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Karim Joutet, du blog "Espagnol pas à pas", à Barcelone accueil

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Écrit par Alexandra Pichard
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 7 juin 2018

C’est au Pain Quotidien, un petit café où les Français ont l’habitude de se rejoindre, que nous donne rendez-vous Karim Joutet. Professeur agrégé d’espagnol, doctorant de la célèbre Casa de Velázquez, et secrétaire de Barcelone Accueil, association destinée à aider la communauté francophone de la ville, il détient différentes casquettes qui convergent toutes vers un même but : aider les expatriés français et leur transmettre son amour de la région. 

 

Venu d’abord en Erasmus puis en tant qu’assistant de langue dans le lycée Joan Fuster de Barcelone, il a toujours appris l’espagnol en Catalogne et aime passer du castillan au catalan. Plus jeune, il travaille tous les étés dans un "chiringuito" tenu par une famille d’Andalous à Roses et apprend la langue à leur contact. Mais pas seulement. En effet, Karim observe cette famille dont les parents, arrivés en Catalogne dans les années 1960, sont moins bien intégrés que leurs enfants, nés ici. Les spécificités de la migration espagnole en Catalogne le passionnent alors et il décide d’en faire sa thèse. Après avoir obtenu l’Agrégation d’Espagnol et enseigné dans le Secondaire, il obtient un contrat doctoral avec la Casa de Velázquez, prestigieuse école française qui compte un bureau à Barcelone, et qui soutient des projets artistiques ou scientifiques d’une durée de deux ans, qui s’intéressent tous à la culture hispanophone. En cotutelle avec l’Université Paris-Sorbonne et l’Université Autonome de Barcelone, il obtiendra donc à la fin de sa thèse le statut de docteur français mais aussi espagnol. "Le sujet de l’immigration me tient à cœur aussi en France, mais ce n’est pas pareil, en Catalogne la représentation que la population se fait de l’immigré a beaucoup évolué, car il passe de très mal vu à totalement intégré en quelques dizaines d’années", soutient-il. Un statut d’immigré espagnol qui semblait donc mis aux oubliettes, mais qui ressurgit dans l’actualité avec la question indépendantiste. "Quand j’ai commencé ma thèse, je ne me doutais pas que ça allait devenir un sujet d’actualité", admet-il.

 

C’est un avantage pour moi d’être français et d’étudier un thème hispano-catalan


 
Un travail de recherche qui lui ouvre les portes du milieu universitaire espagnol, très exigeant et pointu comme en France, et le confronte à une position parfois délicate. "C’est un avantage pour moi d’être français et d’étudier un thème hispano-catalan, car on ne peut pas me taxer d’être orienté pro-indépendance ou pro-Espagne, mais il a souvent des réticences de certains Espagnols qui ne sont pas très contents qu’un Français vienne mettre son nez dans leurs affaires. On m’a déjà dit d’aller plutôt étudier l’immigration en France", rappelle pour autant Karim, même si en règle générale, son objectivité est plutôt appréciée, sur un sujet très émotionnel comme celui de la migration. Sa cotutelle représente aussi sa double identité, avec une mère de culture méditerranéenne et un père de culture normande. 

 

Les gens pensent que les langues étrangères sont un don inné, mais non : cela nécessite juste de la volonté et de prendre confiance en soi

 

Mais même si la recherche le passionne, en arrivant à Barcelone, l’enseignement lui manque. Il crée alors sans prétention le blog "Espagnol pas à pas", où il donne des conseils et des techniques pour apprendre l’espagnol ("astuces et conseils d'un prof" annonce son site), à la fois pour continuer à donner des cours et pour que cela puisse servir de support à ses élèves à son retour en France. Mais de manière inattendue, se créée une véritable interaction avec les lecteurs et il décide de s’inscrire sur les réseaux sociaux, où il est suivi par 6.000 personnes sur Facebook et où il peut se targuer de regrouper 3.000 abonnés sur Youtube. Les élèves lui posent des questions, lui demandent d’aborder de nouveaux sujets : il se met à rédiger en fonction des courriers de ses lecteurs et se met même à la vidéo à leur demande. "Depuis tout petit, j’ai voulu être professeur, alors ce qui se reflète dans ce blog c’est ma passion de l’enseignement", explique-t-il. Mais avec la plateforme, il veut également faire passer un message : n’importe qui peut apprendre une langue. "J’ai eu une mauvaise note au Baccalauréat en espagnol et en classe prépa, mon professeur m’a demandé pourquoi j’avais choisi cette filière et m’a conseillé d’arrêter", ajoute-t-il encore. Pourtant, il s’accroche, voyage en Espagne pour pratiquer la langue et il est maintenant agrégé. "Les gens pensent que les langues étrangères sont un don inné, mais non : cela nécessite juste de la volonté et de prendre confiance en soi". D’ailleurs, il est très sollicité pour donner des cours par la communauté française et compte rester à Barcelone en septembre et vivre de sa passion de l’enseignement. 

 

Quand j’étais en Erasmus, je n’étais pas du tout au contact des Français, je les fuyais un peu

 

Et son blog lui vaut également d’être contacté par Barcelone Accueil pour donner bénévolement des cours d’espagnol aux Français qui s’installent et qui ne parlent pas encore la langue. Petit à petit l'enseignant s’implique et devient secrétaire élu de l’association, qui organise de nombreux événements destinés à la communauté francophone de Catalogne. Un engagement important pour lui, qui entend renouer avec la culture française, l’entretenir et la faire partager. "Quand j’étais en Erasmus, je n’étais pas du tout au contact des Français, je les fuyais un peu, mais maintenant que je suis installé ici pour longtemps, j’aime conserver cette culture et certaines fêtes que je célébrais en France", analyse-t-il, même s’il est également adeptes des traditions catalanes.  
Avoir plusieurs casquettes fait désormais partie de sa personnalité, lui qui a toujours aimé mener plusieurs projets à la fois. "Cela me permet de relativiser chaque domaine dans lequel je travaille. Quand je donnais des cours et que je faisais ma thèse en même temps, cela me permettait de prendre du recul sur les deux activités. Ça continue aujourd’hui et ça me permet de mieux me retrouver dans ce que je fais"… même s’il ne compte pas les heures de sommeil. 

https://espagnol-pas-a-pas.fr/

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