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Pavin Chachavalpongpun, sur l’instabilité politique actuelle

Pavin ChachavalpongpunPavin Chachavalpongpun
Écrit par La rédaction de Bangkok
Publié le 20 février 2019, mis à jour le 25 février 2019

Pavin Chachavalpongpun, politologue, chercheur et enseignant thaïlandais, fait le bilan de la situation politique actuelle du royaume. A deux jours du verdict de la Cour constitutionnelle, qu'il juge "politisée", il estime qu'une dissolution du parti au pouvoir est possible mais qu'elle aurait un impact énorme et dévastateur sur la politique du pays

LePetitJournal.com Bangkok : La Cour constitutionnelle doit se prononcer vendredi sur la légalité de l'amendement constitutionnel soutenu par le Puea Thai. Doit-on s'attendre à de nouveaux troubles politiques lors de ce deuxième semestre 2011 ?

Pavin Chachavalpongpun : C'est difficile à dire pour le moment. Mais penser que quelque chose ne peut pas arriver en Thaïlande, c'est se tromper. Si nous jetons un ?il sur le passé récent, il est clair que la Cour est politisée. Elle est intervenue dans la politique et elle le fera encore. En 2008, elle avait obligé deux Premiers ministres liés à Thaksin, Samak [Sundaravej] et Somchai [Wongsawat] à démissionner. Actuellement, la situation politique de la Thaïlande est instable. Si la Cour perçoit Thaksin et son parti le Puea Thai comme une trop grosse menace, [les juges] peuvent prendre la décision de dissoudre le parti. Mais cela aura un impact énorme et dévastateur sur la politique thaïlandaise.

Quelle que soit la décision de vendredi, il y aura des tensions dans les mois à venir. La loi de réconciliation nationale va occuper l'actualité politique, au moins sur le court terme. Ses opposants s'inquiètent beaucoup d'un retour de Thaksin et du fait qu'ils vont continuer à perdre à chaque élection. Cependant, je ne pense pas que Yingluck quittera sa fonction. Elle est solide à son poste, même si elle est manipulée par son frère. Je pense que son "leadership" s'est affirmé petit à petit et qu'elle possède certaines qualités qui fonctionnent bien dans la situation politique actuelle.

L'amendement constitutionnel soutenu par le Puea Thai a-t-il pour but principal le retour de Thaksin comme le dénonce le Parti Démocrate ?

Nous devons comprendre le projet de réconciliation nationale dans son ensemble. C'est vrai qu'il implique une amnistie, ce qui signifie que Thaksin pourrait rentrer en Thaïlande avec un statut d'homme innocent. Mais ceci est une seule partie du projet. Un autre grand but de ce texte est d'amender la constitution de 2007 qui prive l'exécutif de pouvoir. Le Puea Thai veut que la Thaïlande adopte la Constitution de 1997, et je pense que c'est cela qui contrarie le Parti Démocrate. Mais évidemment, le retour de Thaksin est utilisé par l'opposition pour légitimer certains de ses comportements.

Le Parti Démocrate n'est pas seul dans ce jeu vicieux. Nous voyons des mouvements de la part de la Cour constitutionnelle et d'autres organisations liées aux élites traditionnelles telles que la Commission électorale et la Commission Nationale des Droits de l'Homme. Ils travaillent en équipe pour mettre la pression sur le gouvernement de Yingluck. On peut même dire que c'est le travail du "réseau de la monarchie", pour reprendre une expression inventée par Duncan McCargo (ndlr : Duncan McCargo est également un politologue et auteur spécialiste de la Thaïlande). Mais il est intéressant de voir que les militaires restent très calmes et silencieux sur le sujet. Peut-être voient-ils des bénéfices à la loi de réconciliation qui leur permettrait de ne pas être inquiétés concernant les Chemises rouges morts en mai 2010.

Une dissolution du parti ne serait-elle pas l'occasion d'un retour des membres de la Maison 111 au gouvernement (ndlr : 111 membres actifs du Thai Rak Thai, très proches de Thaksin et dont Thaksin lui-même, avaient été bannis d'activité politique pendant cinq ans, sanction qui a pris fin le 30 mai dernier) ?

Je pense que le Puea Thai a déjà préparé beaucoup de solutions au cas où le parti serait dissous. Par exemple, Yingluck pourrait rester chef du gouvernement, mais avec un nouveau parti qui inclurait certains des 111 politiciens anciennement bannis et liés à Thaksin qui sont revenus récemment dans le jeu politique.

En revanche, je suis certain qu'une décision défavorable au Puea Thai engendrerait beaucoup de mécontentements parmi les Chemises rouges. Ils auraient le sentiment, encore une fois, que leur droit de vote ne signifie rien. Le gouvernement qu'ils auraient élu serait une fois de plus renversé par une démarche non démocratique.

Où en sont les Chemises Jaunes ? Leur nombre actuel leur permet-ils d'organiser des actions de grande envergure telle que cela avait été le cas les années précédentes ?

Je ne pense pas qu'ils en soient encore capables, non. Il existe un manque de "leadership" actuellement chez les Chemises jaunes.

Le PAD (ndlr : l'autre nom des Chemises Jaunes) s'est désintégré et il existe beaucoup de conflits entre ses leaders. Les Chemises Jaunes pourraient retourner dans les rues de Bangkok, avec le soutien des élites, mais ils ne seront jamais aussi puissants qu'avant.

Le fait d'utiliser la préservation de la monarchie pour discréditer les opposants du mouvement est désormais ennuyeux et il va devenir inefficace.

De quelle manière le pays pourra-t-il réaliser son processus d'unité nationale ?

Je pense qu' "unité" n'est pas le bon mot. Les Thaïlandais ne veulent pas l'unité mais l'acceptation de leur diversité, avec le consentement des élites sur les différentes idéologies politiques existantes. La réconciliation pourrait être la seule voie à suivre, mais elle ne sera pas totale tant qu'il n'aura pas été rendu justice à ceux qui ont perdu leur vie dans le passé. J'ai peur que le gouvernement fasse trop attention à sa propre survie, et qu'il reste silencieux à propos des affaires judiciaires afin de plaire à ses opposants qui se trouvent dans l'armée et au palais.   

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Publié le 11 juillet 2012, mis à jour le 25 février 2019

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