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Le Covid-19 soulève un conflit entre éducation et blasphème

La composition que des intégristes bouddhistes jugent blasphématoire en BirmanieLa composition que des intégristes bouddhistes jugent blasphématoire en Birmanie
La composition que des intégristes bouddhistes jugent blasphématoire
Écrit par Rédaction lepetitjournal.com Birmanie
Publié le 5 avril 2020, mis à jour le 5 avril 2020

L’anecdote donne envie de pleurer devant tant d’ignorance et de haine mais elle a surtout un aspect décourageant lorsque ce genre de comportement vindicatif intervient dans un moment de crise économique et sanitaire où toutes les initiatives positives devraient être encouragées… Des intégristes bouddhistes ont déversé leur fiel sur le travail d’un groupe d’artistes de rues de Myitkyina, menés par le peintre Zayar Hnaung, qui ont réalisé une peinture murale allégorique représentant des soignants essayant de tirer la planète Terre des griffes de la Mort et de son coronavirus. Selon les artistes, l’œuvre n’a pour but que de susciter ou renforcer la prise de conscience des populations face à l’épidémie qui arrive en Birmanie et qui a déjà tué par dizaines de milliers à travers le monde.

Mais voilà, aux yeux de ceux qui voient le mal partout – et parmi ceux-là les intégristes religieux de tout poil figurent toujours aux premiers rangs -, il est toujours possible de trouver à redire… Ici, c’est la couleur du manteau de la Mort qui n’a pas plu… Des individus se disant bouddhistes – mais n’ayant manifestement jamais pris le temps de lire les textes ou de réfléchir à leurs contenus – ont attaqué après que les artistes ont montré des photos de leur œuvre sur Facebook. En cause, la couleur du tissu couvrant la Mort, couleur jugée par ces intégristes comme trop proche de celle de la robe des moines bouddhistes birmans. Déferlement de haine et de menaces, avec la note conspirationnisme sans laquelle la bêtise ne serait jamais authentique : des internautes conspuant l’œuvre ont même suggéré que le peintre principal est « un pasteur chrétien envoyé sur place pour s’attaquer au bouddhisme ! ».

La censure religieuse, un enjeu politique en Birmanie

Que des individus à la rationalité limitée et à la haine farouche se laissent aller est désagréable mais que les autorités les suivent devient inquiétant. C’est malheureusement ce qui est advenu : appelée à sanctionner l’artiste par quelques-uns des intégristes, la Direction des affaires religieuses a décidé d’inculper Zayar Hnaung pour « insulte à la religion », selon l’article 295(a) du Code pénal, qui prévoit une peine maximale de deux ans de prison.

Pourtant, entre-temps, le peintre a retiré les images de sa page Facebook, avec un texte d’excuses dans lequel il explique qu’il est de confession bouddhiste, que la couleur choisie pour le tissu de la Mort est un rouge et que ce qu’il a voulu représenter est juste le combat des soignants contre le coronavirus, que pour lui « alors que ce virus tue des milliers de gens partout dans le monde, il me semble important que chacun se mobilise à sa manière pour lutter contre. Cette œuvre d’art a juste pour objectif d’interpeller les passants, de les éduquer, de leur montrer les ravages de la Mort sur le Monde avec son virus ».

De manière regrettable pour les artistes, tous les esprits ne sont pas faciles à éduquer, certains sont même très résistants, et Zayar Hnaung sera donc jugé pour blasphème. L’œuvre elle a a déjà été recouverte d’une couche de peinture. Le blasphème en Birmanie est un sujet particulièrement sensible lorsque la religion en jeu est le bouddhisme – pour les autres confessions, il ne crée au mieux aucun tracas – et dans certains états, dont le Kachin avec un tiers de la population chrétien, les oppositions religieuses deviennent un terrain de conflit politique.

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