Un leader étudiant thaïlandais a été condamné mardi à deux ans et demi de prison pour avoir diffamé la famille royale en partageant sur Facebook un article de la BBC portant sur le nouveau roi.
Jatupat "Pai Dao Din" Boonpatararaksa, 25 ans, est le dernier activiste en date à être visé par la draconienne loi thaïlandaise qui interdit toute critique de la monarchie.
La loi de lèse-majesté, l'une des plus sévères au monde, a été invoquée avec une férocité croissante sous le régime de la junte thaïlandaise en place depuis trois ans.
Connu sous le surnom "Pai", le jeune homme avait été placé en détention depuis son arrestation en décembre dernier pour avoir partagé sur sa page Facebook un article sur le roi Maha Vajiralongkorn publié en langue thaïe par le bureau de la BBC à Londres.
Mardi, le tribunal de Khon Kaen l'a emprisonné pour deux ans et demi après qu'il a soudainement changé sa ligne de défense en plaidant coupable de lèse-majesté.
"Il a été condamné à 5 ans et le tribunal a réduit la peine à deux ans à compter de six mois après le plaidoyer de culpabilité," a confié à l'AFP Viboon Boonpatararaksa, le père de Jatupat.
Ceux inculpés pour lèse-majesté en Thaïlande sont quasiment toujours condamnés, le plus souvent dans des procès tenus à huis clos.
Chaque chef d'accusation prévoit jusqu'à 15 ans de prison et beaucoup plaident coupable dans l'espoir de voir leur peine réduite.
La sévérité de cette loi rend tout questionnement de la puissante famille royale impossible dans le royaume y compris de la part des médias qui doivent régulièrement s'autocensurer – ils ne peuvent d'ailleurs pas évoquer le fond des affaires de lèse-majesté.
Condamnations plus fréquentes et peines record
Le recours à la loi de lèse-majesté a soulevé de nombreuses critiques dans le monde. Près de 120 personnes ont été mises derrière les barreaux en Thaïlande pour des propos jugés insultants pour la famille royale depuis le coup d'Etat militaire en 2014.
"Le traitement réservé à Pai Dao Din a été alarmant sur plusieurs plans : depuis les poursuites qui le visent pour avoir exercé sa liberté d'expression jusqu'à sa détention prolongée avant son procès en passant par le fait que certaines auditions ne se sont pas tenues en public", a déclaré Kingsley Abbott, de la Commission internationale des juristes, qui suit régulièrement les procès pour lèse-majesté.
L'étudiant a été la première personne à être placée en détention sous le règne du nouveau roi, Maha Vajiralongkorn, qui a succédé à son père, le vénéré Bhumibol Adulyadej, décédé en octobre 2016 après 70 ans sur le trône.
Selon un rapport de l'ONU publié en début d'année, le taux de condamnations pour lèse-majesté est passé de 75% avant le coup d'Etat à 96% l'an dernier.
Certains de ceux emprisonnés se sont vus infliger des peines record, certaines allant jusqu'à 30 ans, souvent pour de simples commentaires postés sur les réseaux sociaux.
Des militants n'hésitent pas à faire la comparaison entre ce type de peines lourdes et des affaires récentes graves impliquant des gros pontes bien connectés qui s'en tirent généralement avec un verdict avantageux ou échappent carrément aux poursuites.
Celui qui vient tout de suite à l'esprit est le cas Worayuth Yoovidhya, héritier de la famille milliardaire derrière la boisson énergisante Red Bull. Le jeune Worayuth esquive avec beaucoup de facilité depuis plusieurs années les poursuites pour avoir tué un officier de police dans l'exercice de ses fonctions en le percutant à près de 200km/h avec sa Ferrari après une soirée arrosée. Le chauffard avait trainé le corps du policier sur une centaine de mètres avant de rentrer tranquillement chez lui et de laisser accuser son chauffeur.
Jatupat "Pai Dao Din" Boonpatararaksa fait l'objet d'autres poursuites pour des manifestations anti-militaristes qui pourraient conduire à allonger sa peine de détention.