Un avocat thaïlandais a abandonné les poursuites pour diffamation contre un correspondant de la BBC. Le journaliste travaillait sur les étrangers victimes de fraudes qui se font déposséder de leurs maisons achetées pour leur retraites.
Jonathan Head, le correspondant de la BBC pour l’Asie du Sud-Est, risquait jusqu’à cinq ans de prison pour diffamation après avoir réalisé et diffusé en 2015 un reportage démontrant comment deux retraités étrangers s’étaient fait voler leurs propriétés à Phuket par un réseau criminel et des responsables corrompus.
Mais l’avocat qui avait engagé le procès - Pratuan Thanarak - a finalement décidé d’abandonner les charges contre Head au premier jour du jugement, mercredi.
«La plainte contre le journaliste de la BBC Jonathan Head a été retirée», a annoncé la BBC dans un court communiqué mercredi soir.
Les poursuites ont également été abandonnées contre son co-accusé, Ian Rance, Britannique victime de la fraude, qui risquait lui deux ans de prison. Tous deux avaient plaidé non coupables lors des audiences préliminaires.
Des groupes de défense des droits de l’homme soulignent que l’affaire est symptomatique de la façon dont les lois thaïlandaises sur la diffamation et la criminalité informatique minent le journalisme d’investigation et rendent difficile la mise au jour d’irrégularités dans un pays où la corruption est endémique.
En 2001, Ian Rance avait pris sa retraite à Phuket et épousé une Thaïlandaise qui a ensuite imité sa signature pour vendre ses propriétés avec l’aide d’un réseau de prêteurs d’argent et d’agents immobiliers locaux, mettant au jour une pratique à grande échelle.
Rance a dit avoir perdu l’équivalent de 1 million d’euros.
L’épouse a passé quatre ans en prison et le retraité a bataillé pendant des années devant les tribunaux pour pouvoir récupérer ses propriétés.
Dans son enquête, Jonathan Head avait rapporté que l’avocat Pratuan Thanarak avait reconnu que la signature du retraité avait été contrefaite, et qu’il l’avait certifiée en son absence. L’avocat avait porté plainte pour diffamation avant de changer d’avis mercredi soir.
Les étrangers ne peuvent pas acheter de terrain en Thaïlande mais ils contournent souvent cette règle en plaçant des biens sous des noms Thaïlandais, ou en créant des entreprises majoritairement tenues par des Thaïlandais.
“Je suis triste de constater que beaucoup d’autres, investisseurs et hommes d’affaires thaïs comme étrangers, peuvent se faire escroquer d’une manière similaire“, a indiqué Ian Rance, ajoutant qu’il a été ruiné par ses tentatives infructueuses de récupérer ses propriétés volées via les tribunaux thaïlandais.
La plainte portée par Pratuan, que l’AFP a pu voir, affirme que Rance l’a “diffamé“ en parlant à la BBC durant le mois de septembre 2015 mais il n’y a aucun détail de ce qu’il a dit ou en quoi c’était diffamatoire.
Contrairement à beaucoup de pays où la diffamation relève du code civil, en Thaïlande c’est une infraction pénale.
Des citoyens peuvent aussi lancer leurs propres poursuites et ils ne sont pas forcés de payer s’ils perdent.
Des cas similaires ont eu lieu ces dernières années.
Le site d’informations local Phuketwan a fermé en 2015 après avoir fait faillite suite à un procès engagé par la marine thaïlandaise.
Andrew Drummond, un reporter criminel britannique, a quitté le pays la même année a cause de d’affaires multiples soulevées par ceux qu’il avait exposé, de même que le militant du droit des travailleurs migrants Andy Hall en 2016.
Avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) jeudi 24 août 2017
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