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Philippe Rivet-Paume, gardien de la mémoire des « Anciens du Liban »

parachutiste Rivet-Paume - Liban - Frégate 1983parachutiste Rivet-Paume - Liban - Frégate 1983
Philippe Rivet-Paume
Écrit par Hélène Boyé
Publié le 21 janvier 2019, mis à jour le 21 janvier 2019

Cet ancien parachutiste français, qui a effectué deux missions au Liban pendant la guerre civile, tient un groupe Facebook, les « Anciens du Liban », qui rassemble militaires, gendarmes et policiers qui, comme lui, gardent un souvenir fort de leur passage au Liban.
 

Philippe Rivet-Paume a tout juste 18 ans lorsqu’il débarque pour la première fois au Liban. Il s’est porté volontaire pour une mission de six mois au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), déployée dans le sud du pays depuis sa création en 1979. Le jeune appelé est en poste à Naqoura. Sa première rencontre avec le Liban a eu un effet « waouh », comme il dit lui-même. « Ce mélange d’Orient et d’Occident et l’accueil des gens m’ont fasciné », se souvient le jeune soldat.
 

De retour en France, il s’engage dans l’armée. Originaire du sud-ouest de la France, Philippe Rivet-Paume devient para au 3ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMA) de Carcassonne. En septembre 1983, le 3eme RPIMA est appelé pour participer à la Force Multinationale de Sécurité à Beyrouth (FMSB), une force militaire principalement composée de soldats français, britanniques et italiens, dans le cadre de l’opération Diodon IV. Le para est « tout heureux de revenir » au Liban, raconte-t-il.

Le rond-point de Tayouneh - 1983
Le rond-point de Tayouneh - 1983
Photo : Philippe Rivet-Paume

Pour sa deuxième mission, Philippe Rivet-Paume est basé à Beyrouth. La compagnie à laquelle il appartient s’installe dans le secteur stratégique de Tayyouneh. Le caporal Rivet-Paume est affecté au poste « Goélette », dans le quartier de Badaro. Les postes voisins « Cotre » et « Chalutier » sont installés autour du rond-point. Les 40 postes de Diodon IV portent tous des noms de bateaux. Le poste de commandement du 3ème RPIMA, baptisé « Frégate », est installé à l’ancien stade Armand du Chayla – le nom du premier ambassadeur de France après l’indépendance du Liban – situé rue de Damas, sur la « ligne verte » de démarcation entre Beyrouth-Ouest et Est.

Au quotidien, le caporal fait du renseignement, effectue des patrouilles à pied ou en véhicule, et fait de l’instruction auprès de l’armée libanaise. Le para a le contact facile. Il est sous le charme de l’hospitalité libanaise, et se souvient de « la chaleur des gens, le café, les man'ouché offerts ».
 

Poste Goélette  et Frégate
Poste Goélette et Frégate - Photo : Philippe Rivet-Paume


Le Liban s’enfonce dans la guerre civile. La FMSB, qui avait pour but de restaurer l'autorité du gouvernement libanais et d’assurer la sécurité des populations civiles, se retrouve dans l’œil du cyclone. L’armée française devient une cible. « Tous les jours, ça cartonnait entre Amal et l’armée libanaise », se souvient le para.

Drakkar 1983
Attentat du Drakkar
Photo : Philippe Rivet-Paume

Et puis il y a eu les deux attentats visant les soldats américains à l’aéroport de Beyrouth et les soldats français au poste Drakkar, le 23 octobre 1983. « C’était un dimanche, le jour de la corvée des croissants. J’entends une explosion à six heures du matin. Dans notre immeuble, on avait du plastique aux fenêtres. Tout a volé en éclats. On est sortis et on a vu une immense colonne s’élever. Une deuxième explosion retentit. A la radio, on nous informe que le Drakkar n’existe plus », raconte le caporal Rivet-Paume. Le travail de déblaiement sans relâche dure plusieurs jours. « Sortir les corps les uns après les autres…Les jours passant, une odeur aigre-douce se dégage des décombres. On s’en souvient tous », raconte-il. L’attentat du Drakkar tue 58 soldats français et fait 15 blessés. C’est la journée la plus meurtrière pour l'armée française depuis la guerre d'Indochine.

Deux mois plus tard, deuxième choc. Le 21 décembre 1983 à 18h30, un camion fonce sur le PC Frégate par la rue Habib Pacha El Saad. Son chauffeur saute en route et est récupéré par des complices en voiture. A l’entrée, le soldat Phillipe Chabrat donne l’alerte mais n’a pas le temps de tirer. Le camion franchit les merlons et explose. Le soldat Chabrat est tué sur le coup par l’effet de souffle. La charge de 300 kilos d’hexogène a laissé un énorme cratère et fait des dégâts considérables dans le quartier. 16 paras français sont blessés, dont neuf grièvement. 14 civils libanais sont tués et 12 sont blessés. Avec son capitaine, le soldat Philippe Rivet-Paume est dépêché immédiatement sur place. Il fixe sur pellicule les images de l’attentat.
 

attentat Frégate 193 Beyrouth
Photo : Philippe Rivet-Paume


Philippe Rivet-Paume quitte le Liban en février 1984. « Malgré les moments difficiles que j’ai vécus, j’ai adoré le Liban parce qu’on ne peut que tomber amoureux de ce pays. Le Liban est un pays qui me tient à cœur », souligne-t-il.

23 ans plus tard, comme si c’était écrit, Philippe Rivet-Paume renoue avec ce Liban qu’il n’a pas oublié. Passé dans le civil, il travaille dans la sécurité. Il voyage beaucoup, en Afrique surtout. En 2006, un ami l’informe qu’un poste de chargé de protection du délégué de l’Union européenne à Beyrouth pour une mission de deux ans. « Là, je dis bingo ! », raconte Philippe Rivet-Paume. Il débarque dans un Beyrouth reconstruit après la guerre. Dès les premiers jours, il revient à Tayyouneh. Le quartier a beaucoup changé mais il retrouve les postes Goélette et Chalutier. L’émotion monte. « Je marche sur mes propres pas. Qui aurait dit que je reviendrais un jour ? », confie-t-il.

Son attachement au Liban se renforce durant ces deux années car il rencontre celle qui deviendra son épouse. Le Liban devient son « pays d’adoption ». Tandis qu’il enchaîne les missions aux quatre coins du monde les années suivantes, une idée germe : organiser un voyage au Liban pour les anciens soldats, gendarmes et policiers ayant servi au Liban. En 2014, il crée un groupe Facebook, les « Anciens du Liban ». Tous ceux qui sont passés par le Liban pendant ces années de guerre gardent un souvenir fort du pays du Cèdre. Ils y partagent leur expérience, photos et coupures de journaux que Philippe Rivet-Paume répertorie soigneusement. Dans ce groupe des amitiés se sont créées. Certains ont effectué un voyage au Liban, avec femme et enfants, pour voir comment le pays avait changé.

Membre de l’Amicale des anciens combattants français au Liban, c’est à lui qu’on a fait appel lors de la cérémonie des 30 ans de l’attentat du Drakkar, le 23 octobre 2013. C’est lui qui a scandé « Mort pour la France » à chaque nom de soldat énoncé. Depuis plusieurs mois, Philippe Rivet-Paume planche sur un projet, l’apposition d’une plaque commémorative en hommage au soldat Philippe Chabrat au Lycée français d’Achrafieh, construit à l’endroit où se trouvait le poste Frégate en 1983. « C’était le PC de mon régiment. Ça aurait pu être moi ce jour-là », confie-t-il.

 

Page Facebook "Anciens du Liban" https://www.facebook.com/groups/992206210806528/

 

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