Alors que 11 projets de grands barrages hydroélectriques le long du Mékong ont provoqué l'ire d'écologistes et des populations locales, la construction future de 78 barrages plus petits et moins médiatisée devrait aussi avoir un impact dévastateur sur la biodiversité. Le plus grand espace de pêche du monde, dont des dizaines de millions d'hommes de la région sont dépendants, est menacé
Onze grands barrages hydroélectriques doivent être développés le long du cours principal du Mékong, fleuve de 4.600 km de long qui traverse la Chine, le Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam. Ces projets, notamment de par leur taille, ont provoqué le mécontentement des populations locales, et des écologistes du monde entier, qui ont obtenu la suspension d'un barrage au Laos. Mais une étude internationale publiée lundi dans la revue scientifique nord-américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) a montré que la construction de barrages sur des dizaines de petits affluents, sera "catastrophique" pour l'avenir de la région. "L'impact global de ces petitses structures sera supérieur à celui des principaux autres qui ont attiré toute l'attention internationale à ce jour, déclare Guy Ziv, chercheur de l'université de Stanford ayant participé à l'étude avec des scientifiques de l'université de Princeton, et de l'Institut de développement et de recherche de la pêche intérieure du Cambodge. Le bénéficiaire de la production sera le Laos, qui exportera de l'énergie vers la Thaïlande et le Vietnam, mais le Cambodge et le Vietnam vont perdre un gros pourcentage en terme de prises de poissons".
L'étude indique avoir "constaté que l'achèvement de 78 barrages sur les affluents, qui n'ont pas encore fait l'objet d'une analyse stratégique (ndlr : de la part des autorités), aura des répercussions dramatiques sur la biodiversité". Les chercheurs se sont concentrés particulièrement sur 27 des 78 barrages devant voir le jour sur les affluents, car ceux-ci, censés être construits entre 2015 et 2030, ont un avenir encore incertain. De plus, leur construction ne nécessite pas d'accord international, malgré le fait qu'elle aura sans doute une incidence sur les populations de pêcheurs dans les pays voisins.
Plus de 30 millions de personnes dépendent de la pêche dans la région
Plus précisément, quatre projets de barrages créeront les plus grandes pertes dans la biomasse, et notamment le barrage Bas Se San 2 au Cambodge, qui provoquera une chute de 9,3% du nombre de poissons. Les trois autres projets inquiétants, le Se Kong 3d, le Se Kong 3u, et le Se Kong 4 se trouvent au Laos. Ils entraîneraient des pertes allant de 0,75% à 2,3%. Si ces pourcentages peuvent paraître faibles, Guy Ziv estime qu'ils augmenteront rapidement dans le future. Et selon lui, la disparition de 1% des poissons du bassin correspond à la perte de 10.000 tonnes de nourriture. Plus d'un million de tonnes de poissons d'eau douce sont capturés chaque année dans les plaines inondables cambodgiennes et vietnamiennes. L'ensemble du bassin du Mékong représente un foyer de 65 millions de personnes, dont environ les deux tiers dépendent de la pêche pour survivre, rapportent les auteurs de l'étude. Ces derniers ont identifié un total de 877 espèces de poissons dans le bassin du Mékong, dont 103 verraient leur migration empêchée par le développement hydroélectrique. "Ce sont des dizaines de millions d'hommes pauvres de la région qui comptent sur ces poissons pour assurer leur subsistance, indique Guy Ziv. Ce sont eux qui seront les plus touchés par la baisse du nombre de prises".