

La Catalogne fait monter la pression afin d'accélérer la construction et le développement du couloir ferroviaire méditerranéen, appelé corredor mediterráneo en espagnol, qui relie l'Espagne à d'autres pays européens en passant par la France. La semaine dernière, de nombreux politiques et représentants parlementaires locaux se sont réunis lors de la première "Table stratégique" de réflexion dans le palais de Pedralbes de Barcelone. Mais du côté du gouvernement de Madrid, on avertit que le projet est loin d'être une priorité.
(photo CC A.Cortés) Le couloir ferroviaire méditerranéen est un projet qui s'inscrit dans le cadre du réseau de transport transeuropéen (RTE-T), un programme de développement des infrastructures de transport de l'Union européenne approuvé le 19 octobre 2011 qui vise une hausse des échanges entre les pays membres, et l'augmentation de la part modale des transports les plus respectueux de l'environnement. La nouvelle infrastructure doit relier la péninsule ibérique à la frontière ukrainienne, sur une longueur de 3000 kilomètres de chemins de fer en passant en Espagne le long de la côte méditerranéenne, de Algeciras jusqu'à la frontière française. Une fois achevé, le couloir méditerranéen représentera, avec le corredor Atlántico et le corredor Central, l'un des trois principaux réseaux de transports de personnes et de marchandises entre l'Espagne et le reste de l'Europe. Le problème, c'est que le développement de cet axe est très lent à certains points du couloir ferroviaire, et inexistant dans d'autres.
Un plus pour l'économie catalane
La Generalitat de Catalunya a convoqué cette table de réflexion sur le fameux corredor afin de souligner le retard accumulé dans la réalisation du dit projet, une lenteur déjà constatée par la Cour des comptes européenne lors de son dernier rapport. Le président de la Generalitat Carles Puigdemont a cité en exemple le tronçon Figueras-Perpignan au niveau de la frontière française, pour lequel le retard dans le calendrier engendre un trafic dix fois inférieur à celui prévu en 2009, et soulève "non seulement un problème d'exécution des budgets, mais surtout une perte de postes de travail et d'opportunités pour notre tissu économique". Selon la Generalitat, le développement des infrastructures du couloir méditerranéen sera un instrument bénéfique pour les personnes puisqu'il permettra d'améliorer la qualité de vie et la mobilité des habitants, mais sera aussi et surtout un levier pour la compétitivité des entreprises locales, en leur permettant "d'être connectées au monde avec efficacité et de manière durable".
Un plus pour l'écologie
Selon les données du département Territoire et Développement durable de la région, deux points d'engorgement pour le trafic routier sont identifiés en Catalogne sur le tracé du couloir ferroviaire : entre la frontière française et Barcelone, où transitent 28 millions de tonnes de marchandises par la route contre 1,4 millions par voie ferrée, et sur la zone située après Tarragone en direction de Valence, où transitent 56,8 millions de tonnes de marchandises par la route contre 4,8 millions sur les rails. L'Union européenne prévoit que les flux de marchandise par voie ferrée à destination de la France passeront de 1,5% en 2010 à 22,5% en 2030 avec la réalisation du couloir méditerranéen. Conséquence : une baisse de la consommation de combustible de 191.000 tonnes par an selon le "cinquième rapport d'évolution de l'étude sur le couloir méditerranéen de la Commission européenne ", avec les baisses de production de CO2 qui en découlent.
Renforcement de l'euro-région méditerranée
Le développement du couloir ferroviaire méditerranéen devrait renforcer les relations économiques et les échanges entre les membres de l'euro-région méditerranée, naturellement formée par les régions de Murcie, de la communauté valencienne, de la Catalogne, des Baléares, d'Aragon, et des régions françaises Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte-D'azur, créant ainsi de nouvelles dynamiques économiques entre ces zones. En effet, les ports du pourtour méditerranéen captent actuellement 25% du transit maritime entre l'Asie et l'Europe (selon les données de la Generalitat), et 75% des flux vont vers les ports atlantiques et du nord de l'Europe. L'entrée en fonctionnement du couloir méditerranéen permettra alors aux acteurs du littoral de capter un plus grand volume de ce trafic de marchandises.
Pour le gouvernement central, il ne s'agit pas d'une priorité
Lors de la réunion catalane, dont l'objectif était de faire remarquer le retard dans les prévisions de construction et d'impulser une accélération, Xavier García Albiol, président du groupe parlementaire du Partido Popular, a demandé au président Puigdemont d'inviter un représentant de l'administration centrale, en charge du développement de ces infrastructures. En effet, l'acte organisé par le gouvernement catalan la semaine dernière invitait tous les groupes politiques catalans, ainsi que les collectifs patronaux et les chambres de commerces, mais aucun membre du gouvernement central espagnol. Une indélicatesse qui n'a pas manqué d'être remarqué du côté de Madrid. Lors de la "Rencontre autour du couloir méditerranée", organisée également la semaine dernière par Expansion en parallèle du sommet catalan, le secrétaire d'État espagnol aux Infrastructures Julio Gómez Pomar a étonné les participants en refusant de donner une date pour la réalisation des travaux ni un calendrier des avancements. Il a assuré que le couloir méditerranéen, pour lequel l'État espagnol a investi 6,35 milliards d'euros entre 2012 et 2016, est bien un projet stratégique, mais qu'il ne "s'agit pas d'une solution de demain". L'Espagne en plein remaniement politique met de nombreux projets en suspens en attendant les élections générales qui se tiendront dans moins d'un mois.
Perrine LAFFON (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 30 mai 2016
Inscrivez-vous à notre newsletter gratuite !
Suivez nous sur Facebook et sur Twitter
Téléchargez notre application pour téléphone mobile via Itunes ou via Google Play







