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Le plastique et la pauvreté, les combats de Mutsumi en Thaïlande

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courtoisie Sang Foundation - La fondation Sang distribue des colis comprenant un sac de 5 kg de riz, 5 boîtes de conserve de poisson, 10 paquets de nouilles instantanées, 1 Bouteille d'huile de 25 ml
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 21 mai 2020

Du Japon en passant par le milieu de la mode des années 1980 à Paris, Mutsumi s’est installée en Thaïlande il y a 22 ans pour un changement de vie radical. En 2015, elle a créé une fondation pour la sensibilisation des enfants à l’écologie qui, à l’heure du Covid-19 et ses réponses démesurées, se tourne vers les milliers de Thaïlandais privés de ressources. 

“Je n’imaginais pas qu’il y avait autant de pauvreté en Thaïlande”, lance d’emblée en français, Mutsumi Adachi, directrice de la fondation Sang (www.sangfoundation.org ). “J’estimais qu’environ 1.000 personnes avaient besoin d’aide dans la région de Petchaburi et Prachuap Khiri Khan, je pense qu’il y en a plus de 10.000”, dit-elle. 

De mère japonaise et de père chinois, Mutsumi Adachi est née à Tokyo en 1956 avant de poursuivre une carrière qui l’amènera un peu partout dans le monde jusqu’à son installation en Thaïlande en 1998. En 2015, elle crée la fondation “Sang” - qui veut dire “Lumière” en thaïlandais et en sanscrit. Son objectif premier est de sensibiliser et d’éduquer les enfants aux problématiques environnementales. Aujourd’hui, avec la crise que traverse la Thaïlande suite aux mesures prises par les autorités pour lutter contre la propagation de l’épidémie du nouveau coronavirus, Mutsumi a décidé de réorienter les activités de sa fondation pour venir en aide aux personnes les plus pauvres et isolées des villes dans les provinces de Petchaburi et Prachuap Khiri Khan. 

Lepetitjournal.com/bangkok l’a rencontrée par téléphone, distanciation physique oblige, pour discuter de son action pour aider les personnes les plus précaires face à la situation actuelle et pour en savoir plus sur cette femme qui maîtrise pas moins de sept langues : cantonais, mandarin, japonais, anglais, français, italien et thaïlandais. 

Mutsumi Adachi, Japonaise francophone en Thailande directrice de la fondation Sang
Mutsumi Adachi est arrivée en Thaïlande en 1998 avec son mari, Henri-Paul Bour. Installée à Hua Hin, elle fondé en 2015 la fondation Sang (photo courtoisie)

Lepetitjournal.com: Pouvez-vous revenir rapidement sur votre parcours ?

Mutsumi Adachi: Mon père était diplomate chinois en poste à Tokyo, c’est d’ailleurs là qu’il a rencontré ma mère. J’ai grandi à Taiwan avant de retourner à Tokyo pour mes études supérieures et là j’ai rencontré un Français, Henri-Paul Bour, qui allait devenir mon mari. Je l’ai suivi à Paris où j’ai étudié à L'École supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD). J’ai ensuite travaillé comme stylistes pour différents couturiers. Dans le milieu de la mode à Paris dans les années 1980, il était facile de percer, il y avait une énergie créative, une fascination pour la créativité orientale, c’était un milieu beaucoup plus ouvert pour trouver des collaborations avec des marques ou d’autres stylistes. C’était une époque formidable où nous faisions tout le temps la fête! 

Avec le temps, j’ai vu que les possibilités en France s’amenuisaient : les taxes, la semaine de 35 heures, etc. Nous avons décidé avec mon mari de créer une société de stylisme à Hong Kong. J’ai travaillé, travaillé, et je suis tombée malade. J’ai réalisé que je ne pouvais pas faire uniquement de l’argent et ne plus avoir de temps pour m’occuper de mes enfants et j’ai décidé de changer de vie, de ne plus me consacrer au matériel et nous avons déménagé en Thaïlande en 1998. Nous vivons à Hua Hin.

Comment s’est traduit le changement lors de votre installation en Thaïlande ?

Quand je suis tombée malade, j’ai commencé à méditer, à suivre des enseignements bouddhistes ésotériques de plusieurs grands maîtres, à faire des formations avant de commencer à donner des soins énergétiques aux autres.

Mon père était un homme très généreux. A Taiwan, après la Deuxième Guerre mondiale, c’était très difficile pour la population, des gens ont commencé à déposer devant sa porte des couffins avec les enfants qu’ils abandonnaient, c’est pour cela qu’il a ouvert un orphelinat. Aussi, je suis allée à l’école catholique à Taiwan, où la charité est au centre de l’éducation. Voilà, comment je décrirais le milieu dans lequel j’ai grandi et qui m’a influencé pour la suite. 

Fondation Sang en aide au demunis du Covid

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer la fondation Sang ?

J’adore la plongée. Il y a 10 ou 15 ans, on trouvait encore de gros poissons, des coraux, mais aujourd’hui c’est en train de disparaître. L’état de la mer, que ce soit à Phuket, aux îles Similan, Koh Phangan, tout est en train de mourir, c’est catastrophique!

En 2015, j'ai créé la Fondation Sang avec un groupe de volontaires dévoués. L'objectif initial de la fondation est de promouvoir l'information et l'éducation des enfants sur les problèmes environnementaux. Cette éducation se fait au travers d'activités créatives dans les écoles et universités. Pour cela, nous avons créé la structure géante d'une baleine, “Bobo”, symbole des animaux empoisonnés par les déchets plastiques jetés dans les océans. Bobo la baleine n'est évidemment pas en bonne santé.

Cette façon concrète de montrer aux enfants ce qu’il se passe avec les déchets plastiques et autres déchets illustre bien le problème du recyclage et de l'usage intempestif des plastiques. Pour le moment, nous avons déjà fait des journées de sensibilisation dans toutes les écoles internationales de Bangkok et dans deux écoles à Phuket. Nous étions aussi présents avec Bobo la baleine lors de l’Ocean Day en 2019 à l’Alliance française de Bangkok. Nous soutenons aussi en arrière-plan les jeunes qui ont initié les manifestations pour le climat sous la bannière “Climate Strike Thailand”. 

Aujourd’hui, vous avez mis votre combat contre les déchets de plastiques entre parenthèses pour vous consacrer à une autre cause…

Aujourd’hui, l’urgence est de nourrir ceux qui n’ont rien à manger dans les provinces de Petchaburi et Prachuap Khiri Khan au sud de Bangkok.
Avec la crise du Covid19, et l’arrêt des activités du tourisme et des entreprises, des milliers de familles dans la région et sans doute partout ailleurs, se retrouvent sans revenus, sans argent et sans rien à manger. 

En fait, les personnes qui sont derrière Covid Thailand Aid sont les mêmes que celles de Climate Strike Thailand. Nous avons commencé le 13 avril.

J’ai aussi réalisé que l’aide est le plus souvent apportée dans les villes mais qu’il n’y avait pas ou peu d’aide distribuée dans les villages, auprès des personnes isolées qui vivent parfois à 60 ou 80 km des villes, qui n’ont pas de moto ou pas assez d’argent pour mettre de l’essence dans leur scooter. Jusqu’ici, nous avons déjà aidé 2.300 familles ce qui représente peut-être 8.000 personnes, un chiffre sous-estimé, car beaucoup de familles ont plus de deux enfants. 

Comment se traduit cette aide ?

Nous livrons des colis d’une valeur de 250 bahts qui comprennent un sac de 5 kg de riz, 5 boîtes de conserve de poisson, 10 paquets de nouilles instantanées, 1 Bouteille d'huile de 25 ml. Malheureusement, un tel colis est à peine suffisant pour deux semaines. Nous essayons aussi de livrer d’autres produits tels que des couches pour les enfants, du lait pour les bébés, des brosses à dents, du dentifrice, etc. Il y a beaucoup de Cambodgiens, de Birmans dans la région, ou des personnes originaires de l’Isan, mais qui ne sont pas enregistrées ici, toutes ces personnes sortent des systèmes d’aides du gouvernement. 

www.sangfoundation.org 

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