Depuis sa Bretagne natale jusqu'à la capitale catalane, Corentin Huon de Penanster s'est construit une vie artistique à laquelle il n'était pourtant pas destiné. Reconnu aujourd'hui notamment pour ses collages, le Français veut aussi partager son art à travers la réalisations d'œuvres personnalisées. Portrait.
Organisateur de conventions d'affaires, guide touristique, journaliste, directeur artistique, mannequin, acteur, écrivain, artiste... Si la vie de Corentin Huon de Penanster était une œuvre d'art, ce serait un collage. Forcément ! Car ce Français de Barcelone s'est fait une spécialité de ce type de compositions artistiques, expérimentées presque par hasard il y a plus de trente ans comme cadeau à un riche ami esthète auquel il ne savait quoi offrir. Le premier collage de Corentin Huon de Penanster a ainsi pris sa place au milieu d'une collection particulièrement riche, entre une des œuvres de Calder et de César.
Le premier collage de Corentin Huon de Penanster a ainsi pris sa place au milieu d'une collection particulièrement riche, entre une des œuvres de Calder et de César
On ne saurait mieux inaugurer une vocation. Trois décennies après, devenu maître dans l'art du collage, l'artiste s'étonnerait presque de ce début de parcours auquel il ne semblait pas destiné. Car son destin devait s'inscrire dans la plus pure tradition aristocratique d'une famille dont la noblesse est encore plus ancienne que son château familial de Kergrist, à Ploubezre, dans les Côtes d'Armor. "Mon grand-père m'appelait l'héritier de la couronne", précise-t-il sans rire, comme encore marqué par le poids de cet héritage. C'est d'ailleurs pour échapper en partie à ce fardeau du devoir reçu en partage que Corentin Huon de Penanster finit par rompre les amarres. Il s'éloigne du joug de l'emprise paternelle et de ce château qui a pris, au fil des ans, des allures de forteresse où le jeune homme se sent enfermé, empêché d'exprimer une sensibilité et une créativité emmurées dans un carcan familial trop rigide.
Son destin devait s'inscrire dans la plus pure tradition aristocratique d'une famille dont la noblesse est encore plus ancienne que son château familial de Kergrist, à Ploubezre
De la Bretagne jusqu'à Paris, puis à New-York, Madrid, Marrakech et Barcelone, où il décide finalement de poser ses valises, "l'héritier" va s'inventer une vie d'artiste pour atteindre l'objectif qu'il s'est fixé à l'âge de vingt ans: faire de lui-même son meilleur ami quand il en aura 40 ! C'est ce qui le pousse à défiler sur les passerelles internationales de la mode, à réaliser des reportages à travers le monde, à écrire aussi son premier roman en 2015, puis une pièce de théâtre (1), tout en cultivant sa passion du collage. Une façon de multiplier les moyens d'expression, comme pour libérer une parole qui lui était interdite lorsqu'il était enfant.
Le collage comme miroir de l'âme
"J'écris parce que j'adore raconter des histoires, de la même façon que je le faisais quand j'accueillais le public lors des visites du château familial, mais d'une manière plus personnelle à travers le roman", confesse Corentin Huon de Penanster. "Écrire, c'est aussi se cacher derrière des personnes dont on trace le portrait ou des personnages que l'on invente pour exprimer ses propres sentiments". De la même manière, l'auteur comprend avec Rainer Maria Rilke qu'il n’y a qu’un seul vrai voyage, "c’est le voyage au-dedans de soi". Dans sa recherche et ses déménagements successifs, l'artiste breton emporte avec lui son hypersensibilité, celle d'un homme qui n'aime pas sa "gueule" alors qu'il est repéré dans la rue par les agences de mannequin. Il amène aussi avec lui sa personnalité et son caractère forgés dans la culture familiale du "never explain, never complain", qui explique son obsession du perfectionnisme, mais qui justifie par ailleurs sa détestation du mensonge en réaction aux tabous imposés, à l'impossibilité de verbaliser ses sentiments profonds.
Est-ce le résultat de ce cheminement ? Le lieu ? Ou simplement le hasard du moment ? En arrivant à Barcelone, Corentin Huon de Penanster parvient en tout cas à satisfaire le désir du jeune homme qu'il était à vingt ans : "Finalement, je suis en phase avec ce que je suis". L'artiste préfère la solitude aux mondanités, cultive le sport comme exutoire, et trouve la paix dans la foi et la prière. Cette réconciliation avec lui-même est également une ouverture aux autres, un goût du partage qu'il entretient désormais à travers son talent artistique, puisque Corentin Huon de Penanster réalise désormais aussi ses collages sur commande (2) pour des particuliers : "Ce sont des collages personnalisés en fonction de chaque individu" précise l'artiste, qui a su porter son art au delà de la simple oeuvre d'exposition, pour en faire un miroir de l'âme.
Corentin Huon de Penanster réalise désormais aussi ses collages sur commande pour des particuliers
Dans les collages de Corentin Huon de Penanster, où la plupart des personnages sont des femmes, il y a d'ailleurs le reflet de cet enfant qui n'avait pas le droit de jouer à la poupée : "Ces femmes que je découpe pour les coller sur mes oeuvres, ce sont en quelque sorte mes Barbies en papier ; je les habille, je les maquille, je les coiffe...". Un accomplissement désormais dénué de tout esprit de revanche. Avec, encore une fois, l'écho des paroles de Rainer Maria Rilke : "Et dans l'homme aussi il y a une maternité charnelle et spirituelle; chez lui, procréer est aussi une forme d'enfantement, et c'est lorsqu'il crée à partir de la plénitude la plus intérieure qu'il enfante".
(1) "Va, et Sois en Paix" (ed. La Gidouille) et "Chez nous, ça ne se fait pas !" (ed . L'Harmattan)
(2) Plus d'informations sur le compte Instagram @corentin.hpcollages, et sur le site