La Thaïlande est devenue depuis une dizaine d'années une des destinations de "tourisme médical" les plus prisées au monde grâce un service de qualité et des prix attractifs. Des patients originaires de tous les continents viennent y recevoir des soins, mais on compte en revanche peu de Français
Sur les 17 millions de visiteurs accueillis en 2011 dans le royaume, il y a eu environ 1,2 million de "touristes médicaux", ce qui place la Thaïlande très loin devant ses concurrents régionaux. Ce chiffre augmente d'environ 20% chaque année. Dans les principaux hôpitaux privés de Bangkok, il est difficile de ne pas être frappé par le nombre de patients farangs. Les apparences sont toutefois trompeuses : "En réalité, il faut bien distinguer trois catégories de patients étrangers : les expatriés ; les touristes de passage tombés malade qui ne souhaitent pas être rapatriés, préférant se faire soigner sur place ; et les touristes médicaux qui viennent en Thaïlande principalement pour se faire soigner, explique Nicolas Leloup, directeur marketing à l'hôpital Samitivej. Chez les Occidentaux, cette dernière catégorie reste assez minoritaire par rapport aux deux autres". Les touristes médicaux en Thaïlande sont avant tout originaires du Moyen-Orient (45%) et d'Asie du Sud ou d'Asie du Sud-Est (40%), seuls 15% d'entre eux venant d'Europe ou d'Amérique du Nord. "Après les attentats du 11 septembre 2001, les patients originaires des pays du Golfe persique mais aussi d'Egypte, de Jordanie, de Syrie ou d'Iran ont commencé à avoir des difficultés pour se rendre aux Etats-Unis et s'y faire soigner. Ils se sont donc tournés vers d'autres destinations, notamment la Thaïlande", poursuit Nicolas Leloup. Les patients originaires de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh, qui en ont les moyens, ont toujours apprécié venir se faire soigner à Bangkok : proximité géographique, qualité des soins et confort les attirent. La démarche est la même pour les patients originaires d'Asie du Sud-est. "Il y a aussi des patients asiatiques (ndlr : Chine, Birmanie, Cambodge, Laos, Vietnam) qui viennent ici tout simplement parce qu'ils ne trouvent pas les soins recommandés pour leur pathologie dans leur propre pays ", ajoute Kim Eu Ju, responsable clientèle à l'hôpital Bumrungrad, le plus grand hôpital privé du pays avec près d'1 million de consultations chaque année. Quant à la clientèle "farang" qui vient se faire soigner en Thaïlande, elle est souvent nord-américaine, plus rarement européenne. Pour Kim Eu Ju, "un Européen qui n'a jamais mis les pieds dans le royaume hésitera à venir s'y faire soigner. En revanche, un Européen qui est venu en touriste et a vu la qualité des infrastructures ici n'hésitera pas à revenir pour des soins".
La présence d'expatriés, gage d'un système de santé de qualité
Plusieurs raisons expliquent cet engouement pour la Thaïlande. La principale tient au fait que le royaume offre des soins de qualité pour un coût bien inférieur à ceux des pays occidentaux et assez compétitif par rapport aux pays voisins. Le système de santé thaïlandais a été tiré vers le haut tant par la présence constante d'expatriés en Thaïlande, exigeants sur la qualité des soins, que par une volonté des pouvoirs publics. L'enseignement médical moderne a été mis en place notamment par le père du roi actuel, qui avait étudié la médecine à Harvard et voulait moderniser le royaume dans ce domaine. Les facultés thaïlandaises de médecine sont réputées être de bon niveau. En outre, de nombreux médecins thaïlandais ont étudié une ou plusieurs années en Europe, en Amérique du nord ou en Australie. Le royaume a également fourni un gros effort d'investissement dans l'équipement médical. Ses hôpitaux sont parmi les plus modernes d'Asie du Sud-Est et près d'une vingtaine d'entre eux répondent aux standards internationaux les plus exigeants, notamment le JCI, Joint Commission International. Enfin, le royaume s'est doté d'une industrie de la santé performante, permettant de réduire sa dépendance vis-à-vis d'importations coûteuses. Il compte maintenant des entreprises pharmaceutiques, d'appareils médicaux, de prothèses.
Des services de qualité
D'autres particularités du système de soins thaïlandais attirent les touristes médicaux. Le temps d'attente entre une prise de rendez-vous et la consultation tout comme celui entre la consultation et une intervention chirurgicale est très réduit. Une situation de plus en plus rare ailleurs. Quant aux rendez-vous, ils sont en général honorés avec ponctualité, ce qui évite les longues heures d'attente. Pour les patients argentés et pressés, la rapidité est un facteur essentiel. Par ailleurs, "depuis 1997 et la crise financière en Asie, les grands hôpitaux privés ont cherché à attirer les patients étrangers, en améliorant la qualité du service proposé et le confort des malades" précise Nicolas Leloup, directeur marketing de l'hôpital Samitivej. Cet établissement fait partie du Bangkok Dusit Medical Group, la plus importante entreprise du secteur qui regroupe les établissements du Bangkok Hospital, BNH, Phayathai et San Paolo. Ainsi, les grands hôpitaux privés disposent toujours d'un site web complet et offrent au patient la possibilité d'organiser depuis l'étranger via courriel, fax et téléphone l'ensemble du programme de soins et de séjour avant son arrivée. Un véhicule, médicalisé si besoin est, vient gratuitement le chercher à l'aéroport. La prise en charge administrative et médicale est immédiate et rapide, dès l'arrivée dans les locaux de l'hôpital.
Certains de ces hôpitaux privés ressemblent presque à des hôtels de luxe avec un mobilier moderne, des salles spacieuses et des chambres individuelles confortables.
Par ailleurs, les visiteurs sont souvent surpris par la politesse et la disponibilité du personnel de soins, qui sait s'exprimer dans un anglais correct, ce qui est loin d'être le cas dans les hôpitaux publics thaïlandais. Dans tous les cas, des traducteurs, y compris francophones, peuvent prendre en charge les patients pour leurs formalités administratives, les déplacements, les consultations et ce service est également gratuit.
Un marché de la beauté très lucratif
Mais pour quels types de soins les touristes médicaux viennent-ils en Thaïlande ? La gamme de soins possibles est très large et va des consultations et interventions chirurgicales les plus courantes aux plus délicates. Il existe un marché de la beauté et du bien-être, tiré par de nombreux établissements modernes, qui proposent toute sorte de prestations, bien moins chères qu'en Europe et en général de bonne qualité : chirurgie esthétique et lifting, soins dentaires, dermatologie, kinésithérapie etc.
Bangkok a aussi acquis une réputation d'excellence pour l'orthodontie, les opérations de changement de sexe ou de pose d'implants mammaires. Ce marché de la beauté et du bien-être est partagé entre les hôpitaux privés et les cliniques. Des forfaits de tourisme médical sont même proposés, soit par des agences de voyages, soit par les cliniques elles-mêmes : le début du séjour commence par des soins en établissement et se terminent comme un séjour touristique classique à la plage ou par des visites culturelles. "Les hôpitaux privés proposent aussi ce type de prestations, mais ce n'est pas leur c?ur de métier, analyse Kim Eu Ju, la responsable clientèle de l'hôpital Bumrungrad. Ils cherchent surtout à attirer des patients étrangers qui ont besoin de soins médicaux plus classiques ". Or, le royaume a su se doter d'équipes médicales et de "plateaux " de très haut niveau dans certaines spécialités : cardiologie, orthopédie, cancérologie, traitement des maux de dos, de l'infertilité etc. Ce sont ces spécialités particulières et nécessitant un savoir-faire qui drainent de nombreux patients du Moyen-Orient ou d'Asie.
Peu de Français
Avec une demande croissante de soins de qualité, le souci du confort, un transport aérien qui se banalise et une population âgée de plus en plus nombreuse, le secteur du tourisme médical a un avenir qui s'annonce radieux. Deux inconvénients doivent toutefois être mentionnés.
Certes, ces hôpitaux privés fournissent des soins de bonne qualité mais ils connaissent aussi comme toute structure médicale des taux de mortalité, d'accidents chirurgicaux et de maladies nosocomiales difficilement compressibles. Si ces hôpitaux sont assurés et proposent en cas de problème une indemnisation, le montant de celle-ci ne sera pas équivalent à ce qui est obtenu en Europe. Intenter une action en justice en Thaïlande contre un hôpital reste possible mais aléatoire et pour un gain qui, là encore, sera bien inférieur à celui obtenu dans un pays occidental. Deuxième inconvénient : le coût éventuel. D'une part, il ne faut pas oublier d'inclure dans son budget les frais d'avion et ceux d'hébergement à la sortie de l'hôpital, car après une opération, quelques jours de repos à l'hôtel sont conseillés avant de reprendre un vol.
D'autre part, en cas d'intervention chirurgicale, il ne faut pas oublier non plus d'examiner les conditions de remboursement. "Pour le patient étranger, les économies réalisées en venant en Thaïlande dépendent de la nature de sa couverture sociale , indique Kim Eu Ju. Aux Etats-Unis, par exemple, un certain nombre de maladies ne sont plus couvertes par les assurances privées. La présence de patients américains dans le royaume s'explique par cette situation". Un patient qui ne dispose pas d'une bonne couverture sociale dans son pays peut trouver un réel gain financier à venir se soigner en Thaïlande. Toutefois, pour des soins couverts par une assurance santé ou la sécurité sociale, l'intérêt financier est moindre. "Il y a peu de tourisme médical français dans le royaume, car les Français bénéficient dans l'hexagone de soins de qualité avec une couverture sociale très large. Mais le potentiel existe", observe Nicolas Leloup. En effet, les Français, qui viennent se faire soigner en Thaïlande, doivent certes avancer les frais mais peuvent se faire rembourser auprès de la sécurité sociale lors de leur retour en remplissant un formulaire adéquate et en joignant toutes les pièces justificatives. Les délais de remboursement, notamment en raison du délai de traduction des documents, peuvent toutefois atteindre 6 mois. C'est le prix à payer pour pouvoir profiter de la qualité du service médical thaïlandais.
Par Ghislain POISSONNIER mercredi 5 septembre 2012