En décembre dernier, la Fédération des Organismes Féministes Espagnols réorganisait les "journées de Grenade", 30 ans après la première concertation-évènement. Depuis la fin de la dictature franquiste, les mentalités ont évolué? Plus de droit de vote à conquérir, plus de soutiens-gorges à brûler; pourquoi luttent donc les nouvelles générations ?
Transféminisme : la lutte des sexes est terminée
Toujours à la traîne des luttes pour l'égalité des sexes, l'Espagne et son carcan catholique ? L'égalité de droits est devenue réelle seulement avec le retour de la démocratie et la Constitution de 1978.
Mais après l'activisme des années 70, on évoque aujourd'hui la "troisième vague du féminisme" : celle de la destruction des stéréotypes. Il ne s'agit plus de stigmatiser les femmes en victimes face aux bourreaux masculins. Pour Rosa Cobo, docteure en sociologie à l"université de la Complutense à Madrid, "les relations d'égalité ne sont pas opposées à la différence mais aux privilèges".
Parmi les nombreux courants actuels, certains se basent sur la théorie queer, née aux Etats-Unis dans les années 1990. Cette théorie va plus loin dans sa réaction aux politiques identitaires en exhortant à la dilution des genres et à l'abandon des dichotomies traditionnelles comme homo/hétéro? Celles et ceux qui se réclament du "transféminisme" sont aujourd'hui les militants les plus actifs. Le collectif Ladyfeist, qui a organisé le festival du même nom ce mois de mai, participe ainsi à la campagne "Stop 2012" pour que l'OMS ôte le transexualisme de sa liste des pathologies mentales.
Citoyennes de tous les pays, unissez-vous : conséquence de la globalisation, aujourd'hui on lutte aussi pour les droits des immigrées, discriminées dans l'accès au travail, au système éducatif et à la sécurité sociale. "Malgré les polémiques que suscitent le voile ou l'excision, il est aujourd'hui indispensable d'en finir avec l'ethnocentrisme, la vision occidentale du féminisme", alerte Rosa Cobo.
Des droits aux réalités
Comme le prouve le Ministère de l'Egalité, la volonté politique est là. La socialiste Bibiana Aído représente l'exception espagnole avec un portefeuille dont l'objectif est d'éliminer toute forme de discrimination. La "loi de protection contre la violence domestique" a été approuvée à l'unanimité en 2004, et celle sur la "santé sexuelle et reproductive" continue à agiter les conservateurs. On note aussi que le gouvernement de Zapatero compte depuis 2008 plus de femmes que d'hommes? Dont une à un poste clef: la défense.
Reste que dans les faits, la voix des femmes dans les milieux de pouvoir et les assemblées n'a toujours pas la même portée. Et ce même dans les collectifs soi-disant libertaires? Raison pour laquelle les coopératives féminines se multiplient.
Quant à l'intégration quasi-totale au marché du travail, elle n'a pas que des bons côtés. "80% des diplômés universitaires sont des femmes, mais cette réussite ne se répercute pas dans les positions sociales" rappelle Juan Madrid, directeur du Centre Municipal de Santé pour les Jeunes de Madrid. "Maintenant que les droits sont là, il s'agit d'une lutte culturelle".
Et planétaire: "l'écoféminisme" commence à faire parler de lui.
Sarah BOSQUET (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Mercredi 26 mai 2010
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