Édition internationale

Trump menace d’expulser l’Espagne de l’OTAN : Madrid répond fermement

Le président américain Donald Trump a relancé la polémique sur le financement de la défense de l’OTAN en s’en prenant directement à l’Espagne, qu’il accuse de ne pas respecter les nouveaux objectifs de dépenses militaires fixés par l’Alliance. Le gouvernement de Pedro Sánchez dénonce une « provocation infondée ».

Donald TrumpDonald Trump
@whitehouse.gov / Donald Trump
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 10 octobre 2025, mis à jour le 13 octobre 2025

Depuis la Maison-Blanche, Donald Trump a de nouveau provoqué un orage diplomatique à sa manière : frontal et calculé. Aux côtés de son homologue finlandais Alexander Stubb, il a pointé du doigt l’Espagne, accusée d’être « le seul pays de l’OTAN à ne pas avoir tenu son engagement d’augmenter les dépenses de défense à 5 % du PIB ». Puis, dans un de ces écarts maîtrisés dont il a le goût, il a lâché :

 Peut-être faudrait-il les expulser de l’Alliance. 

Une sortie sans aucun fondement juridique — le traité fondateur de 1949 ne prévoit aucun mécanisme d’expulsion —, mais suffisante pour provoquer une onde de choc à Madrid comme à Bruxelles, où l’on tente désormais de contenir la flambée verbale du locataire de la Maison-Blanche.

 

Les exigences de Trump ravivent les tensions au sein de l’OTAN

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a remis sa doctrine “America First” au centre du jeu, et a fait du financement de la défense par les alliés son cheval de bataille. Lors du sommet de l’OTAN à La Haye, en juin dernier, les 32 membres ont accepté — sous forte pression américaine — de relever leur effort de défense de 2 % à 5 % du PIB.

Tous, sauf un. L’Espagne, isolée dans sa prudence budgétaire, a préféré maintenir son cap à 2,1 %, arguant d’un équilibre nécessaire entre défense et dépenses sociales. Une position qui n’a guère trouvé grâce aux yeux de Donald Trump, prompt à fustiger le retard espagnol : « L’Espagne se porte bien. Elle n’a aucune excuse », a-t-il lancé, avant d’enjoindre au président finlandais Alexander Stubb de “parler” à Pedro Sánchez pour qu’il « rentre dans le rang ».

Madrid, de son côté, défend une approche réaliste. Avec un budget de défense désormais porté à 2 % du PIB — soit près de 30 milliards d’euros —, l’Espagne affirme avoir déjà consenti un effort sans précédent. Le gouvernement souligne que ses engagements ont été validés par l’OTAN et qu’ils respectent pleinement les capacités militaires convenues collectivement.

 

Madrid plaide la loyauté et la modération diplomatique

Devant le tumulte provoqué par les déclarations trumpiennes, Félix Bolaños, ministre de la Présidence, a joué l’apaisement. « L’Espagne est un partenaire loyal et à part entière de l’OTAN, et elle le restera », a-t-il assuré, cherchant à ramener le débat sur le terrain du bon sens diplomatique.

Le responsable socialiste a rappelé que le seuil de 2 % du PIB avait été fixé d’un commun accord avec le secrétaire général de l’Alliance, Mark Rutte. Un compromis, selon lui, pensé pour préserver « les dépenses sociales fondamentales d’un gouvernement social-démocrate ».

Même ton du côté de María Jesús Montero, vice-présidente du gouvernement, pour qui la défense « ne doit pas se faire au détriment de la santé, de l’éducation ou du logement ». Elle souligne que l’OTAN elle-même reconnaît que Madrid respecte ses engagements — une manière calme mais ferme de rappeler que l’Espagne n’a pas de leçons de loyauté à recevoir.

 

Le Parti populaire critique, sans s’engager

Tandis que le gouvernement cherche à désamorcer la polémique, le Parti populaire (PP), lui, n’a pas manqué l’occasion d’égratigner Pedro Sánchez. « Le problème, ce n’est pas l’Espagne, c’est Sánchez », a déclaré Alma Ezcurra, vice-secrétaire à la coordination sectorielle du PP, tout en réaffirmant que « l’Espagne a toujours été un partenaire fiable et crédible ».

Mais le PP s’est bien gardé de dire s’il suivrait la ligne imposée par Washington en cas d’arrivée au pouvoir. La formation conservatrice se contente d’une promesse élastique : l’Espagne “respectera toujours ses engagements internationaux”. Une prudence qui en dit long sur le malaise que suscite, à droite aussi, la facture salée du réarmement voulu par Trump.

 

Une escalade verbale sans précédent

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump n’a cessé de durcir le ton envers les alliés européens, les sommant d’ouvrir davantage leur porte-monnaie au nom de la “sécurité commune”. Mais jamais un président américain n’était allé aussi loin que cette fois-ci, en agitant l’idée — purement théorique — d’une expulsion d’un État membre de l’OTAN.

À Bruxelles, la réaction a été mesurée. Les porte-parole de l’Alliance ont soigneusement évité toute polémique, rappelant simplement que les décisions sur la composition de l’OTAN se prennent par consensus.

Mais derrière ce coup de menton présidentiel se dessine une fracture persistante entre les priorités sociales de l’Europe et la vision militaro-économique défendue par Washington. Un bras de fer qui, au-delà du tumulte du moment, révèle une tension durable entre logique budgétaire et choix de société, au cœur d’une relation transatlantique plus crispée que jamais.
 

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