Le 21 juin 2019, l’accès à internet était coupé dans neuf circonscriptions des états de l’Arakan et du Chin : Maungdaw, Buthidaung, Myaybon, Kyauktaw, Minbya, Mrauk-U, Ponna Gyun et Rathetaung dans l’Arakan, Paletwa dans le Chin, privant ainsi la population de toutes sources d’informations indépendantes. La raison invoquée, et en partie réelle, pour cette coupure : isoler les forces de la rébellion de l’Armée de l’Arakan (AA) et gêner ses transmissions et ses communications. Mais en privant l’AA de connexion, la coupure empêchait aussi les journalistes de faire leur travail et de raconter ce qui se passait dans cette guerre civile sans merci.
Notamment, des civils et des parlementaires ont régulièrement dénoncés de nombreuses exactions commises par des militaires réguliers de l’armée birmane, sans que cela puisse être correctement documenté ni par les médias, ni par les ONGs, tous interdits de se rendre sur place et empêché de collecter et recouper des informations du fait de l’absence de réseau. Une politique du gouvernement et de l’armée qui se retourne au final contre eux, avec la mort d’un chauffeur de l’OMS transportant des échantillons à analyser dans la lutte contre le Covid-19 qui peut être imputée tant à l’AA qu’à l’armée régulière (la Tatmadaw), laquelle faute de témoins indépendants crédibles se retrouve au rang des suspects malgré ses dénégations véhémentes. Cerise sur le gâteau gâté, la rapporteure spéciale de l’ONU sur la situation des droits humains Yanghee Lee fait état de disparitions, tortures, exécutions extra-judiciaires et de privations de soins et d’aide humanitaire. La situation est telle la Sud-Coréenne a demandé la semaine dernière l’ouverture d’une enquête sur de « possibles » crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
A cette situation diplomatique déjà déplaisante s’ajoutent les accusations contre le gouvernement birman de priver les populations du nord de l’Arakan et du sud du Chin des informations nécessaires pour se défendre contre le Covid-19. Ce que certains assimilent à de la discrimination et qui entache encore plus la crédibilité de Nay Pyi Taw dans ses affirmations que toute la nation est traitée de la même manière.
C’est donc sans doute sous cette pression internationale extérieure, et peut être aussi sous des pressions intérieures, que le gouvernement fédéral birman a fini par rétablir l’accès à internet dans la ville de Maungdaw le 2 mai dernier vers 10h du soir. La veille, U Zaw Htay, porte-parole du gouvernement et directeur général du cabinet de la conseillère d’état Aung San Suu Kyi, avait annoncé que internet serait effectivement rétabli dans une circonscription, sans dire laquelle. Le ministère du Transport et des Communications a pour sa part confirmé que ce rétablissement avait pour objectif « de permettre à l’information sur le Covid-19 de circuler dans une zone ou les combats étaient désormais moins nombreux ». Jusqu’ici, cette information arrivait aux habitants à travers la voix des administrateurs de villages qui eux-mêmes recevaient des messages sur leurs téléphones.
Il semble toutefois que seul l’opérateur télécom d’état MPT a pour l’instant rétabli son service internet à Maungdaw. Dans la circonscription voisine de Buthidaung, il est parfois possible d’attraper le signal de l’opérateur Ooredoo, mais mal. Le 1er septembre dernier, le service internet avait déjà été rétabli dans quatre circonscriptions de l’Arakan et dans celle de Paletwa, dans le Chin. Avant que la coupure ne soit imposée à nouveau le 3 février 2020.