Le chef de la junte militaire a promis jeudi dernier que le magnat du bâtiment, accusé de chasse illégale d’un léopard noir dans un parc national n’échapperait pas à la justice malgré sa richesse, face aux critiques grandissantes dénonçant l’impunité des riches et puis-sants dans le royaume.
Le baron de la construction, Premchai Karnasuta, a été arrêté, avec trois autres personnes, dans la nuit du 4 février, par les gardes du parc national Thungyai Naresuan dans un sanctuaire animalier dans l’ouest du pays. Ils ont saisi des armes, munitions et carcasses d’animaux, dont celle d’un léopard noir, espèce rare et protégée, amenant la police à les inculper pour chasse illégale, dans une réserve naturelle, et pour braconnage d’une espèce protégée.
Selon les informations du journal Khaosod, Wichien Chinnawong, le garde âgé 37 ans qui a poursuivi et arrêté Premchai Karnasuta, est plébiscité sur les réseaux sociaux, faisant figure de héros national, félicité pour son courage, dans un pays où il ne fait généralement pas bon déranger les puissants, même lorsque l’on est un représentant de l’ordre.
De nombreux internautes semblent en effet craindre pour sa sécurité et celle de sa famille, d’autant qu’il apparait comme un témoin essentiel dans l’affaire qui attend l’accusé.
La princesse Ubolratana, fille ainée de la reine Sirikit et l’ancien roi Bhumibol Adulyadej, a exprimé son soutien via un post Instagram dans lequel elle encourage le garde à se battre "Courage monsieur Wichien Chinnawong".
Selon le Bangkok Post, un sondage de l’Institut National du Développement et de l’Administration, révélait dimanche que 51,2% des 1.250 personnes interrogées considérait la peine encourue de cinq ans de prison et 50.000 bahts d’amende, comme trop légère pour avoir chassé des animaux protégés, jugeant que les pénalités doivent être plus sévères à cet égard.
L’accusé est un puissant directeur de l’entreprise Italian-Thai Development, géant de la construction basé à Bangkok qui a notamment notamment participé à la construction de l’aéroport international Suvarnabhumi et du métro aérien BTS Skytrain.
Ce dernier a nié les chefs d’accusation et a rapidement été remis en liberté sous caution, provoquant de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, les Thaïlandais redoutant que le multimillionnaire puisse échapper à la justice, comme c’est généralement le cas pour riches et les puissants.
Alors qu’il se débat déjà avec le scandale des montres de luxe du vice-Premier ministre Prawit Wongsuwnan, le Premier ministre et chef de la junte, Prayuth Chan-O-Cha, a tenu à affirmer la se-maine dernière que quiconque tenterait d’interférer dans l’affaire "risquerait d’être puni". S’il est jugé fautif, "rien ne pourra aider (Premchai), coupable signifie coupable, peu im-portant à quel point il est important", a-t-il insisté.
Les commentaires du Premier ministre intervenaient juste après la divulgation d’une vidéo, non vérifiée, supposément prise le soir de l’arrestation de Premchai, sur laquelle une voix non-identifiée évoque l’influence de "personnes importantes" dans le contexte de "failles juridiques".
Un chef adjoint de police a expliqué que dix officiers du parc national seraient également interrogés pour vérifier s’ils n’avaient pas été soudoyés afin de fermer les yeux sur le safari privé de Premchai. "Je peux vous assurer que personne ne peut interférer pour clas-ser cette affaire", a promis jeudi dernier le général de la police, Srivara Rangsibhramanakul aux journalistes.
L’affaire du riche magnat vient comme un nouveau scandale dans le tourbillon contre le numéro deux de la junte, ministre de la défense, actuellement enquêté sur sa collection de montres luxueuses non déclarées.
La junte thaïlandaise a pris le pouvoir en 2014, justifiant en bonne partie son acte par la nécessité d’éradiquer la corruption des politiques et de la société en général. Les détracteurs de la junte ne cessent de rappeler que le régime militaire a été marqué par plusieurs scandales de corruption supposée concernant des proches du pouvoir.
La situation problématique de Premchai s’est aggravée durant la semaine après une perquisition, mercredi dernier, dans l’une de ses maisons à Bangkok, au cours de laquelle la police a trouvé de nombreuses armes et défenses en ivoire. Une partie de l’opinion publique s’est déjà mobilisée contre le grand patron. Une pétition en ligne sur Change.org réclamant une enquête approfondie a rassemblé plus de 120.000 signatures jusqu’ici.
Le parc national Thungyai Naresuan, où Premchai a été arrêté, se situe dans la province touristique de Kanchanaburi, et abrite animaux protégés dont des éléphants et tigres sauvages.