Des enfants défavorisés devenus stars, un entraîneur apatride désormais propriétaire d'un club de foot: un an après son incroyable sauvetage, l'équipe thaïlandaise des "Sangliers sauvages", courtisée dans le monde entier et héroïne d'une prochaine superproduction Netflix, peine à renouer avec une vie normale.
Les images du visage émacié d'Adul et de ses grands yeux, éblouis par la lampe des secouristes, ont fait le tour du monde.
L'adolescent avait été retrouvé au bout de neuf jours au fond de la grotte de Tham Luang, au nord du pays, avec onze autres enfants et leur entraîneur. Ils étaient bloqués dans la grotte depuis le 23 juin, et il aura fallu neuf jours supplémentaires pour les faire sortir.
Né en Birmanie, réfugié en Thaïlande, Adul, 14 ans à l'époque, avait joué un rôle crucial d'interprète auprès des sauveteurs grâce à sa connaissance de l'anglais.
"Il n'a pas changé, il se concentre sur ses études", mais les plus jeunes "le considèrent comme un modèle", raconte à l'AFP son meilleur ami, Aman. "Il veut toujours devenir footballeur", relève son professeur Chukkapan Kanula.
Fini le statut d’apatride
Adul est aujourd'hui suivi par plus de 100.000 personnes rien que sur Instagram.
Mais, comme tous les membres des "Sangliers sauvages", il n'a pas le droit de s'exprimer, tenu par une stricte clause de confidentialité avec Netflix.
Sollicitée, la société n'a pas souhaité s'exprimer sur les détails du contrat. D'après la presse américaine, chaque "Sanglier sauvage" aurait perçu quelque 100.000 dollars, une somme considérable pour ces jeunes issus pour certains de minorités ethniques pauvres et marginalisées.
Les adolescents, âgés de 11 à 16 ans à l'époque, ont acquis une renommée mondiale, voyageant de New York à Londres en passant par Buenos Aires, invités par des clubs de football professionnels et la vedette américaine des talk-shows Ellen DeGeneres. Ils seront aussi les héros d'un documentaire et d'une demi-douzaine de livres.
Trois apatrides, sans statut légal dans le royaume, dont Adul, ont aussi obtenu la citoyenneté thaïlandaise.
Mais la plupart sont restés vivre dans leur village, arpentant les mêmes cours d'écoles et le terrain de foot de la petite ville de Mae Sai, située à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, à quelques kilomètres de la grotte.
"Notre famille est restée la même", "quand les enfants participent à des évènements (...) nous ne recevons pas d'argent", assure la mère de l'un d'entre eux.
Numéro porte-bonheur, le 13 !
Ekkapol Chantawong, l'entraîneur des adolescents, l'avait reconnu en octobre à New York: dans ma vie, "des choses ont changé, plus de gens savent qui je suis".
Financièrement aussi. "Ek" est à la tête de la société "13 Thamluang" créée par le gouvernement pour protéger les intérêts des "Sangliers sauvages" et impliquée dans l'accord avec Netflix.
Les revenus qu'elle doit percevoir n'ont pas été dévoilés, mais l'entraîneur s'est engagé à en reverser 20% à des organisations caritatives.
Ek, ancien moine apatride, qui a aussi obtenu la citoyenneté thaïlandaise, a monté son propre club de foot, l'"Ekkapol Academy".
Il réalise "ses rêves pour que la jeunesse de Mae Sai (et) ses nombreux enfants défavorisés puissent jouer au foot", souligne Noppadol, son assistant. Le club accueille une trentaine d'enfants de 5 à 15 ans, dont neuf des adolescents piégés à Tham Luang.
"Des boyaux étroits et inondés", "un courant très fort", "le manque d'oxygène": "je me suis dis que c'était une mission suicide", se souvient Ben Reymenants.
Ce plongeur belge a participé à l'opération de secours qui a mobilisé jour et nuit près de 10.000 volontaires locaux et étrangers.
Au final, les adolescents avaient été extraits de la grotte, endormis sur des civières de plongée.
Preuve du danger, Saman Gunan, ex-membre des commandos thaïlandais de marine, est décédé après avoir apporté du matériel dans la grotte. Il est devenu un héros dans le royaume et des centaines de personnes viennent prier devant sa statue érigée à Tham Luang.
Sept plongeurs britanniques, dont John Volanthen et Richard Stanton qui ont découvert en premier les enfants, ont été décorés par la reine Elisabeth II.
Mais "les vrais héros restent cette chaîne d'anonymes, sans qui rien n'aurait été possible", estime Ben, décoré parmi d'autres par le roi de Thaïlande.