Le nombre de tickets de loterie émis pour chaque tirage a doublé en dix ans, passant de 36 à 72 millions. Cette progression souligne l'exubérance d'une obsession nationale qui inquiète le Centre pour l'étude des jeux de hasard. Dans les conversations quotidiennes la quête des numéros chanceux supplante même les considérations liées à la nourriture quand approchent les dates des tirages organisés les 1ers et 16 de chaque mois, sauf en janvier et mai. Des magazines spécialisés sont voués à la numérologie tandis que des sites internet offrent aussi conseils et autres martingales. Quant à la presse généraliste, elle rapporte scrupuleusement les numéros d'immatriculation des véhicules impliqués dans les accidents spectaculaires, car de nombreux Thaïlandais croient que la chance peut naitre d'une tragédie. De l'interprétation des rêves au pèlerinage dans des lieux sacrés en passant par les anomalies de la nature comme la naissance d'une tortue à six pattes chacun cultive sa stratégie. Et la plus prestigieuse université du royaume ne peut se permettre d'ignorer le phénomène qui constitue le champ d'études de l'un de ses chercheurs. Noppanant Wannathepsakul a ainsi établi que 20 millions de Thaïlandais privilégient la loterie clandestine dont les gains sont plus modestes, mais qui offre plus de chances de remporter la mise. L'universitaire de Chulalongkorn estime que la police retirerait chaque année un revenu occulte de 11 milliards de bahts de cette économie souterraine au titre de protections diverses. Dans un pays où les symboles sont si importants, l'occasion est trop belle pour ne pas sacrifier au goût occidental de l'ironie en signalant l'un des lieux de culte favori des parieurs. Il est situé à Bangkok, dans un immeuble du quartier de Chinatown où vécut au XIX ° siècle l'un des pionniers de la loterie dans le royaume. Yee Hoh Kong est connu pour avoir été amateur de café, cigares et noix de bétel. Les aficionados pétris d'animisme n'omettent donc pas d'apporter ces offrandes quand ils viennent solliciter l'aura de ce père fondateur dont l'ancien domicile abrite de nos jours un commissariat de police ! Ça ne s'invente pas et l'un des policiers précisait même au New York Times : "peu de gens viennent ici signaler une infraction, la plupart viennent pour l'autel “.
E.D. (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mercredi 30 janvier 2013
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