Certaines provinces de Thaïlande pourraient faire face à un manque d'eau potable d'ici deux mois si les précipitations n'augmentent pas, alors que les principaux barrages du pays se vident rapidement. Le gouvernement prévoit d'accélérer la mise en place de nouveaux projets hydrauliques afin de contrer la sécheresse qui pourrait être pire l'an prochain, au risque de s'attirer la foudre des écologistes qui y voient une menace pour l'environnement
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Les autorités s'inquiètent de plus en plus de l'impact de la sécheresse provoquée par le phénomène El Nino, en particulier dans le nord et le nord-est du pays, et du manque de précipitations qui débutent habituellement en mai et pourraient être retardées jusqu'au mois de juillet. Le volume d'eau dans 33 grands barrages, 37 barrages de taille moyenne et dans les autres réservoirs dans tout le pays sont désormais à seulement 47% de leur capacité totale.
"Seule 15% de l'eau retenue est propre à la consommation. Dans les deux plus grands barrages du pays, Bhumibol et Sirikit, c'est seulement 4% de l'eau qui sera potable au cours des 50 prochains jours", a déclaré le ministre de l'Agriculture, Theera Wongsamut, cité hier par le Bangkok Post. Ce problème a amené les autorités à produire de la pluie artificielle pour compléter l'eau naturelle déjà présente dans le barrage de Bhumibol, dans la province de Tak, et celui de Sirikit, dans la province d'Uttaradit.
La technique d'ensemencement des nuages, utilisée pour augmenter les précipitations, a pour l'instant permis de faire tomber 8 millions de mètres cubes de pluie dans les deux barrages, selon le Bureau de la Fabrication Royale de la Pluie et de l'Aviation pour l'Agriculture. Cette méthode devrait désormais être utilisée quotidiennement jusqu'en octobre. Mais selon le ministère de l'Agriculture, le manque d'eau devrait persister durant les prochaines semaines, alors que les pluies de la mousson se sont calmées et qu'aucune forte précipitation n'est prévue avant le mois prochain.
De nouveaux barrages controversés en réponse aux problèmes
Afin d'endiguer la crise de l'eau qui menace le pays et surtout pour lutter contre la sécheresse, le ministère de l'Agriculture prévoit de remettre à l'ordre du jour plusieurs projets controversés, dont celui du barrage Kaeng Sua Ten. Theera a précisé qu'il ferait pression en faveur des projets, afin d'augmenter le nombre de réservoirs dans le pays et résoudre le problème persistant de sécheresse. Selon son ministère, le barrage de Kaeng Sua Ten devrait bénéficier à 44 districts répartis dans 12 provinces du nord et du centre, et concerner plusieurs dizaines de milliers de fermes et de foyers.
Ce dernier fait partie de cinq projets de barrage mis à l'arrêt en 1997 par le gouvernement de Chuan Leekpai, face aux manifestations de l'Assemblée des pauvres et à l'opposition des écologistes. Les défenseurs de l'environnement expliquent que le barrage détruira 3.200 hectares de forêt de teck vierge dans le parc national de Mae Yom. Le Yom est la dernière des quatre rivières du Chao Phraya à être dépourvue d'un barrage ou d'un réservoir.
De plus, la destruction de forêt pourrait avoir comme conséquence d'accélérer le réchauffement climatique, et donc la sécheresse, comme l'a rappelé le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU dans son dernier rapport en 2007. En effet, les forêts permettent souvent une meilleure gestion de l'eau et luttent contre les phénomènes d'aridification ou de désertification provoqués par l'activité humaine.
Néanmoins, le ministère a annoncé avoir le soutien du Premier ministre Abhisit Vejjajiva pour cette initiative, qui devrait être soumise pour approbation au Parlement d'ici la fin de l'année. Des projets d'irrigation de l'eau seront initiés en parallèle, afin d'irriguer l'eau des rivières Kok, Ing et Nan vers le barrage Sirikit, ainsi que de la rivière Yuam à Mae Hong Son vers le barrage Bhumibol. "Cela pourrait permettre de retenir 5 milliards de mètres cube d'eau", précise Theera. "Je ne veux pas être montré du doigt dans le futur pour ne pas avoir réussi à faire quelque chose pour résoudre le problème de l'eau", a-t-il ajouté, appelant les écologistes à décider ce qui est "le mieux dans l'intérêt du pays".
Quentin WEINSANTO (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mardi 15 juin 2010
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La saison du riz en grande partie touchée
La sécheresse persistante a obligé les acteurs de la filière du riz à réviser à la baisse leurs prévisions de récolte, dont le prochain cycle se termine en août. Selon l'Association Thai Rice Mills, 2 millions de tonnes de paddy devraient être récoltées, contre 5 millions de tonnes estimées auparavant. De plus, le gouvernement thaïlandais a décidé la semaine dernière d'interdire aux agriculteurs du nord du pays de planter du riz jusqu'aux prochaines pluies, une décision que n'a d'ores et déjà pas respecté certains riziculteurs, selon le Sydney Morning Herald, qui y voient la mise en danger de leur principal moyen de subsistance. Dans la province de Nakhon Ratchasima, le Directeur du bureau de l'agriculture provincial, Boontin Dejsongnoen, a révélé que du riz a déjà été planté sur environ 16.000 hectares. "Les fermiers devraient attendre, leur récolte pourrait être touchée", précise Boontin. L'an dernier, la province avait perdu 50% de sa seconde récolte, soit près de 35.200 hectares détruits par la sécheresse. La Thaïlande est le premier exportateur mondial de riz. Le Bureau de l'économie agricole a pour l'instant laissé inchangé ses prévisions annuelles de production de riz, estimées à 32 millions de tonnes de paddy.
(http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mardi 15 juin 2010