustiques et des maladies qu’ils répandent. Et là, ce sont les moustiquaires imprégnées qui font défaut. Plusieurs administrateurs de camps d’urgence établis pour accueillir les villageois fuyant les combats expliquent que les approvisionnements sont difficiles et que les moustiquaires sont inexistantes. « Nous allons devoir faire face à une explosion des cas de dengue et de paludisme et nous sommes totalement démunis », constate désespéré l’un de ces responsables de camps. « Cette année, nous avons reçu moins de matériels, et notamment pas de moustiquaires, sans doute parce que les fonds sont allés à la lutte contre la Covid-19 », poursuit-il. Le nombre total de réfugiés dans l’Arakan est aujourd’hui estimé à quelque 200 000 individus.

Dans ce contexte particulièrement sensible, pas étonnant que la Ligue Nationale pour la Démocratie ait du mal à trouver des candidats pour se présenter dans les circonscriptions de l’Arakan. Leurs chances d’être élus sont de plus en plus mince, et être aujourd’hui associé au parti au pouvoir national devient de plus en plus dangereux dans l’Arakan, avec des risques d’enlèvements ou de meurtres. Et comme les candidatures de plusieurs responsables du principal parti local d’opposition, le Parti National Arakanais, ont été invalidées ou alors les députés ont été arrêtés par la Tatmadaw, le scrutin du 8 novembre prochain ne servira malheureusement pas de juge de paix, comme cela serait le cas dans une démocratie.

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