

Don Juan personnage de fiction est devenu une légende qui se différencie toutefois de Casanova lequel, lui, a bien existé et laissé aux lecteurs ses mémoires.
Don Juan est né d’un fait divers rapporté par les Chroniques de Séville au XIVème siècle racontant l’histoire de Don Juan Tenorio, fils de l’amiral Alonso Jofre Tenorio, lequel aurait tué le commandeur Ulloa dont il avait séduit la fille. Don Juan est un personnage immoral qui séduit sans aimer et laisse ses conquêtes, désemparées et déshonorées.

Don Juan n’est pas Casanova
Alors que Casanova, à la différence de Don Juan ou de Valmont des Liaisons dangereuses, accepte de tomber amoureux, adore être subjugué, jouit de perdre le contrôle, Don Juan est un dissimulateur cynique et immoral qui séduit comme un “grand seigneur méchant homme” aimant en quelque sorte, de façon sadique, faire souffrir ses conquêtes. Il méprise la douleur de Doña Elvire délaissée et humiliée, ou celle d’un Pierrot qui tente de protéger sa Charlotte.

Molière le crée à partir de l’œuvre de Cervantès
Dès le début du siècle dernier, des études approfondies prouveraient que Molière aurait été inspiré par le roman de Cervantès Don Quichotte pour écrire Don Juan. Mais quels seraient les points de comparaison entre les deux personnages ? Don Quichotte, héros déniant la réalité, aveugle mais persuadé d’être clairvoyant, se réfugiant dans un monde imaginaire, combat de façon compulsive les moulins à vent et Don Juan, dont le besoin impérieux de séduire a pour finalité de se rassurer et de susciter de l’intérêt et de l’admiration chez toutes les femmes. Ces deux personnages, dans une quête sans fin, agissent de façon compulsive vers un destin tragique.

La psychologie de Don Juan
Le Don Juan ou le Festin de Pierre (1665) de Molière est prêt à donner “dix mille cœurs” et à “aimer toute la terre”. Pour lui “tout le plaisir de l’amour est dans le changement”, pour lui ce n’est nullement la prise qui l’intéresse mais la chasse, il ne redoute rien tant qu’une relation stable, et la personne même de la femme qu’il veut séduire ne l’intéresse pas. La démesure de ses ambitions repose en réalité sur une grande pauvreté affective, une incapacité à aimer, car “aimer toute la terre” revient à n’aimer personne. Ce n’est pas la sensualité qui prime, comme pour Casanova, chez Don Juan, mais l’orgueil et l’égocentrisme.

Gregorio Marañon, médecin, écrivain et penseur espagnol, cherche même à défendre la thèse selon laquelle Don Juan, contrairement aux idées reçues, se caractériserait par une virilité diminuée et, pour le démontrer, il aboutit au constat que “le physique du véritable Don Juan confirme son indécise virilité”.

Le mythe de Don Juan est international
Pourtant ce personnage haut en couleurs mais déviant a inspiré de nombreux créateurs comme Goldoni, Mérimée, Pouchkine, Byron, Dumas, Baudelaire en poésie, Montherlant et de très nombreux autres auteurs, musiciens, metteurs en scène, cinéastes, auteurs de bandes dessinées qui furent fascinés par cette figure. Don Juan, peut-être parce qu’il est transgressif, d’envergure à défier la morale, l’ordre public et Dieu, est devenu un mythe incontournable de la culture européenne. L’Espagne a fait naître Don Juan, mais tous les pays s’emparent de cet éternel séducteur sans morale.