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Mise en service d’un barrage controversé sur un Mékong asséché en aval

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Reuters
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 30 octobre 2019, mis à jour le 9 juillet 2020

Xayaburi, le premier barrage hydroélectrique situé sur le bassin inférieur du Mékong a commencé ses opérations commerciales au Laos mardi, sous les protestations de villageois thaïlandais qui déplorent la perte de leurs moyens de subsistance.

La mise en service du barrage de Xayaburi, d'une puissance de 1.285 mégawatts, coïncide avec l’assèchement inhabituel de bras du Mékong, encore visible même à la fin de la saison des pluies. Mais les constructeurs et les opérateurs de l’ouvrage soutiennent que Xayaburi n'a pas d’impact sur la baisse de débit du fleuve.

Xayaburi, qui vendra 95% de son électricité à la Thaïlande à un taux moyen de 2 bahts (0,066 dollar) par unité, est le premier d'une série d'au moins neuf autres projets hydroélectriques en construction ou prévus sur le Bas Mékong, au Laos.

Cette nouvelle vague de construction de barrages pourrait bien intensifier encore davantage des différends déjà tendus autour de l'eau et de la sécurité alimentaire après des années d'inquiétude concernant les 11 barrages existants construits par Pékin sur le haut Mékong en Chine et qui étranglent le fleuve dont dépendent des millions de personnes au Laos, en Thaïlande, au Cambodge et au Vietnam.

Mekong sec Thailande
Des villageois marchent sur un bras asséché du Mékong près de Ban Namprai dans la province de Nong Khai en Thaïlande, le 7 octobre 2019 (Photo REUTERS / Panu Wongcha-um)

La construction du barrage de Xayaburi aura pris neuf ans et le projet de 135 milliards de bahts (4,47 milliards de dollars), construit et financé par des entreprises et des banques thaïlandaises, a fait l’objet de plusieurs controverses depuis sa création.

Mardi, des moines bouddhistes du côté thaïlandais du Mékong ont chanté et ont procédé à des bénédictions lors d'une cérémonie pour le fleuve qui, selon les activistes du Freedom Mekong Group, est en danger de mort.

"Quand le barrage de Xayaburi produira officiellement de l'électricité (...) nous ne pourrons pas savoir comment le fleuve va changer ni comment il va se détériorer", déplore l'activiste Montri Chanthawong.

À environ 150 km au sud de Xayaburi, le village de pêcheurs de Ban Namprai a connu son année la plus sèche de tous les temps.

En temps normal, selon les villageois, le Mékong a au moins 3 mètres d’eau à la fin de la saison des pluies, lorsque Ban Namprai organise ses traditionnelles courses de bateaux-dragons, qui ont été annulées cette année.

Manifestation barrage Thailande Laos
Des militants et des villageois de la province de Loei, en Thaïlande, protestent contre le barrage laotien de Xayaburi le 29 octobre 2019 (photo REUTERS / Soe Zeya Tun)

Les pêcheurs et les pisciculteurs disent que depuis mars dernier, quand Xayaburi a commencé à tester ses turbines, ils ont constaté que le débit du fleuve devenait de plus en plus irrégulier, ce que ne peut pas expliquer seule la sécheresse du début d’année.

"Je pense que l'avenir du fleuve sera désastreux. Ce n'est qu'un début", s’inquiète le chef du village de Ban Nampai, Sangtong Siengtid, 45 ans, lui-même pêcheur.

"Avec davantage de barrages, le puissant fleuve Mékong ne sera plus qu'un petit ruisseau", ajoute-t-il.

Certains pisciculteurs de la ville voisine de Nong Khai ont commencé à déplacer les bassins à poissons du fleuve vers des étangs artificiels alimentés par de l'eau pompée, selon Krit Hemarak, un pisciculteur de la région.

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Les locaux discutent de la situation de l'eau dans un bras asséché du Mékong près du village de Ban Namprai, dans la province de Nong Khai, en Thaïlande, le 7 octobre 2019 (Photo REUTERS / Panu Wongcha-um)

Les principaux développeurs de Xayaburi, le groupe thaïlandais CK Power PCL, imputent les zones asséchées en aval à des pluies de mousson tardives et à un barrage chinois en amont.

CK Power, une filiale de la société de construction thaïlandaise CH. Karnchang Public Company Limited, a refusé les demandes d'interview de Reuters et n'a pas répondu aux questions écrites.

Sa page Facebook présente des vidéos "d'échelles à poissons" et des portes spéciales devant laisser passer les alluvions qui auraient coûté de 6 milliards de bahts (200 millions de dollars). Un dispositif présenté par CK Power comme la garantie que le fragile écosystème du Mékong, la migration des poissons et les nutriments essentiels à l'agriculture dans le delta du fleuve au Vietnam ne souffriront pas.

La société va investir de "la manière la plus durable", a déclaré Thanawat Trivisvavet, directeur général de CK Power, dans un article paru mardi dans un journal local.

Les groupes environnementaux soulignent que la technologie n'a pas été testée.

Reportage par Panu Wongcha-um pour Reuters traduit de l'anglais par LPJ Bangkok.com

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