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A Mae Sot, un Français lance une assurance santé pour migrants birmans

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Sophie GOUSSET - Sanyukharing (à gauche), mère de quatre enfants, a bénéficié de la couverture maternité pour son dernier fils
Écrit par Sophie GOUSSET
Publié le 20 mai 2020

L’accès aux soins et services de santé publique gratuitement est désormais possible pour plus de 3.200 migrants sans statut légal à la frontière birmane en Thaïlande. Le M-Fund, développé par l’entreprise sociale Dreamlopments en 2017, fournit une assurance maladie pour un montant mensuel de 100 bahts minimum. Première à Mae Sot, cette micro-assurance fait déjà ses preuves auprès de la population migrante.  

À Mae Sot, dernière ville avant la Birmanie, les ONG ouvrent et ferment en un claquement de portefeuille des donateurs, dont dépendent des milliers de migrants sans statut légal et en situation précaire. 

C’est pourquoi, Dr Nicolas Durier, ancien humanitaire engagé dans la recherche contre le Sida, a eu l’idée de proposer une couverture de santé pour cette population migrante en marge de la société thaïlandaise, ne pouvant pas prétendre à un statut légal. 

"Notre but est d’ouvrir l’accès aux soins et autonomiser la population birmane immigrée dans cette région", déclare le Dr Durier. 

Basé sur l’entreprenariat social, le Fonds Migrant (M-Fund) est une micro assurance santé à but non lucratif dont le but est à terme de s’autofinancer par les cotisations des assurés et ne plus dépendre de l’aide de donateurs, à contrario des ONG. "C’est une nécessité pour la communauté" renchérissent conjointement, le fondateur et le chef de projet, le Dr Naing, qui coordonne les actions sur le terrain.

Avec comme partenaires, deux hôpitaux, trois cliniques d’ONG et le soutien du ministère de la santé thaïlandais,  le M-Fund poursuit son ascension vers l’ouverture des soins à la population écartée du service public. 

Organisée telle une entreprise, la micro-assurance basée sur le volontariat -les personnes décident si elles veulent cotiser chaque mois- déploie des équipes d’employés, les "community workers" pour présenter le programme au sein des communautés. La cotisation mensuelle permet à tout membre de bénéficier des soins gratuits (à l’exception des soins dentaires et oculaires). "Nous payons les factures des hôpitaux, les membres n’ont pas à avancer de frais" ajoute Nicolas Durier. "Munis d’une carte avec un numéro d’identification, les membres peuvent se rendre librement à l’hôpital et les community workers peuvent aussi s’assurer de leur paiement chaque mois".

Nécessité pour la communauté

A l’hôpital public de Mae Sot, parmi une cinquantaine de patients assis dans cette salle d’attente,  deux t-shirts bleus turquoise se distinguent, ceux des community workers, Bee, voilée, visage blanc souriant, fait partie de l’équipe sur le terrain et s’applique à remplir un formulaire d’entrée pour un assuré venu consulter un médecin. Peu de médecins communiquent en birman. 

Liens indéfectibles et essentiels du M-Fund, les community workers travaillent chaque jour à accompagner, soutenir, et informer la population migrante. Thaïlandais ou migrants birmans, ils chevauchent leur moto et sillonnent les différentes communautés de Mae Sot à la rencontre de ces personnes dont le sourire indéfectible cache le plus souvent une extrême pauvreté. 

A 100 bahts pour une seule personne ne souffrant d’aucune maladie chronique, ils ont pu trouver un filet de secours pour les aléas de leurs conditions de vie. 

Nombres de familles connaissent des naissances répétées. Sanyukharing, 37 ans, mère de quatre enfants, raconte en birman "j’allais à la clinique Mae Tao (dirigée par une ONG) pour accoucher en payant ce que je pouvais. Pour le petit, j’ai pu faire suivre toute ma grossesse à l’hôpital par un médecin, gratuitement." 

Plus loin de l’autre côté de la ville, une communauté musulmane birmane a tout perdu en venant en Thaïlande. Sans aucun papier pour justifier de leur nationalité birmane ni même de leur identité, les autorités locales les ont peu à peu expulsés. Sur ce sol boueux nauséabond jonché de détritus, d’excréments d’animaux, ces apatrides essayent tant bien que mal de vivre au quotidien.  

Une famille, neuf enfants, dont certains récupérés d’abandons de leurs parents partis ailleurs, aimerait souscrire à l’assurance ne pouvant pas avoir accès aux soins autrement. En vendant dans la rue, herbes et plantes ils essayent de réunir l’argent. Avec un système de "forfait famille" ils pourraient bénéficier de réductions sur les cotisations. 

Après un an, des ajustements nécessaires

Après un an d’opération, le constat est très favorable pour M-Fund, sa pérennité semble peu à peu s’ancrer la région de Mae Sot avec déjà plus de 3.200 adhérents. Mais, pour continuer dans cette belle lancée, le projet de Dreamlopments doit faire quelques ajustements.

"C’est un schéma volontaire mais nous devons établir certaines obligations. Une personne souffrant de maladie chronique (diabète, hypertension…) devra payer 50 bahts supplémentaires et ramener de deux autres personnes", détaille Nicolas Durier. Des efforts que les communautés sont prêtes à faire pour garder l’assurance. 

Malgré quelques difficultés opérationnelles comme la collecte mensuelle des cotisations, M-Fund s’étend et souhaite désormais s’implanter aussi du côté birman. Surtout, l’entreprise s’apprête à conclure un partenariat avec International refugee committee (IRC), pour soulager les ONG en manque de financement et de moyens et aider ces personnes en grande détresse.  

Aider et autonomiser les populations migrantes, un défi compliqué, dont M-Fund ajoute une pierre significative à l’édifice. 

Pour en savoir plus ou soutenir le Fonds Migrant, rendez-vous sur le portail des Supporteurs du M-Fund

Publié le 4 juillet 2018, mis à jour le 20 mai 2020

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