Il est à la Une de nombreux journaux et sites internet de Birmanie : Sithu Maung, 33 ans, nouveau député de la circonscription de Padeban, laquelle compte 30 000 votants et se situe dans le centre de Yangon, à l’ouest de la pagoda Sulé et inclue le célèbre marche Bogyoke Aung San. En soi-même rien d’exceptionnel… Si ce n’est que Sithu Maung est le premier député ouvertement musulman à être élu au parlement birman depuis la fin officielle de la dictature militaire. Il ne sera pas le seul représentant de sa religion parmi les députés puisque Win Mya Mya, 71 ans, a elle gagne sa circonscription à Mandalay. Ces deux nouveaux venus au Parlement ont été élus sous l’étiquette de la Ligue Nationale pour la Démocratie, et leur nomination comme candidat du parti majoritaire. D’un autre côté, la LND ayant dans un premier temps fermé les yeux sur les exactions des militaires birmans contre des musulmans dans l’Arakan, puis dans un deuxième temps ayant cherché à couvrir et justifier ces exactions, le parti se devait de montrer qu’il conservait un certain pluralisme alors qu’environ 4% de la population de Birmanie seraient de confession musulmane. Soutenir deux candidats –une femme, un homme – faisait donc sens dans pour restaurer un verni d’ouverture.
Les deux choix sont indéniablement pertinents car ceux de deux personnalités exceptionnelles. La première déclaration de Sithu Maung a d’ailleurs été qu’il « défendra tous les fidèles de toutes les religions de la même façon, avec une attention particulière pour ceux qui sont discriminés ou font face à l’oppression et à des atteintes à leurs droits humains ». Même sans évoquer la crise de l’Arakan depuis 2017, il est un fait en Birmanie – comme dans beaucoup d’autres pays du monde - que les musulmans sont perçus comme une menace plus forte que d’autres religions minoritaires et que, en Birmanie toujours, ils subissent souvent au quotidien des vexations ou des discriminations. Sithu Maung lui-même a par exemple dû attendre plusieurs années avant de recevoir une carte d’identité, qui le définit par ailleurs et par écrit comme « sang mêlé », un label qui garantit à son porteur de longue file d’attente dans toutes les administrations, des refus non motivés des droits civils et de nombreuses tracasseries administratives qui se résolvent la plupart du temps uniquement par quelques milliers de kyats de la main à la main…
Mais le nouvel élu y puise une force et une expérience qui le rendront, pense-t-il, plus à même de mieux servir la population : « J’ai le cuir épais désormais, et je comprends ce par quoi les plus fragiles passent et subissent. Je serai donc à même de transcrire et transmettre cette connaissance auprès de mes collègues députés ».