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A Barcelone , "tout est de la faute d’Ada Colau"

panneau election avec ada colaupanneau election avec ada colau
HDL
Écrit par Henry de Laguérie
Publié le 24 mai 2023, mis à jour le 26 mai 2023

Un peu plus d’un million de Barcelonais dont quelques milliers de résidents français sont appelés aux urnes dimanche pour élire leur maire. A la différence de Madrid, le résultat s’annonce très serré avec trois candidats donnés dans un mouchoir de poche : Ada Colau la maire sortante, Jaume Collboni le socialiste et Xavier Trias issu de la droite indépendantiste. Le scrutin, qui se résume à un référendum pour ou contre Ada Colau, ne se résoudra donc pas dans les urnes mais dans les bureaux des différents candidats d’ici le 17 juin.

 

"Heureusement, les vendeurs à la sauvette ont disparu. Mais nos rues sont très sales. On crie trop fort à la radio. Les murs sont souillés par des affiches. Sur les balcons, il y a trop de linge qui sèche. Il y a trop d’enfants en trottinettes". Xavier Trias, candidat de la droite indépendantiste à la mairie de Barcelone et farouche adversaire d’Ada Colau n’est pas l’auteur de ces lignes. C’est un extrait du journal "L’Esquella de la Torratxa" de novembre 1936. Près de 90 ans ont passé et rien n’a vraiment changé: avec ou sans Ada Colau, les plaintes et les préoccupations des Barcelonais restent les mêmes.

 

Candidate à un troisième mandat, l’ancienne activiste pour le logement a cristallisé autour de son nom tous les débats d’une campagne électorale où la question de l’indépendance a entièrement disparu, au profit du clivage gauche / droite. Ses soutiens en ont joué en imprimant sur des t-shirts le slogan "La culpa de todo es de Colau". Viscéralement détestée par les électeurs conservateurs, Ada Colau, en plus d’être touristophobe, serait responsable de l’insécurité, d’une perte d’attractivité de la ville, des encombrements et de la hausse des prix de l’immobilier.

 

panneau election avec Maragall
Henry de Laguérie

 

Pourtant, quelques indicateurs remettent en cause cette idée de déclin: le taux de chômage à Barcelone (7.5%) est inférieur de 3 points à celui de Madrid. La capitale catalane est la 5e ville au monde à attirer le plus de starts up. Entre 2019 et 2022, le nombre de délits a diminué de 14%. Malgré toutes les restrictions mises en place il n’y a jamais eu autant de visiteurs étrangers à Barcelone. Chez les jeunes Français, l’attractivité de la ville n’est plus à démontrer : ils sont chaque fois plus nombreux à s’installer dans la capitale catalane. Reste le véritable point noir du mandat d’Ada Colau : l’immobilier, avec une hausse de 40% des prix des loyers depuis 2015.

 

Pourquoi Ada Colau, qui n’est plus vraiment la militante radicale et antisystème qui a émergé lors du mouvement des indignés suscite elle autant de débats passionnés ? Sans doute parce que la maire sortante, soutenue par Yolanda Diaz, a accepté de faire face aux défis qui se sont présentés à Barcelone, plutôt que de les subir comme une fatalité.

 

panneau election avec candidat PSC
Henry de Laguérie

 

Avant tout le monde, au début des années 2010, Barcelone a été confrontée au surtourisme, à l’émergence d’Airbnb, l’explosion des trottinettes électriques en libre service, les darks kitchens ou la suroccupation de l’espace public par les livreurs. Les réponses qui ont été apportées n’ont pas toujours été couronnées de succès mais on peut reconnaître à la mairie d’avoir pris le taureau par les cornes. (Moratoire sur les appartements touristiques, taxe Amazon, interdiction des darks kitchens, régulation des trottinettes).

 

Depuis 2015, Barcelone fait la chasse aux voitures et l’assume : des couloirs de véhicules sont supprimés et remplacés par des pistes cyclables. Des quartiers sont piétonnisés et deviennent des "superilles" : ainsi, après les rues de Poblenou et de Sant Antoni, la rue Consell de Cent dans l'Eixample s’est transformée en espace vert. Ce modèle des superblocs inspire des villes du monde entier à l’exception de Madrid, où pas un seul arbre n’a été planté sur la nouvelle Puerta del Sol.

 

affiche au mur avec candidat
Henry de Laguérie

 

Certes, la transition est douloureuse pour tout le monde : on n’abandonne pas si facilement ses habitudes et laisser la voiture au garage prend du temps. Les transports en commun à Barcelone et surtout dans sa banlieue sont parfois défaillants et la voiture est la seule solution pour ceux qui veulent se rendre à Barcelone. Mais le réchauffement climatique est une réalité et la plupart des grandes villes européennes réduisent la circulation automobile.

 

Ada Colau veut donc poursuivre le chemin qu’elle a emprunté depuis 2015. Sur l’immobilier, elle entend aller plus loin en interdisant les locations de courte durée qui séduisent tant les nomades digitaux. Face à elle, les principaux candidats regardent en arrière. Pour l’ancienne alliée de Manuel Valls, Eva Parera, il faut éliminer les pistes cyclables des voies les plus fréquentées par les voitures. Xavier Trias ne veut pas réguler le tourisme ni les bateaux de croisière dont les gaz d’échappement polluent la ville car selon lui, "sans tourisme, Barcelone risque de mourir de faim". Il prévoit également de suspendre le projet de tramway sur la Diagonale. Même le candidat socialiste, Jaume Collboni semble oublier qu’il a gouverné avec Ada Colau pendant 4 ans. Ainsi il appelle à faire une pause dans la création de superilles.  Ernest Maragall aussi, de la gauche indépendantiste, dénonce la décadence de Barcelone.

Ce "tous contre Colau" fonctionnera-t-il dimanche ? Peut-être. Mais pour diriger Barcelone, il faudra sans doute au futur maire un projet un peu plus élaboré. La nostalgie ne constitue pas une politique d’avenir. 

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