Avocat de profession, auteur d’une trentaine de livres traduits dans une douzaine de langues, responsable de L’Orient littéraire, Alexandre Najjar est né à Beyrouth en 1967. Considéré comme l’une des figures majeures de la littérature libanaise francophone, il a déjà à son actif deux pièces de théâtre remarquées : Le Crapaud, mise en scène par Berge Fazlian, et L’Inattendue, mise en scène par Lina Abyad. La troisième Monsieur Béchara débute sur les planches du théâtre Monnot le 24 avril.
D’où vous vient votre intérêt pour le théâtre ?
Enfant, je créais des pièces de théâtre que j’interprétais avec mes frères, ma sœur et mes cousins. Je me suis ensuite intéressé aux grands dramaturges, notamment Shakespeare, Molière, Brecht, Anouilh, Schéhadé, Camus, Ionesco et surtout Samuel Beckett à qui j’ai consacré une étude et qui m’a inspiré un roman encore inédit. Je suis de près le théâtre contemporain, dont celui de mon talentueux compatriote Wajdi Moawad, et je viens de terminer l’adaptation au théâtre de mon dernier roman Harry et Franz. Enfin, ma rencontre avec le grand metteur en scène Berge Fazlian a été déterminante. Comme son ami Jalal Khoury, il était habité par le théâtre et leur passion était communicative !
Comment définiriez-vous votre théâtre ?
Si l’on excepte l’adaptation de Harry et Franz, mes trois autres pièces, dont Monsieur Béchara, sont des pièces satiriques, à la fois comiques et graves, inspirées de la réalité libanaise : dans Le Crapaud, j’ai dénoncé la censure et les dérapages de la justice ; dans L’Inattendue, j’ai abordé le thème de l’adoption et celui de l’hypocrisie au sein de certaines familles qui cachent leurs secrets « comme la poussière sous le tapis » ; alors que Monsieur Béchara se moque des esprits bornés et des préjugés de la société, et évoque la transgression, la liberté d’aimer, la passion aveugle, le désir destructeur et les apparences trompeuses...
Dans mes pièces, bien qu’elles soient écrites dans la langue de Molière, je mélange volontiers les formules en arabe avec les répliques en français pour mieux coller à notre réalité libanaise...
Comment avez-vous eu l’idée de cette pièce ?
Deux histoires vraies m’ont inspiré : l’histoire d’amour entre une chanteuse libanaise célèbre et un vieux comptable qui s’est ruiné pour ne pas la perdre ; et la plaidoirie d’un confrère qui, au cours d’un procès, a affirmé au juge, le plus sérieusement du monde, que le prévenu, un professeur de philosophie, devait être considéré comme « subversif » et condamné, sous prétexte qu’il utilisait en classe des textes de Jean-Paul Sartre destinés à « dévergonder » la jeunesse !
Choqué par cette démonstration hasardeuse, le juge lui a alors répliqué avec ironie : « Alors, comme ça, tout est de la faute de Jean-Paul Sartre ? » (Heyk lakén, tole3 kel el haq 3a Jean-Paul Sartre !) C’était tellement surréaliste que je me suis juré d’exploiter un jour cet épisode cocasse !
Enfin, j’ai toujours été frappé par la fascination de certains grands intellectuels pour des actrices qui, a priori, appartenaient à un autre monde qu’eux. Je pense en particulier à Arthur Miller et Marilyn Monroe, Romain Gary et Jean Seberg, Albert Camus et Maria Casares, sans parler du couple BHL/ Dombasle...
Le grand romancier italien Alberto Moravia a même publié en 1961 un dialogue avec Claudia Cardinale où il l’interroge sur la beauté et le corps. Il lui pose des questions très curieuses du genre : « Comment sortez-vous de votre baignoire ? De quelle manière vous fardez-vous les yeux ? » Un livre inattendu, qui en dit long sur la fascination que je viens d’évoquer...
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