On pourrait croire que Barcelone est devenue le paradis du bobo chic, ce spécimen urbain reconnaissable à son vélo vintage, son goût pour le café filtré au lait d’avoine et ses sneakers blanches qui coûtent un demi-loyer. C’est vrai que certains quartiers, Gràcia, El Born, Sant Antoni ; ressemblent désormais à des catalogues de brunchs écoresponsables et de concept stores. Mais attention : au-delà de cette carte postale “hipster friendly”, il existe encore des bastions de la Barcelone populaire, où l’avocado toast n’a jamais posé une miette, et où le latte oat est un concept aussi exotique qu’une raclette en plein mois d’août.


La Barceloneta
La mer attire tout le monde, y compris les influenceurs en quête de coucher de soleil pour leur story. Mais La Barceloneta, ce n’est pas seulement du sable et des selfies, c’est avant tout un quartier historique de pêcheurs, de retraités jouant aux dominos sur des tables en plastique et de familles installées là depuis des générations. Ici, pas question de commander un cappuccino au lait de coco : le carburant local reste la caña glacée servie en deux minutes chrono. Les barceletes (habitants du coin) aiment leur vie simple et leurs bars de quartier où les gambas grillées remplacent sans hésiter les tartines “vegan friendly”. Le bobo qui s’aventure jusqu’ici découvre une Barcelone bien vivante, bruyante, moite de sel de mer… mais loin, très loin, de son Pinterest lifestyle.
Sants
Sants, c’est une Barcelone qui refuse de se faire relooker par le marketing branché. Si Gràcia est devenu un plateau de brunch géant, Sants préfère rester un fief catalan à l’ancienne, où les bars sentent encore la tortilla et le vermouth du dimanche. Les terrasses sont remplies de familles, de supporters du Barça et de voisins qui se connaissent depuis trente ans. Ici, le coworking est remplacé par le bar de barrio, où le WiFi n’existe pas mais où l’on vous ressert une bière à un prix défiant toute start-up nation. Le bobo aurait du mal à justifier une story Instagram dans un décor où le mobilier n’est pas “vintage design”, mais simplement usé par des décennies d’usage. Résultat : Sants garde son charme populaire… et sa capacité à faire fuir les apôtres du quinoa.
Horta
Horta, c’est loin. Très loin. Pour le bobo, c’est presque une expédition en terre inconnue, un voyage aux confins de la ligne bleue du métro. Ici, pas d’expos contemporaines ni de bars à cocktails botanico-mystiques, mais des retraités sagement installés sur les bancs de la plaça, des familles qui partagent des sandwiches à l’omelette, et des ruelles où le temps s’écoule sans WiFi ni frénésie “arty”. Le quartier a gardé son air de village indépendant, comme si Barcelone ne l’avait jamais vraiment recouvert. Pour le brunch ? Oubliez. Le menu type, c’est truita de patata, pan con tomate, petit noir serré… et basta. Bref, la slow life, oui, mais sans branding dessus.
Poble-sec
Juste en dessous de Montjuïc, coincé entre les tentations “hipsterisantes” de Sant Antoni et les flots de touristes de Paral·lel, Poble-sec a conservé son âme de quartier populaire. Les rues sont encore remplies de bars traditionnels avec leurs menus du jour à 10 €, où le vin est servi dans des verres douteux, mais généreux. Les pinchos tiennent parfois plus de la science-fiction calorique que de la gastronomie raffinée : pain blanc, omelette, bacon, mayonnaise, tout ça coincé sous un cure-dents. Le bobo, amateur de nachos vegan et de burger aux pois chiches, ne survivrait pas à deux semaines de cette diète de survie graisseuse mais conviviale. Pourtant, le quartier respire l’authenticité, avec ses voisins qui s’interpellent en catalan et son ambiance de fête populaire dès que les rues s’animent. Pour le bobo chic, qui cherche une lumière néon design et des plantes suspendues, trop de vrai, tue le rêve.
Nou Barris
Enfin, le grand oublié des parcours touristiques, le quartier dont personne ne parle dans les guides stylés : Nou Barris. Ici se cache une Barcelone qui ne met pas de filtre Instagram : béton, longues allées, vie de quartier fidèle à ses habitants. Au lieu d’un café d’auteur à 3,50 €, on vous sert directement le cortado bien serré, accompagné de churros dégoulinant d’huile. Le bobo chic, peu habitué à ce vrai quotidien, repartirait vite se réfugier au Born ou à Gràcia. Mais Nou Barris reste une Barcelone accessible, moins chère, et surtout fondamentalement habitée par ceux qui n’ont pas suivi la vague spéculative. C’est un quartier sincère, qui ne fait aucun effort pour plaire à ceux qui calculent leur consommation en grammes de chia.
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