Gémissements, cris, danse désarticulée et course animalesque: samedi des centaines de Thaïlandais réunis pour un festival au temple Wat Bang Phra sont entrés en transe avant de se faire tatouer.
Couvert de dessins sur la poitrine et les bras, un homme court à quatre pattes en imitant le tigre tandis qu'un autre tord ses doigts comme si c’étaient des griffes et se met à grogner.
Tout cela fait partie du festival annuel de tatouages sacrés qui se déroulait samedi au temple Wat Bang Phra, dans la province de Nakhon Pathom, à 80 kilomètres à l'ouest de Bangkok.
Wat Bang Phra est connu pour sa pratique des tatouages appelés Sak Yant qui accordent des pouvoirs mystiques, de protection ou de bonne chance.
Chaque année, les tatoués se rendent au festival pour que les moines puissent bénir et "recharger" leurs tatouages, tandis que certains s’en font faire des nouveaux, réalisés avec de longues aiguilles en métal qui pénètrent la peau un nombre incalculable de fois par petits coups.
Face à une estrade où trône un immense bouddha noir, ils sont des milliers assis par terre dès huit heures du matin pour écouter les discours des moines.
Soudain le grognement d'un félin fend l'air, celui qui vient de pousser ce cri se met à courir comme possédé, à quelques mètres de là, un jeune se lève et imite un poulet quand un troisième avance en boitant. Lorsqu'ils entrent en transe ces hommes tatoués imitent la plupart du temps les animaux dessinés à l'encre noire sur leur corps.
Au bout du chemin, les volontaires forment une barrière pour stopper les "possédés" dans leur lancée. Ils doivent souvent s'y mettre à plusieurs puis leur pincent les oreilles, pour les décharger de l'esprit qui les habite.
Les symboles les plus prisés vont des signes astrologiques aux animaux sauvages en passant par les inscriptions en pali et en sanscrit.
"Quels que soient les péchés que nous avons commis l'année dernière, nous pouvons les expier en rendant hommage aux moines les plus âgés qui bénissent nos tatouages", explique Chalachai Pichuea, un chauffeur de taxi-moto de Bangkok.
Patron d'une entreprise familiale, Wichai Kripjumwan, dit se rendre chaque année pour le processus de régénérescence et pour remercier les moines "qui nous ont donné ces pouvoirs".
Créatures mythiques, animaux féroces, écritures jugées magiques... une multitude de tatouages sont pratiqués quasiment gratuitement, puisque seule une offrande est requise.
Dans la foule lors de la cérémonie du matin, ce sont principalement des hommes qui entrent en transe mais ensuite beaucoup de femmes demandent un tatouage.
Les tatoueurs utilisent ensuite de longues tiges de métal se terminant en pointe et une encre que beaucoup pense magique fabriquée à partir de divers ingrédients, y compris parfois le venin de serpent, des herbes et des cendres de cigarette...
La Thaïlande est un pays très superstitieux où l'animisme et les croyances populaires sont profondément mêlés au bouddhisme.