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Une Saoudienne de 18 ans arrêtée à Bangkok terrifiée d’être rapatriée

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David-McKelvey - Une Saoudienne âgée de 18 ans arrêtée dimanche à l'aéroport international de Bangkok assure craindre pour sa vie si elle est rapatriée par les autorités thaïlandaises
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 6 janvier 2019, mis à jour le 7 janvier 2019

Une Saoudienne âgée de 18 ans arrêtée dimanche à l'aéroport international de Bangkok assure craindre pour sa vie si elle est rapatriée par les autorités thaïlandaises de l'immigration, qui ont confirmé lui avoir refusé l'entrée dans le pays à son arrivée du Koweït.

Rahaf Mohammed Al-Qunun a déclaré avoir été arrêtée par des responsables saoudiens et koweïtiens à l'aéroport Suvarnabhumi et s'être vue confisquer son passeport, une assertion soutenue par l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW).

"Ils ont pris mon passeport", a-t-elle dit, ajoutant qu'elle avait été dénoncée par l'homme chargé de sa tutelle pour avoir voyagé "sans sa permission".

Rahaf Mohammed Al-Qunun
Rahaf Mohammed Al-Qunun a plaidé sa cause via Twitter, implorant les autorités thaïlandaises de lui laisser la possibilité de demander l'asile à l'Australie (photo Twitter)

Elle a expliqué avoir tenté de fuir des mauvais traitements infligés par sa famille. "Ma famille est stricte et m'a enfermée dans une pièce durant six mois simplement pour m'être coupé les cheveux", a-t-elle déclaré, se disant certaine d'être emprisonnée si elle était renvoyée dans son pays.

"Je suis sûre à 100% qu'ils me tueront dès ma sortie d'une prison saoudienne", a-t-elle ajouté, s'affirmant "effrayée" et "perdant l'espoir".

Rahaf Mohammed Al-Qunun a été arrêtée dimanche alors qu'elle arrivait en avion depuis le Koweït, a déclaré  le chef des services d'immigration thaïlandais, Surachate Hakparn.

La jeune femme se trouve actuellement dans un hôtel de l'aéroport et devrait être renvoyée en Arabie saoudite d'ici lundi matin, a-t-il ajouté. Selon lui, elle n'avait sur elle "ni billet de retour ni argent".

"Elle a fui sa famille pour échapper au mariage et craint des ennuis si elle retourne en Arabie saoudite. Nous avons envoyé des responsables pour prendre soin d'elle", a-t-il précisé. Selon lui, les autorités thaïlandaises ont pris contact "avec l'ambassade d'Arabie saoudite pour se coordonner".

Mais la jeune femme a contesté cette version, expliquant qu'elle était en transit pour aller demander l'asile en Australie où elle assure disposer d'un visa. Selon elle, des représentants des ambassades saoudienne et koweïtienne l'ont accostée au débarquement à l'aéroport Suvarnabhumi. Elle a utilisé Twitter pour plaider sa cause, créant un profil en arabe avec une bio disant "Je veux juste survivre".

Dans un clip vidéo la montrant en train de marcher dans un couloir, la jeune femme explique en direct dans une vidéo que son père avait déclaré aux responsables de l'ambassade qu'elle était "un patient psychiatrique" qui devait absolument rentrer alors même qu'elle avait "un visa australien". "Je ne peux pas sortir de l'aéroport", a-t-elle déclaré dans la vidéo en direct. "J'ai essayé mais il y a un agent de sécurité qui me surveille."

Signe de son désespoir croissant, la femme a tweeté en direct au cours des dernières heures, barricadant la porte de sa chambre d'hôtel avec des meubles.

"Problème de famille"

Le chef de l'immigration, Surachate, a déclaré que Rahaf Mohammed Al-Qunun serait renvoyée en Arabie Saoudite lundi matin. "C'est un problème de famille", a-t-il déclaré à propos de l'affaire.

Mais Human Rights Watch estime que les autorités thaïlandaises devaient permettre à l'adolescent de faire une demande d'asile auprès du HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés.

"Les femmes saoudiennes qui fuient leur famille peuvent être victimes de violences graves de la part de leurs parents, de privation de liberté et de tout autre forme de préjudice grave si elles sont renvoyées contre leur volonté", a déclaré Michael Page, directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient. "Les autorités thaïlandaises doivent immédiatement cesser toute mesure d'expulsion et lui permettre soit de continuer son voyage en Australie, soit de lui permettre de rester en Thaïlande pour demander une protection en tant que réfugiée."

Phil Robertson, directeur adjoint de HRW en Asie, a critiqué les autorités thaïlandaises. "Quel pays autorise des diplomates à se promener dans une section fermée de l'aéroport et à saisir les passeports des passagers?"; a-t-il lancé.

Abdulilah Al-Shouaibi, chargé d'affaires à l'ambassade d'Arabie Saoudite à Bangkok, a reconnu que le père de la femme avait bien pris contact avec la mission diplomatique pour obtenir de "l'aide" afin de la ramener. Dans une interview accordée à la chaîne saoudienne Rotana Khalijial, il a cependant nié la saisie de son passeport et la présence de représentants de l'ambassade à l'intérieur de l'aéroport.

Cet incident intervient alors que l'Arabie Saoudite fait l’objet de vives critiques sur la scène internationale après le meurtre en octobre, dans un consulat saoudien en Turquie, du journaliste Jamal Khashoggi, qui avait encore renforcé les accusations contre Riyad en matière de droits de l'Homme.

Le royaume ultra-conservateur a longtemps été critiqué pour imposer aux femmes des restrictions parmi les plus sévères au monde. Cela comprend notamment un système de tutelle qui permet aux hommes d'exercer sur elles une autorité arbitraire pour prendre des décisions au nom de leurs parents. Une femme qui est jugée avoir commis un crime "moral" peut être punie violemment par sa famille, y compris être tuée dans ce qu'on appelle un "crime d'honneur".

En avril 2017, le sort d'une autre Saoudienne, Dina Ali Lasloum, âgée de 24 ans et arrêtée alors qu'elle transitait par les Philippines pour se rendre à Sydney, avait suscité l'inquiétude de HRW. La jeune femme voulait échapper à un mariage forcé, selon l'organisation qui avait cité le témoignage d'une Canadienne assurant avoir été approchée à l'aéroport de Manille par la Saoudienne. Un activiste saoudien avait indiqué que Dina, qui vivait au Koweït, "avait été ramenée par la force à Ryad" et "placée en détention". L'ambassade saoudienne à Manille avait présenté l'incident comme une affaire de famille, assurant que "la citoyenne est rentrée avec sa famille au pays".

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