Des étudiants thaïlandais arborant de larges banderoles et des figurines géantes ont lancé samedi une nouvelle pique satirique au numéro deux de la junte Prawit Wongsuwan, appelé désormais le "Général Rolex" pour sa collection de montres de luxes supposées non déclarées.
Le scandale des montres s’est emparé d’une opinion de plus en plus lasse du régime militaire et a suscité une série de manifestations inédites depuis le coup d’Etat de 2014 et qui défient l’emprise de la junte sur les protestataires.
Samedi, des étudiants menant le défilé précédant la traditionnelle rencontre de foot annuelle opposant les universités de Chulalongkorn et Thammassat ont fait défiler autour du terrain du stade de Supachalasai plusieurs chars de carnaval parmi lesquels certains se moquaient du numéro deux de la junte, Prawit Wongsuwan.
Le général âgé de 72 ans suscite la colère de l’opinion depuis que des photos de lui exhibant successivement plusieurs montres de luxe se sont mises à circuler en décembre sur les réseaux sociaux puis ont été ensuite reprises par la presse nationale et internationale.
Un char dans le défilé samedi portait une figurine géante représentant le général plaçant son bras devant les yeux pour se protéger du soleil, une pause correspondant à la première photo de Prawit postée sur la page Facebook "CSI LA" et qui avait révélé une montre sertie de diamants de la marque Richard Mille.
Les étudiants, qui marchaient côte à côte, étaient reliés entre eux par des chaines et portaient des bannières disant "Arrêtez de vous moquer des montres," ironisant sur les tentatives de la junte d’étouffer le scandale.
Un autre char plaisantait sur l’explication fournie par Prawit selon laquelle il aurait emprunté à des amis les luxueuses montres qu’on lui attribue, un alibi semble-t-il examiné par la Commission Nationale Anti-Corruption.
Le défilé d’avant-match, organisé chaque année en prélude à la rencontre entre les deux grandes universités rivales -l’une réputée conservatrice et l’autre progressiste- prend généralement un tour provocateur et politique.
Mais le spectacle de samedi était particulièrement attendu cette année, alors que le scandale des montres semble réveiller la société civile thaïlandaise.
Ces dernières semaines, un nombre croissant de militants pro-démocratie sont descendus dans la rue, défiant l’interdiction de la junte de manifester pour demander la tenue d’élections.
Les généraux avaient promis un retour rapide à la démocratie après avoir pris le pouvoir en 2014, mais ont sans cesse reporté la date du scrutin.
"Les Thaïlandais sont fatigués du régime militaire. Prawit est un simple indicateur de ce que ces gens pensent qui ne va pas avec la [junte]", explique Paul Chambers, analyste politique basé en Thaïlande.
Le régime a répondu en déposant des plaintes contre des dizaines de militants ces jours-ci par rapport aux manifestations.
Mais cela n’a pas empêché un déluge de mèmes Internet et autres formes d’expression malicieuses de mécontentement, comme un graffiti du visage de Prawit enfermé dans le cadran d’un réveil matin.
L’image, revendiquée par un artiste se faisant appeler "Pochoir à migraine", est restée visible pendant quatre jours sur un pont piétonnier de Bangkok avant que les autorités ne le fassent retirer, selon son auteur qui vit caché depuis que la police s’est présentée chez lui.
Ce dernier a confié à l’AFP que l’image représentait "un réveil matin déclenché par personne d’autre que le général lui-même, réveillant les gens pour leur faire voir à quoi les hommes forts de la junte ressemblent."